Le quotidien britannique The Guardian nous apprend que, non content d’émettre des avis pro-business auprès du gouvernement français sur la réforme des retraites, BlackRock se pique de politique européenne : le gestionnaire d’actifs américain dirigé par Larry Fink, qui a dépensé près d’un million et demi d’euros en lobbying au Parlement européen en 2018, s’est porté candidat auprès de la Commission bruxelloise contre huit autres concurrents, et a remporté la mise : 550.000 euros de fonds européens seront versés à la branche de conseil financier de BlackRock pour la réalisation de l’étude.
RISQUES DE CONFLIT D’INTÉRÊTS : Cette annonce a déclenché l’inquiétude de certains observateurs, notamment au sujet de possibles conflits d’intérêts : BlackRock, le plus grand gestionnaire d’investissements au monde, est un des investisseurs les plus importants de huit des plus grandes firmes pétrolières de la planète, et détient plus de 87 milliards de dollars de parts dans des entreprises d’énergies fossiles. Le Guardian révèle de surcroît qu’entre 2015 et 2019, BlackRock s’est opposé ou abstenu à l’issue de 82% des résolutions concernant le climat dans les entreprises dont il possède des actions. Pour ne rien gâcher, BlackRock est également un actionnaire de premier plan dans douze banques de rang mondial.
Imaginez que l’on confie à Bernard Arnault une étude sur une répartition moins inégale des richesses, ou que l’on demande au pape François de réfléchir aux moyens de rendre l’IVG plus accessible aux femmes. Étrange, bizarre, incongru ? La Commission européenne vient pourtant de prendre une décision du même tonneau en choisissant BlackRock, l’un des plus grands investisseurs mondiaux dans les entreprises d’énergies fossiles, pour élaborer un rapport sur le thème suivant : comment l’Union européenne pourrait intégrer au mieux les facteurs environnementaux et sociaux dans sa supervision des banques.
A la lumière de ces faits, on peut légitimement douter de la détermination de BlackRock à conseiller l’imposition de restrictions pro-environnementales aux banques, qui pourraient pénaliser les perspectives de profits de nombreuses entreprises qu’il possède en partie. Un porte-parole de la Commission européenne a répondu à ses réserves en indiquant, dans le style technocratique habituel, que le contrat décerné à BlackRock l’avait été “dans le respect strict et intégral des règles d’attribution des marchés de l’UE, notamment celles concernant l’éligibilité des contractants et la prévention de tout conflit d’intérêt.” Nous voilà donc rassurés.