Le monde change, et on n’y comprend rien !

Cet article a été écrit en septembre 2018 par Julien Devaureix et il mériterait bien-sûr d’être mis à jour et enrichi tant les changements qui y sont évoqués sont rapides et déjà à l’œuvre. Mais Julien Devaureix pense que la grille de lecture proposée reste valable et donc utile à ceux qui cherchent un point de vue large sur les grands enjeux actuels. environnement

“Nous vivons collectivement des changements qui nous dépassent complètement”

“Pour la première fois depuis très longtemps nous vivons collectivement des changements qui nous dépassent complètement de par leur complexité, leur vitesse, leur échelle et leur ampleur.

Hormis peut-être quelques scientifiques ou experts prenant le temps de sortir de leur zone de confort, personne ne semble en mesure d’appréhender correctement l’onde de choc qui arrive.

La plupart d’entre nous sommes souvent trop occupés par nos problèmes et impératifs du quotidien en plus d’être bombardés de distractions parfois aliénantes ; alors que la quasi-totalité de ceux qui nous gouvernent sont coincés dans un logiciel de pensée dépassé et un système cloisonné qui ne leur permettent pas de vraiment comprendre l’époque, ses enjeux et encore moins de savoir quoi en faire. Et ça m’énerve !

Je veux comprendre.

Je veux savoir à quoi pourrait ressembler demain, ce qui est probable, souhaitable ou au contraire à éviter, pour décider de comment vivre ma vie aujourd’hui : Quelle compétence développer ? Quel travail faire ? Quels liens construire ? Quelle éducation donner, quoi transmettre ? Que faire de mes économies ? Comment consommer ? Sur quoi m’engager ? Comment voter ?…

J’ai donc commencé par creuser seul, en me documentant, en lisant, en voyageant et en me formant à de nouveaux sujets. Et puis, pour gagner du temps, j’ai voulu aller à la rencontre de ceux qui ont déjà pris beaucoup d’avance et qui sont à même de m’expliquer pourquoi notre époque est si particulière et quelles sont ces forces à l’œuvre, ces ondes en mouvement, qui sont en train de tout chambouler.

J’ai donc créé Sismique, un podcast dans lequel j’interviewe ces experts, penseurs et acteurs capable de nous éclairer, chacun à leur manière, chacun avec leur histoire, leurs limites, leurs opinions et leurs savoirs. Cet article est une synthèse de ce que j’ai appris de ces premières rencontres et du travail de recherche qui en a découlé.

Les ondes

Je distingue trois grandes « ondes », qui se nourrissent et interagissent, sans qu’il soit vraiment possible d’en appréhender toute la complexité, et encore moins d’en prévoir la direction et l’amplitude :

  • Une accélération technologique sans précédent : la révolution numérique, combinée à la convergence des disciplines scientifiques et à des processus d’innovation nouveaux, permet des progrès techniques ahurissants dans tous les domaines et donne aux humains des pouvoirs à peine concevables il y a tout juste quelques décennies (intelligence artificielle, biotechnologies, nanotechnologies…).
  • Des ondes socio-économiques : à chaque époque et à chaque civilisation leurs modèles socio-économico-politiques et leurs cycles de croissance-maturation-disparition, souvent conditionnés par les évolutions techniques et écologiques d’ailleurs. Notre modèle actuel est mondialisé, extrêmement interdépendant, complexe, à flux-tendus (et donc fragile), financiarisé, énergivore, court-termiste, non-gouverné (systèmes de gouvernances dépassés) … et, malgré des succès indéniables, semble montrer des signes de fatigue (dettes et fragilité financière, repli sur soi, populismes et communautarismes, accroissement des inégalités, perte de sens…).
  • Enfin, des défis écologiques inédits : l’environnement naturel, dans lequel l’homme a vécu depuis 10 000 ans avec une certaine stabilité, est en train de se changer sous nos yeux et par notre faute, au point que beaucoup considèrent que nous sommes entrés dans une nouvelle ère géologique baptisée « Anthropocène ».

Ces trois ondes combinées dessinent notre avenir, et toutes les trois méritent que l’on prenne le temps de les étudier et de les comprendre ; mais le constat qu’il faut déjà faire est que la problématique écologique conditionne toutes les autres puisque toutes les activités humaines puisent directement ou indirectement leur source dans les différentes sphères (atmosphère, lithosphère, hydrosphère, biosphère) qui composent la Terre.

