Il y a quelques jours, nous apprenions que le régulateur allemand, la BaFin, examinait les accusations à l’encontre du gestionnaire d’actifs DWS. De nombreux gestionnaires d’actifs se retrouvent désormais dans une situation d’incertitude réglementaire. Nul n’est en mesure de juger de la conformité de ses propres allégations commerciales environnementales, d’anticiper de potentielles investigations de la part des régulateurs ou de savoir si DWS sera sanctionné.
Comment lutter vraiment contre le greenwashing ?
Cette actualité démontre plus que jamais l’importance de se mettre à la page en matière d’allégations commerciales environnementales. Des études menées notamment par 2 Degrees Investing Initiative (2DII), think tank international indépendant, ont démontré que de nombreuses allégations commerciales environnementales étaient en contradiction avec les directives réglementaires. 2DII livre ici 5 étapes clés pour éviter les foudres des régulateurs.
1. Arrêter d’assimiler l’empreinte consommation des investisseurs à leur empreinte investissement
Une agence allemande de protection des consommateurs a pointé du doigt la “calculatrice d’impact” de DekaBank, qui a fait l’objet d’une action en justice en début d’année. La calculatrice a depuis été supprimée. La campagne “Make My Money Matter” au Royaume-Uni a fait l’objet de réactions similaires. Il faut à tout prix éviter d’assimiler l’empreinte de l’investissement des clients à leur empreinte de consommation annuelle. L’une est un “stock”, l’autre un flux. Si la réduction de la consommation réduit généralement les émissions carbones, la réduction de l’empreinte de l’investissement produit rarement le même effet. L’année dernière, 87 % des personnes que nous avons interrogées dans le cadre de l’une de nos enquêtes menées auprès des professionnels de l’ESG ont jugé ce type d’affirmations trompeuses.
2. Cesser de communiquer de manière trompeuse auprès de ses clients
Les enquêtes sur le greenwashing ne s’arrêtent pas aux inexactitudes factuelles. La Directive européenne relative aux pratiques commerciales déloyales indique clairement que l’allégation commerciale viole la directive si elle “induit en erreur même si les déclarations sont factuellement correctes”. Pour savoir quelles déclarations pourraient être trompeuses, il faut évidemment effectuer des recherches. Nous avons déjà une idée des pièges à éviter. Les deux problématiques majeures que nous observons tout particulièrement en ce moment concernent les obligations vertes et les déclarations de désinvestissement.
Des enquêtes menées en Allemagne montrent que 90 % des consommateurs pensent que les fonds d’obligations vertes contiennent des entreprises qui sont soit vertes, soit en phase de transition et en passe de devenir vertes. Aucun de ces critères n’est en réalité une condition d’émission d’une obligation verte. Pour éviter d’induire les investisseurs en erreur, il est donc indispensable d’être transparent et d’expliquer la composition du fonds.
Les allégations de désinvestissement constituent un autre champ de mines. Les investisseursont une compréhension systématiquement différente de ce que signifie le “désinvestissement”. Prenons l’exemple des tests sur les animaux : la majorité des individus que nous avons interrogés pensent que si la mention “sans tests sur les animaux” figure sur la boîte, le fonds n’est investi dans aucune entreprise dont les produits ont été testés sur les animaux, qu’il s’agisse de tests médicaux ou autres. Dans la pratique, de nombreux fonds portant cette mention investissent toujours dans des entreprises qui pratiquent des tests sur les animaux à des fins médicales. Quelle que soit notre opinion sur les mérites sociétaux des tests sur les animaux à des fins médicales, nous savons que prétendre que des fonds sont exempts de tests sur les animaux alors qu’ils ne le sont pas réellement est trompeur.
Le désinvestissement dans le secteur du charbon et des combustibles fossiles est un autre exemple. Les seuils relatifs à ces politiques de désinvestissement sont là pour une raison et présenter un fonds d’investissement comme « ex-fossiles » avec des possibilités d’interprétations aussi diverses sera forcément trompeur pour un investisseur. Le plus important encore une fois est de faire preuve de transparence en s’assurant que les investisseurs comprennent clairement dans quoi ils investissent.
3. Différencier clairement l’impact sur le monde réel de l’impact ” virtuel “
C’est un des chevaux de bataille de 2DII, et plus que jamais d’actualité ! Affirmer qu’une réduction des émissions d’un portefeuille d’investissement équivaut à une réduction des émissions dans le monde réel ou laisser planer une certaine ambiguïté à ce sujet est trompeur vis-à-vis de l’investisseur. Pourquoi avoir recours à de telles allégations quand de bonnes pratiques existent ? Être ambigu en revendiquant des “réductions d’émissions” alors qu’elles sont “virtuelles” peut être problématique à terme. Il ne s’agit pas que d’une question de risque de poursuites ou enquêtes, mais plus globalement de crédibilité de la finance durable et de sa capacité à sensibiliser et engager les investisseurs de détail.
4. Attention aux affirmations selon lesquelles “ESG” équivaut à “durable”.
La question continue de se poser : les scores ESG représentent-ils une performance de durabilité ou des risques de durabilité ? Les communications relatives aux données se contredisent parfois dans un même document. Tant que l’incertitude planera, affirmer que les fonds qui utilisent les scores ESG dans leur stratégie sont plus durables posera clairement un problème. Réduire les risques ESG n’équivaut pas à être plus durable, ni à rechercher des résultats plus durables. Un fonds qui affiche des caractéristiques de durabilité alors que sa stratégie se concentre sur les données relatives aux risques ESG doit être clair sur cette distinction et s’assurer de la clarté des informations de son fournisseur de données.
5. Bannir les formulations ambiguës
Les formulations ambiguës ne sont pas conformes aux critères définis par le groupe de discussion sur les allégations commerciales environnementales, le Multi-Stakeholder Dialogue on Environmental Claims (MDEC). Des allégations telles que “Investissez et sauvez la planète” sont problématiques à la fois parce qu’elles sont ambiguës et parce qu’elles promettent des résultats d’investissement que l’investisseur ne peut pas nécessairement tenir. Les autorités réglementaires bondiraient si un gérant d’actifs affirmait : “Investissez dans notre fonds et obtenez un rendement garanti de 20 %”. “Sauver la planète” ou “réduire le changement climatique” sont des promesses qu’un investisseur ne peut pas tenir en investissant dans un fonds liquide. Ce n’est pas un problème en soit, il en va de même en matière de performances. En revanche, dans le cas des allégations commerciales relatives aux performances, les avertissements abondent, alors qu’ils sont clairement inexistants pour les allégations commerciales environnementales.