Esther Duflo s’est vu décerner le prix Nobel d’économie lundi 14 octobre, et ce pour ses travaux sur la lutte contre la pauvreté. Elle est d’autre pas considérée depuis 10 ans comme l’une des économistes les plus brillantes de sa génération.
Sa renommée est d’autant plus grande aux Etats-Unis car c’est au MIT (
Massachusetts Institute of Technology. ) qu’elle a fait ses études et s’est faite embauchée par la suite. Elle a d’autre part été la conseillère personnelle de Barack Obama au cours de ses deux mandats.
La base de son travail se fonde sur des expériences de terrain, en partenariat avec des organisations non gouvernementales (ONG).
Sa méthode en économie est fondamentalement centrée sur le pragmatisme. Elle n’écrit pas de grands traités théoriques, ne fait pas de modèles mathématiques. Ses expériences de terrain avec des ONG lui permettent d’ évaluer concrètement quelles politiques sont les plus efficaces pour réduire l’illettrisme, inciter les enfants à aller à l’école, les mères à les faire vacciner ou à participer à la vie politique.
Duflo décrit sa méthode de travail comme «vraiment micro. Mes projets portent toujours sur une question simple, épurée, qui a trait à la réaction des gens dans un contexte précis.» Elle cherche en général à savoir quel effet un programme donné dans un pays en développe-ment a eu sur les pauvres auxquels il était censé bénéficier.
Une expérience remarquable qui l’a propulsé sur le devant de la scène ces dernières années est la suivante :
Dans l’ouest de l’Inde, à Udaipur , où la vaccination était pourtant gratuite, cependant peu réclamée par les familles, Esther Duflo a monté une intervention avec trois groupes de villages : l’un, groupe témoin, restait dans le système traditionnel ; le second recevait la visite une équipe de vaccination mobile ; le troisième groupe avait aussi la visite de l’équipe mobile mais en plus les familles recevaient un kilo de lentilles lorsqu’elles amenaient leurs enfants. Le taux de vaccination passe de 6,2 % dans le village témoin à 38,3 % dans l’expérience avec distribution de lentilles gratuites. Une conclusion qui, pour un coût modeste, a permis d’améliorer sensiblement l’efficacité des campagnes de vaccination dans le pays.
Duflo cherche avant tout à étudier des personnes réelles dans un environnement réel. Dans un article daté de 2003,«Poor but Rational?», elle avance «qu’on pourrait en apprendre davantage sur le comportement humain par les choix des agriculteurs kényens en situation réelle que par les choix des étudiants américains en condition de laboratoire».
Si la recherche sur le terrain tient de «l’action», Duflo est certainement très active. Sur la base de ses recherches, elle a publié nombre d’études et d’articles pour des revues et a obtenu diverses bourses et dons de recherche. Elle est chroniqueuse pour le journal français Libération et participe au comité de rédaction de plusieurs revues universitaires.
Selon Duflo, le domaine de l’économie du développement a connu un regain d’intérêt au cours des dix dernières années,car «on a compris que la pauvreté modifie les motivations des gens et les contraintes qui pèsent sur eux».
Qu’espère-t-elle accomplir par son travail? Elle répond sans hésiter : “J’aimerais que nous en sachions plus sur ce que nous pouvons faire. Lorsque quelqu’un de bien intentionné souhaite améliorer l’éducation, ou le rôle de la femme ou des collectivités locales, je voudrais qu’il dispose d’un menu d’options parmi lesquelles choisir. À moyen terme, je veux persuader d’autres personnes de travailler davantage dans ce sens”.
Découvrez ci-dessous un de ses travaux sur la pauvreté :