Le diagnostic écologique

L’état de la planète se dégrade très rapidement du fait de la surexploitation des ressources naturelles (forêts, mines…), du vivant (surpêche, braconnage, dégradation des écosystèmes…) et de la pollution à grande échelle (eau, air, sols). Cette dégradation de l’environnement est directement due à l’activité humaine et à la manière dont notre civilisation mondiale fonctionne :

  • Nous avons besoin de nous nourrir, de nous chauffer ou de nous climatiser, de nous habiller, de voyager, de nous divertir… et ce toujours plus « confortablement » et toujours plus nombreux.
  • Nous consommons donc toujours plus des produits et des services pour satisfaire ces besoins et envies.
  • La conception, la production et l’acheminement de ces biens et services, que l’on appelle aussi « activité économique », nécessite de l’énergie et des ressources.
  • L’essentiel de cette énergie consommée est fossile (à hauteur de 85% aujourd’hui), non renouvelable, et son exploitation a pour conséquence notamment que nous rejetons des gaz à effet de serre dans l’atmosphère ; et les ressources que nous exploitons (métaux, poissons, sols, forêts et autres espaces sauvages) s’épuisent, soit qu’elles sont finies, soient qu’elles sont trop sous pression.
  • Par ailleurs ce que nous consommons impacte l’environnement, lors du processus de production en lui-même (pollutions industrielles, déchets nucléaires, bétonisation des espaces, méthane émis par les bovins…) ou du fait des déchets générés et rejetés dans la nature (à commencer par la pollution plastique).

Le changement climatique (dérivant de nos émissions) accentue visiblement cette tension sur l’environnement avec en particulier un risque d’accélération du rythme de disparition du vivant du fait du dérèglement des écosystèmes (acidification des océans, hausse des températures, fonte des glaces, déforestation, pollution) ; ceci alors que les activités humaines ont déjà enclenché la sixième grande extinction de l’Histoire, soit un déclin massif et brutal du nombre d’espèces et d’individus à l’échelle de la planète (60 % des populations de vertébrés ont disparu en quarante ans. L’Europe a perdu, en trente ans, plus de 400 millions d’oiseaux et 80 % des insectes volants) aux conséquences généralement catastrophiques (ex : disparition des dinosaures).

Ces perturbations de l’écosystème Terre ne sont pas neutres pour l’homme et notre modèle de civilisation actuel : montée des eaux, inondations, ouragans, assèchement des fleuves, progression des déserts, chaleurs insupportables, tensions sur l’agriculture, disparition d’espèces « clés » (comme les abeilles) … et donc en conséquence famines, migrations, tensions géopolitiques, guerres, ou simplement désenchantement, puisque le monde devient moins beau.

Et pour le moment beaucoup de choses laissent penser que cette dégradation ne va pas s’arrêter demain :

  • Il faut s’attendre à une accélération du changement climatique sur le court terme, d’une part parce que les dérèglements d’aujourd’hui sont dus à nos émissions des années 70/80 et que l’on n’a encore pas vu les effets de ce que nous avons émis depuis 40 ans (l’inertie climatique), d’autre part parce que les effets d’emballement (comme la fonte du pergélisol qui libère du méthane) et les boucles de rétroaction (par exemple la disparition de la calotte glaciaire diminue la réflexion des rayons solaires et contribue au réchauffement…) risquent de rendre les mutations du système Terre proprement incontrôlables.
  • On ne sait pas « découpler » croissance et consommation énergétique. Autrement dit, pour produire plus (pour plus de confort et plus de monde, puisque nous serons bientôt 10 milliards) il faut plus d’énergie et de ressources. Comme nous continuons de croître sans changer de modèle la situation décrite continue de se détériorer.
  • Nous continuons d’être largement dépendants des énergies fossiles (qui nous ont permis cette incroyable croissance civilisationnelle des 150 dernières années). Les renouvelables ne couvrent toujours qu’une part infime de notre consommation alors même que les technologies sont matures (par exemple l’Allemagne diminue le nucléaire au profit des renouvelables sans parvenir à sortir de sa dépendance aux fossiles) et ce n’est a priori pas sur le point de changer (scenarii énergétiques 2050)
  • Les accords internationaux sur le climat (comme la COP21 de Paris) ne sont pas contraignants et ne prennent pas en compte une hypothèse de décroissance économique. L’objectif officiel est ainsi de diminuer nos émissions sans limiter la croissance, ce que personne ne sait encore faire à ce jour ; et malgré les accords, un diagnostic partagé et une volonté annoncée d’adresser le problème (« Make our planet great again »), dans les faits nous émettons chaque année toujours plus de CO2, rejetons de plus en plus de déchets et détruisons de plus en plus vite l’environnement. Ainsi, Nicolas Hulot nous alerte en démissionnant du gouvernement : « Nous faisons des petits pas […] mais est-ce que les petits pas suffisent… la réponse est non. »

Le constat est donc sombre, angoissant, et le défi posé à l’humanité semble immense.

