Il est désormais clair que la crise du coronavirus va accroître les inégalités de revenus et ce thème, qui apparaît plus incandescent que jamais, devrait devenir plus central encore dans les débats politiques, en particulier dans la perspective des élections de novembre aux Etats-Unis. Plusieurs types de mesures pourraient être envisagées et il est très probable qu’une attention particulière soit portée aux écarts de rémunération au sein des entreprises.
La crise du coronavirus va accroître les inégalités
En mettant une bonne partie de l’économie mondiale à l’arrêt, la crise du coronavirus exacerbe et va exacerber les inégalités économiques. Des économistes du FMI ont montré que les épidémies récentes (SARS, H1N1, MERS, Ebola, Zika) avaient occasionné une augmentation durable des inégalités de revenus dans les pays touchés (notamment en suivant l’évolution de l’indice de Gini sur les années qui ont suivi les épidémies). Tout d’abord, le chômage, qui est la première source d’inégalités de revenus, a très fortement augmenté partout dans le monde. Le 29 avril, le Bureau International du Travail (BIT) estimait que le nombre d’heures travaillées au niveau mondial devrait être inférieur de 10,5% au T2 2020 par rapport au dernier trimestre pré-crise (T4 2019), ce qui est l’équivalent d’une perte de 305 millions d’emplois à temps plein. Le BIT s’inquiétait en particulier du sort des 1,6 milliards de travailleurs occupant un emploi informel dans les pays ayant pris des mesures de confinement, pour lesquels l’institution estime la perte de revenus à 60% lors du premier mois de crise (avec une baisse particulièrement marquée en Afrique et en Amérique latine). Pire, la Banque Mondiale indique, pour sa part, que la crise pourrait plonger 60 millions de personnes dans l’extrême pauvreté.
Dans les pays développés, les destructions d’emplois concernent de façon disproportionnée les emplois à bas revenus. Le chômage a déjà beaucoup monté dans les pays développés. Si l’on prend l’exemple des Etats-Unis, près de 37 millions de personnes (soit environ 23% de la population active) se sont inscrites à l’assurance chômage entre début mars et la semaine se terminant le 9 mai. Un groupe d’économistes de la Fed et d’autres chercheurs ont montré que les destructions d’emplois sur la période allant de mi-février à mi-avril avaient beaucoup plus touché les employés les moins bien rémunérés que les employés les mieux rémunérés : l’emploi a baissé de 35% sur la période dans le quintile des employés les moins bien rémunérés alors que la baisse n’a été que de 9% pour le quintile des emplois les mieux rémunérés. Cela s’explique notamment par le fait que les secteurs de la restauration et de l’hôtellerie, pourvoyeurs d’un grand nombre d’emplois peu rémunérés, se sont trouvés pratiquement à l’arrêt et que les emplois les plus susceptibles d’être pratiqués en télétravail concernent davantage les emplois les plus rémunérés.
Certes, une partie importante des destructions d’emplois est temporaire mais la crise du coronavirus laissera derrière elle une augmentation permanente des inégalités de revenus. Les conséquences sociales sont terribles : aux Etats-Unis, les taux d’insécurité alimentaire observés en avril 2020 sont très largement supérieurs à tout ce qui a pu être observé depuis le début des années 2000. Cela a vraisemblablement joué, avec les inégalités économiques entre groupes ethniques, un rôle dans les émeutes qui ont éclaté ces derniers jours.
Le thème des inégalités se trouve donc logiquement plus central encore dans les débats politiques
Aux Etats-Unis, une politique de redistribution à cause d’ordinateurs trop vieux ? L’un des axes de réponse budgétaire à la crise dans ce pays a été l’augmentation de l’indemnisation chômage de 600 dollars par semaine jusqu’au 31 juillet (dans le cadre du CARES Act, la 3ème phase de soutien budgétaire). Rappelons-le : le salaire minimum fédéral est de 290 dollars par semaine aux Etats-Unis. Cela a induit un taux de remplacement (ratio entre les indemnités chômage et les revenus perdus) supérieur à 100% dans 68% des cas . Mieux, pour les nouveaux inscrits au chômage faisant partie du quintile de revenus les plus faibles, le taux de remplacement a été (parfois nettement) supérieur à 200% (alors qu’il est habituellement compris entre 40 et 50%). Cela, couplé à l’envoi de chèques par le Trésor à la population (1200 dollars par adulte et 500 dollars par enfant sous conditions de revenus), a permis à certains des ménages les plus fragiles d’amortir le choc et de constituer un peu d’épargne pour les mois qui arrivent…
Une analyse de CPR AM à découvrir plus en détail ci-dessous :