Donner une valeur à l’action engagée pour le climat est une condition essentielle de la transition écologique.
Ce rapport, fruit des travaux de la Commission présidée par Alain Quinet, propose une nouvelle trajectoire de la valeur tutélaire du carbone. Celle-ci est revue en hausse, reflétant l’importance du chemin à parcourir pour sortir des énergies fossiles et atteindre la neutralité carbone. Une valeur plus élevée a pour effet d’élargir le périmètre des actions sectorielles et des investissements publics pertinents dans la lutte contre le changement climatique.
L’ambition française est d’éliminer les émissions de gaz à effet de serre sur le sol national à l’horizon 2050. C’est l’objectif « ZEN » : zéro émissions nettes de gaz à effet de serre liées aux activités humaines, les émissions brutes résiduelles ayant vocation à être absorbées par les puits de carbone que sont notamment les forêts, les prairies et à plus long terme les dispositifs techniques de capture et séquestration du carbone.
Cette ambition doit s’incarner dans des changements de comportement, des investissements publics et privés, et plus généralement dans un ensemble d’actions publiques et privées. Il faut agir sur un front large, mais il faut aussi agir dans le bon ordre, fixer des priorités, concentrer les moyens sur les actions utiles, arbitrer entre le déploiement rapide de technologies matures et l’anticipation de nouvelles solutions permises par les innovations en cours, accompagner les transitions industrielles et sociales.
Donner une valeur monétaire à l’action pour le climat, c’est reconnaître la valeur de l’action par rapport à la non-action, c’est signaler que les activités humaines doivent intégrer, «internaliser» les bénéfices collectifs que procure la réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est se donner une référence pour sélectionner et hiérarchiser les actions utiles à la collectivité.
La valeur de l’action pour le climat s’inscrit dans une stratégie publique de long terme exprimant une vision partagée de la lutte contre le changement climatique – en l’occurrence l’Accord de Paris de 2015 et le Plan Climat de 2017. Dans le cas particulier de l’analyse socioéconomique des investissements publics, l’État décide de la valeur qu’il va retenir pour les évaluer : c’est le sens originel de l’expression de « valeur tutélaire », étendu ici à un cadre plus général.
S’inscrivant dans une longue tradition française de calcul économique, et dans la démarche des précédentes commissions présidées par Marcel Boiteux (2001) et Alain Quinet (2008), le présent rapport est le fruit du travail d’une commission composée d’une vingtaine d’experts et d’économistes de l’environnement issus de l’université, des centres de recherche et des organisations internationales, du monde économique et social, des organisations non gouvernementales et de l’administration. La commission « Valeur de l’action pour le climat » a mobilisé pour élaborer ses propositions cinq équipes de modélisation, auditionné plusieurs personnalités et tenu de nombreux ateliers ouverts aux représentants des différents secteurs de l’économie.
La valeur de l’action pour le climat mesure la valeur pour la collectivité des actions permettant d’atteindre l’objectif de neutralité carbone
Par l’Accord de Paris de 2015, les parties se sont fixé comme ambition collective de parvenir à la neutralité carbone au cours de la seconde moitié du XXIe siècle, l’Accord invitant les pays développés à atteindre cet objectif avant les pays en développement. Cet objectif s’appuie sur le diagnostic du Groupement d’experts internationaux sur le Climat (GIEC) d’un épuisement du budget carbone – c’est-à-dire des marges résiduelles disponibles pour émettre des gaz à effet de serre – si l’on veut contenir le réchauffement climatique en-deçà de 2 °C. Sur la base des tendances passées, nous n’avons devant nous que trois décennies d’émissions à notre disposition : au-delà, notre marge de manoeuvre sera épuisée, avec un risque élevé que se matérialisent des dommages graves et irréversibles.
La lutte contre le changement climatique et les bénéfices qu’elle procure pour la collectivité ne sont pas spontanément pris en compte dans les calculs de rentabilité financière des acteurs publics et privés. La valeur de l’action pour le climat – ou valeur tutélaire du carbone – vient combler cette défaillance de marché : elle donne une mesure du chemin qui reste à parcourir – et exprime en conséquence la valeur que la société doit accorder aux actions publiques et privées de décarbonation permettant d’arriver au bout du chemin. Ce sont les deux faces d’une même pièce.