Les théoriciens de l’effondrement (certains se baptisant « collapsologues »)

Leurs idées ont été récemment mises en avant par les grands media (Arrêt sur images notamment…) alors que jusqu’à présent ils étaient restés dans l’ombre et pointés du doigt comme de déprimantes cassandres, bien qu’ils essaient de se faire entendre depuis 1972 et la publication par le club de Rome du rapport « Meadows » intitulé « Les limites à la croissance ».

La première fois que l’on se confronte sérieusement à leur discours on reste généralement sous le choc : la thèse défendue est qu’il est désormais trop tard pour espérer inverser le processus de destruction de la nature et d’épuisement des ressources, et que nous nous dirigeons donc tout droit vers l’effondrement de notre civilisation industrielle thermodynamique.

Quels sont leurs arguments ? Pourquoi pensent-ils que nous ne sommes pas capables de réagir et de trouver les bonnes solutions ? Ils peuvent se résumer en quelques points :

  • Une croissance infinie dans un monde fini n’est pas possible. Quel que soit le type de croissance, elle a des « externalités » : elle implique une consommation de ressources et d’énergie, que nous allons chercher aujourd’hui dans des stocks finis. Par ailleurs, le second principe de la thermodynamique, ou entropie, implique que l’idée d’un recyclage total aboutissant à une non-consommation globale de matières premières et d’énergie est une utopie contraire aux lois physiques (voir les travaux de Nicholas Georgescu-Roegen).
  • Nous avons par ailleurs déjà tellement exploité la planète que beaucoup de ses « ressources » sont en passe d’être épuisées ou trop compliquées à exploiter, à commencer par le pétrole ( le fameux “pic pétrolier”), certains minerais, les forêts primaires, les sols ou les « stocks » de poissons. Nous allons donc être rapidement confrontés à un défi majeur et rien ne laisse penser aujourd’hui que nous soyons capables de le relever.
  • Les solutions envisagées ne sont pour le moment pas satisfaisantes. Par exemple, les énergies renouvelables nécessitent des métaux rares et de l’énergie fossile pour être mises en place, il faudra les réparer et les changer tous les 25 ans environ, et il semble difficile de croire qu’elles pourront satisfaire tous nos besoins. Et quand bien même nous trouverions une nouvelle source d’énergie, nous continuerions a priori de dégrader la planète.
  • Par ailleurs le jeu de dominos est lancé pour de bon (climat, déclin du vivant), et nous surestimons largement notre capacité à vivre dans un monde complètement déréglé.

La conclusion est donc que ce n’est pas tenable, et que nous nous dirigeons tout droit vers une inflexion soudaine des courbes de croissance, avec pour conséquence l’impossibilité de maintenir notre modèle de civilisation ultra dépendant d’une macrostructure (routes et ponts, barrages, réseau électrique, réseau d’eau, réseau de gaz, réseau de communication, système de production et distribution alimentaires, etc.) dont la construction et la maintenance dépendent elles-mêmes de notre approvisionnement en produits pétroliers raffinés ni trop bon marché ni trop chers…

Les « transitionneurs »

D’autres, au contraire, pensent qu’il est encore temps de limiter la casse (mais il est tout de même urgent de réagir puisqu’il nous resterait entre 2 ans et 20 ans pour tout changer, et encore…) et de sauver notre civilisation, en tout ou en partie ; on pourrait les nommer les « transitionneurs ».

Le constat sur l’état de la planète et les défis à relever se veut parfaitement lucide mais, à la différence des « effondristes », on se dit qu’il n’est pas trop tard pour faire bouger les choses : l’iceberg approche, mais on peut espérer changer de cap si on s’y met tous urgemment.

Il ne s’agit pas de maintenir le système actuel, que l’on sait ici ne pas être viable à moyen terme, mais bien de trouver les moyens de le réformer, avant qu’il ne s’effondre complètement et irrémédiablement.

