Premier coup dur pour la richesse mondiale depuis 2008

Allianz Global Wealth Report publie son nouveau rapport sur la richesse mondiale

Dans le monde, en 2018 :

  • Les actifs financiers mondiaux ont diminué pour la première fois depuis la crise financière
  • Les épargnants ont perdu 600 milliards d’euros à cause de l’inflation sur leurs dépôts bancaires
  • La croissance de l’endettement se stabilise à un niveau élevé
  • La classe moyenne mondiale, au sens patrimonial, se stabilise
  • En France, en 2018, les actifs financiers ont diminué de 0,8 %

Première chute de la valeur des actifs financiers depuis 2008

Allianz dévoile la dixième édition de son Global Wealth Report, rapport mondial sur le patrimoine financier des ménages qui analyse les actifs et passifs financiers des ménages dans plus de 50 pays. Pour la première fois depuis 2008, en 2018, la valeur des actifs financiers bruts mondiaux des ménages a diminué de 0,1 % pour s’établir à 172 500 milliards d’euros, après 172 760 milliards en 2017.

En 2018, pour la première fois, les actifs financiers bruts ont diminué dans les pays émergents, et le recul y a même été plus prononcé que dans les pays industrialisés (-0,4 % vs -0,1 %). La Chine est en grande partie responsable de cette évolution, puisque les actifs s’y sont contractés de 3,4 %. Toutefois, d’autres grands marchés émergents comme le Mexique et l’Afrique du Sud ont également essuyé d’importantes pertes en 2018. Cette situation est d’autant plus préoccupante que sur les deux dernières décennies, l’écart de croissance des actifs financiers entre les pays plus pauvres et les pays plus riches était en moyenne à 11,2 points de pourcentage. Il semble que les conflits commerciaux aient mis un coup d’arrêt brutal au processus de rattrapage des pays les moins riches, sans que les pays avancés n’en bénéficient. Le Japon (-1,2 %), l’Europe occidentale (-0,2 %) et l’Amérique du Nord (-0,3 %) ont dû faire face à une contraction de la valeur des actifs financiers.

« L’année 2018 est l’annus horribilis de l’épargne mondiale » déclare Ludovic Subran,
Directeur de la Recherche Économique du groupe Allianz.
 « Les épargnants sont dans l’impasse, avec d’un côté, l’escalade du conflit entre les États-Unis et la Chine et la saga interminable du Brexit, et de l’autre, le durcissement des conditions monétaires, et le retour de la volatilité sur les marchés actions qui ont chuté de 12 % en 2018. Les tensions géopolitiques exacerbées nuisent à l’accumulation de richesses. C’est perdant-perdant.
 »

Le coût des choix d’épargne

Parallèlement, l’épargne supplémentaire a atteint un nouveau record, avec une hausse de 22 % soit 2 700 milliards d’euros de plus. L’augmentation des flux de fonds a toutefois été exclusivement alimentée par les ménages américains qui, grâce à la réforme fiscale américaine, ont accru de 46 % leur épargne nouvelle ; les États-Unis se taillent donc la part du lion, avec deux tiers de l’épargne totale des pays industrialisés.

Pourtant, les épargnants ont boudé l’assurance et l’épargne retraite : ces produits ne représentent plus que 25% des nouveaux placements, contre 50 % au moment de la crise de 2008. Et alors que les ménages américains se sont, en contrepartie, davantage tournés vers les valeurs mobilières, les autres ménages ont privilégié les dépôts bancaires (au détriment des valeurs mobilières). En Europe de l’Ouest, par exemple, deux tiers de l’épargne nouvellement constituée sont allés dans des dépôts bancaires. Ceux-ci restent la destination privilégiée pour la huitième année consécutive. Le coût du fait de l’inflation (non compensée) s’établit ainsi à 600 milliards d’euros en 2018.

« Ce comportement en matière d’épargne est paradoxal », déclare Micaela Grimm, co-auteure du rapport. « Beaucoup de gens épargnent davantage parce qu’ils prévoient que leur retraite durera plus longtemps et qu’ils seront plus actifs. Mais en même temps, ils boudent précisément les produits qui offrent une protection efficace contre la vieillesse, à savoir les produits d’assurance-vie et de rente. Tout se passe comme si l’environnement de taux bas sapait toute velléité d’épargne à long terme. Mais le monde a plus que jamais besoin d’épargnants et d’investisseurs à long terme pour faire face à l’ensemble des défis à venir. »

La croissance de l’endettement des ménages chinois

Les dettes des ménages ont progressé de 5,7 % en 2018, au niveau mondial, soit légèrement moins qu’en 2017 (6 %), mais nettement plus que la moyenne de long terme (3,6 %). Le ratio d’endettement mondial (ensemble des passifs en pourcentage du PIB) s’est cependant stabilisé à 65,1 %, grâce à la vigueur persistante de la croissance économique. À cet égard, la plupart des régions ont connu une évolution similaire. L’Asie (hors Japon) fait toutefois exception. Rien que sur les trois dernières années, le ratio d’endettement a bondi de près de dix points de pourcentage, une hausse essentiellement alimentée par la Chine (+15 points de pourcentage).

« La dynamique de l’endettement en Asie, et en particulier en Chine, est pour le moins préoccupante », commente Patricia Pelayo Romero, co-auteure du rapport. « Avec un ratio d’endettement de 54 %, les ménages chinois sont déjà aussi relativement endettés que les ménages allemands ou italiens. La dernière fois que nous avons assisté à augmentation aussi rapide de l’endettement privé, c’était aux États-Unis, en Espagne et en Irlande juste avant la crise financière. La Chine n’est pas immunisée contre une crise de la dette. »

Du fait de la forte croissance des dettes, les actifs financiers nets, c’est-à-dire la différence entre les actifs financiers bruts et la dette, ont diminué de 1,9 % pour ressortir à 129 800 euros fin 2018. La baisse a été très prononcée dans les pays émergents, avec un recul de 5,7 % (contre -1,1 % dans les pays industrialisés).

Une classe moyenne mondiale, au sens patrimonial, qui stagne

Pour la première fois en plus de dix ans, les rangs de la classe moyenne mondiale n’ont pas grossi : fin 2018, elle comptait quelque 1,040 milliard de personnes, soit plus ou moins le même nombre qu’en 2017. Compte tenu de la contraction des actifs en Chine, cela n’est guère surprenant. Car jusqu’à présent, l’émergence de la nouvelle classe moyenne mondiale a été pour moitié le fait de la Chine ; celle-ci représentait même 25% de la classe aisée. « Fin 2018, les 10 % les plus riches de la planète détenaient environ 82 % des actifs financiers nets totaux. Pour davantage de prospérité au niveau mondial, c’est du côté du Brésil, de la Russie, de l’Indonésie et de l’Inde qu’il faut se tourner », déclare Arne Holzhausen, co-auteure du rapport. « Ils peuvent amener 350 millions de personnes vers la classe moyenne, et quelques 200 millions vers la classe aisée. Pour cela, il faudra redémarrer le libre-échange. ». A noter, que les stigmates de la crise sont toujours visibles, deux régions du monde, l’Amérique du nord et l’Europe de l’Ouest ont vu le déclassement patrimonial de 5 à 10% de leurs ménages depuis le début des années 2000.

Notre indicateur d’équité de la richesse (Allianz Wealth Equity Indicator, AWEI) corrobore la perception générale, à savoir par exemple l’opposition entre les États-Unis – où la répartition de la richesse est très asymétrique – et le Japon, qui est l’une des sociétés les plus égalitaires. Il indique aussi que les pays scandinaves, contrairement à leur réputation, présentent une répartition assez inégale des richesses notamment à cause des prêts hypothécaires élevés ; l’Allemagne et, dans une bien moindre mesure, la France figurent également dans cette catégorie. En revanche, l’Espagne et l’Italie, malgré les crises récentes, comptent toujours parmi les pays dont la répartition des richesses est la plus équilibrée. L’indicateur montre aussi que la répartition des richesses se détériore sensiblement en Chine. Les années de croissance effrénée qui ont conduit à un enrichissement quasi généralisé sont révolues. La question sociale se fait de plus en plus pressante.

En France, recul des actifs financiers de 0,8 %

Les actifs financiers bruts des ménages français ont diminué de 0,8 % en 2018, soit la première baisse depuis 2008. La France n’est pas le seul pays à avoir connu une telle érosion : ses voisins l’Italie (-4,8 %), l’Espagne (-1,6 %) et la Belgique (-1,7 %) ont également terminé le mois en repli. L’Allemagne en revanche a évolué à contre-courant de la tendance, avec une croissance de +2,2 %. Le repli résulte de la forte baisse des valeurs mobilières, principalement des actions et des fonds d’investissement (-5,5 % après une hausse de 7,7 % l’année précédente) et d’une légère diminution (-1 %) des produits d’assurance et d’épargne retraite. Les dépôts bancaires ont, en revanche, enregistré une croissance vigoureuse de +4,5 %, conformément à l’année précédente, puisqu’ils ont constitué la principale destination de l’épargne nouvelle.

Les dettes ont progressé de 3,8 %, soit plus lentement qu’en 2017 (+5,2 %), mais à un rythme parfaitement conforme à la moyenne des cinq dernières années. Par conséquent, le ratio d’endettement des ménages a légèrement augmenté à 72,5 % fin 2018, un record historique et la septième hausse annuelle consécutive. Le niveau de l’endettement privé n’est toutefois pas encore préoccupant : pour une fois, le taux d’endettement de la France reste inférieur à la moyenne de l’Europe occidentale (74,1 %).

Baisse des actifs et hausse des passifs obligent, les actifs financiers nets de la France se sont contractés de 2,7 % en 2018, une première depuis la crise financière ; au cours des dix années qui ont suivi la crise, les actifs financiers nets ont augmenté en moyenne de 4,6 %. Avec des actifs financiers nets de 57 095 euros par habitant, la France reste 15e au classement des 20 pays les plus riches (actifs financiers par habitant, voir tableau), devant ses voisins l’Italie (17e) et l’Allemagne (18e). Les États-Unis ont de nouveau ravi la première place à la Suisse, notamment en raison de la fermeté du dollar. L’évolution du classement depuis le début des années 2000 fait clairement apparaître la piètre performance de la France sur le long terme : celle-ci a perdu 5 places, ce qui la positionne parmi les perdants, aux côtés par exemple de l’Italie (-10 places) et de la Belgique (-4 places). En revanche, Singapour (+13 places) et Taïwan (+10 places) se distinguent nettement, de même que la Suède (+6 places), l’Australie (+5 places) et la Corée du Sud (+5 places).

« En France, la classe fortunée a perdu près de 6 millions de personnes en 2018. » conclut Ludovic Subran.[

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