Derrière cette idée, il y a la conviction que rien n’est jamais joué d’avance, que la volonté peut déplacer des montagnes et qu’il faut se raccrocher aux signaux faibles positifs que l’on voit émerger ici et là car ils peuvent faire boule de neige si on les soutient. Au-delà d’un optimisme de volonté ou même de « combat », les défenseurs de cette posture s’appuient généralement sur un certain nombre de concepts ou croyances, notamment deux, souvent cités :

  • La fameuse citation de Margaret Mead :
  • La comparaison avec tous les résistants de l’Histoire qui ont réussi à infléchir le cours des choses alors que l’on pensait que tout était déjà perdu.

De l’espoir donc, mais la tâche est rude puisqu’il faut transformer un système entretenu peu ou prou par l’ensemble de l’humanité et qui semble pour le moment condamné à continuer sa course folle. Il faudrait ainsi s’attaquer à tout ce qui le verrouille, directement ou indirectement, et qui sont autant de symptômes de son dysfonctionnement :

  • La croissance comme base de modèle de société : toujours plus de tout (à l’extrême, la société américaine) et on ne sait pas faire autrement pour l’instant. Par ailleurs, les fruits de la croissance sont de plus en plus capturés par une toute petite minorité (les 8 personnes les plus riches détiennent autant que les 50% les plus pauvres de l’humanité et 82 % des profits générés en 2017 ont bénéficié aux 1 % les plus riches).
  • Une économie capitaliste financiarisée, ultra court-termiste, isolée du réel, hors de tout contrôle (notamment du fait de l’existence des paradis fiscaux)et considérant la nature, le travail et la monnaie comme de simples ressources à exploiter (problème structurel que Karl Polanyi avait identifié dès 1944).
  • Une gouvernance inadaptée pour penser l’intérêt collectif, la complexité des enjeux, le global et le long terme (court-termisme électoral des démocraties, aveuglement des élites, intérêts des puissants avant tout, omniprésence des lobbies, mafias, systèmes de vétos, règne du chacun pour soi).
  • Une règle du jeu de type « gagnant-perdant » qui empêche quiconque déciderait de sortir du système de manière unilatérale d’espérer s’en sortir bien. Celui qui refuse les règles communes perd à coup sûr (attaques sous forme de hausse des taux d’intérêt, pressions financières et économiques, boycotts…).
  • Une course à l’innovation majoritairement déconnectée des besoins fondamentaux de l’humanité et orientée en faveur des plus riches.
  • Des systèmes de valeurs et des croyances de plus en plus « mondialisés » qui dirigent nos vies : argent, consommation, compétition, individualisme, accumulation privée…

La transition « sociétale »: inventer et mettre en place une société nouvelle, basée notamment sur modèle économique moins friand en ressources, prenant en compte les externalités écologiques, et plus équilibré socialement (les Objectifs de Développement Durable de l’ONU, peuvent être considérés comme une bonne base). Un grand nombre d’initiatives dites alternatives ou de transitions existent déjà, mais il s’agit de créer du lien entre elles pour qu’elles puissent constituer un véritable projet de transformation intégré permettant d’adresser tous les problèmes identifiés en profondeur (et non pas comme des symptômes indépendants les uns des autres). On peut identifier en particulier 7 “points d’acupuncture” à travailler en parallèle.

Economie circulaire

La transformation personnelle; comme base à l’acceptation de ces changements fondamentaux : sans évolution des consciences et des comportements individuels, aucune transition n’est vraiment possible.

  • Prise de conscience généralisée (intellectuelle et emotionnelle) de la nature et de la dimension des enjeux.
  • Changement des valeurs fondamentales guidant nos vies : reconnexion à la nature, argent vs sobriété, consumérisme vs spiritualité, succès individuel vs collectif, compétition vs coopération, bonheur vs PIB…
  • Nouveaux récits pour pouvoir se projeter dans un avenir plus sobre avec engouement, et accepter les changements de comportements qui sans cela peuvent faire peur à beaucoup de monde (“Et si j’étais le seul à changer”, “Et si ça ne servait à rien”, “Et si je me trompais de voie”…).
  • Passage à l’acte de manière concrète : consommation individuelle plus “responsable” (véganisme, frugalité, local, “fait maison”, recyclage, zéro déchet, réparation, occasion, partage; “low tech”…), engagement citoyen (vie de quartier, politique, activisme, boycotte…) et comportements sociaux en accord avec un système de valeurs mis à jour et un niveau de conscience plus élevé (meilleure qualité d’écoute, empathie, altruisme, solidarité…).

Les « techno-solutionnistes »

Pour reprendre l’allégorie du Titanic, ce groupe pense que nous allons trouver une solution technique pour modifier la trajectoire du bateau, pour freiner, rendre le bateau insubmersible ou encore détruire l’iceberg.

Pourquoi ? « Parce que nous l’avons toujours fait, parce que le génie humain est sans limite et que nous avons toujours trouvé des solutions à nos problèmes, parce que nous avons désormais une puissance technologique immense… »

Comment ? « On ne sait pas encore exactement, mais il faut garder la foi et accélérer nos efforts car il y a des pistes prometteuses. »

Le fait est que la science continue de progresser à une vitesse phénoménale et que même si on ne peut pas dire que l’orientation de la recherche aille toujours dans le sens de la résolution des problèmes environnementaux ou sociétaux, on peut constater une mobilisation croissante (bien que toujours relativement faible) vers les technologies à impact positif.

Les « indifférents »

Enfin, d’autres encore ne voient pas vraiment le problème ou l’urgence. Il y a plein de bonnes raisons de ne pas se préoccuper vraiment de ces sujets, à commencer par le fait que pour la plupart d’entre nous cela reste une réalité abstraite, loin de nos préoccupations quotidiennes.

En voici un panel :

  • L’inconscience : « L’environnement, le climat… quoi ? Je n’ai jamais entendu parler de ce problème, je suis occupé à survivre (pour les plus démunis) ou à me distraire (pour les plus chanceux). »
  • La déresponsabilisation : « Je sais que la planète se dégrade, c’est triste, mais qu’est-ce que j’y peux à mon niveau ? C’est aux politiques de s’en occuper et s’ils pouvaient d’abord faire baisser le chômage et régler les problèmes d’insécurité ce ne serait pas plus mal. »
  • Le « business as usual » : « Oui, je sais, c’est important, mais ce n’est pas ça qui va remplir mon frigo, faire tourner mon entreprise ou me faire élire… »
  • L’insouciance : « On a le temps, rien ne presse, je n’ai pas l’impression que quoi que ce soit ait commencé à changer d’ailleurs. »
  • Le déni : « Le changement climatique n’existe pas, c’est un complot chinois, c’est le Soleil qui s’excite, et d’ailleurs l’hiver dernier j’ai eu très froid »
  • Le fatalisme : « Il n’y aura plus d’ours blancs dans 5 ans, de baleines dans 20 ans et d’humains dans 100 ans, et alors, c’est la vie… La Terre s’en remettra. »

Il me semble que c’est toujours ce groupe qui prédomine aujourd’hui dans la population, dans les entreprises et chez les politiques.

Nous ne sommes pas hors-sol !

Qui a raison ?

Faut-il se battre pour faire changer de cap au navire ? Faut-il préparer le naufrage ? Ou faut-il continuer à danser en espérant une bonne surprise ?

Avant de me pencher sérieusement sur le sujet, j’aurais pu conclure qu’il s’agit de l’affaire de chacun, que l’avenir étant par nature incertain, on ne peut pas se prononcer.

Je pense maintenant que le diagnostic est imparable : il n’y a pas de problème écologique qu’il faudrait adresser séparément pendant que nous continuons à tracer notre route comme nous l’avons toujours fait, sans se soucier des impacts qu’ont nos actions sur notre environnement. Nous ne sommes pas hors sol ! Nous ne sommes pas des créatures autonomes détachées du monde. Le destin de la Terre et le nôtre sont liés et on ne saurait penser un avenir pour l’humanité sans tenir compte de l’évolution de notre terrain de jeu.

Or la science nous dit maintenant clairement que si nous continuons de dégrader à ce point la nature, nous courons à la catastrophe d’ici la fin du siècle, ou même avant. La question qui se pose est tout simplement celle de la survie de l’espèce à moyen terme, et cette question conditionne toutes les autres. Là est la véritable ligne de faille !

Nous avons encore beaucoup de mal à intégrer cette réalité car nos sens nous trahissent. Hormis les quelques informations que nous captons, sous forme d’image ou de mots, tout nous pousse à croire que rien n’est vraiment en train de changer pour la plupart d’entre nous. Nous sommes des somnambules, nous marchons en dormant, nous rêvons que nous pouvons continuer ainsi éternellement, sans que rien de grave ne se passe.”