L’intermittence des énergies renouvelables pousse les gestionnaires de réseaux électriques et les foyers à résoudre le casse-tête entre la production et la consommation d’électricité qui varient en permanence au cours de la journée et de l’année. Comment peut-on stocker l’électricité ?
Tandis que l’Europe est entrée dans la période hivernale 2021/22 avec des niveaux de stockage de gaz naturel (graphique 1) et des réservoirs d’eau dans les pays nordiques au plus bas depuis plus de dix ans, l’Allemagne progresse dans la fermeture définitive de ses centrales nucléaires et la France subit des fermetures temporaires des siennes pour des besoins de maintenance. Un contexte idéal pour que le prix de l’électricité atteigne des niveaux records et que le sujet de la capacité de stockage d’énergie soit ramené au cœur de ces enjeux, d’autant plus que le déploiement des énergies renouvelables accentue ce besoin et crée de nouveaux paradigmes.
Si le déploiement massif des renouvelables a comme impact la réduction des émissions de CO2, il modifie aussi les périodes de pic de production d’électricité qui ne se calquent plus sur les pics de consommation. En effet, l’énergie solaire n’est pas ‘acheminable’ comme le gaz, l’hydro et le nucléaire et est davantage produite entre 8h à 18h (graphique 2). L’électricité produite devant être utilisée instantanément pour ne pas être perdue, la question majeure du stockage de l’énergie pour une utilisation tout au long de la journée est donc au cœur des recherches.
La solution pour gérer cette électricité produite en surplus viendra donc de l’installation d’un stockage qui peut prendre plusieurs formes :
- de l’hydraulique qui consiste à remonter de l’eau dans les barrages pour répondre à la demande hivernale et/ou nocturne
- de batteries chez les particuliers et de grands espaces au niveau des producteurs d’électricité
- de la production d’hydrogène par électrolyse, qui sera stockée et reconvertie en électricité ou utilisée comme telle
La solution par pompage hydraulique est employée depuis de nombreuses années mais ne suffira plus au vu des contraintes en termes de zones disponibles pour la construction de nouveaux barrages et du rythme de déploiement des énergies renouvelables. Les batteries installées chez les particuliers, d’une capacité allant de 3 à 14 kWh, permettent de stocker l’énergie produite pendant la journée pour être consommée dans la soirée.
Les grands espaces de stockage, à l’image de l’emblématique Hornsdale Power Reserve en Australie, d’une capacité de 150MWh et co-développée par Tesla et Neoen, permettent d’équilibrer rapidement la charge sur le réseau, d’emmagasiner l’énergie lors des pics de production et de prendre le relais en cas de défaillance sur le réseau. Plus récemment, en février 2021, le Texas a subi une coupure d’électricité durant plusieurs jours à la suite de multiples défaillances qui ont laissé plus de 4,5 millions de foyers et d’entreprises sans électricité, rappelant l’importance de la résilience du réseau.
Enfin, l’électrolyse de l’eau avec l’électricité produite pendant les périodes de surplus permet de créer de l’hydrogène vert à des coûts très faibles puisque l’électricité aurait été perdue. L’hydrogène serait ensuite stocké à haute pression et pourrait être injecté dans les réseaux de gaz où il se mélangera au gaz naturel (jusqu’à 20% dans les infrastructures existantes selon les études les plus récentes) ou reconverti en électricité grâce aux piles à combustible pour soutenir une très forte demande, généralement lors des pics de consommation en hiver.
Quel avenir pour le stockage de l’électricité ?
Le prix d’achat des batteries a été divisé par deux sur les quatre dernières années, passant de $220/kWh en 2017 à $123/kWh en 2021 (graphique 3), porté par l’essor des véhicules électriques. En effet, la capacité de production de batteries a augmenté de 84% entre 2019 et 2021 et devrait être multipliée par 4,5 entre 2021 et 2025, ce qui présage encore des réductions de coûts et donc une plus large diffusion, aussi bien au niveau des gestionnaires de réseaux qu’auprès des particuliers.
Si les énergies renouvelables ont réussi à réduire leur coût de déploiement à un niveau leur permettant d’être compétitives avec les énergies fossiles (graphique 5), on peut espérer que le stockage suive la même direction. En effet, le coût de production de l’électricité renouvelable permettant déjà de substantielles économies pour les ménages (graphique 6), la pose de batteries de stockage permettra à ces derniers d’optimiser leurs installations, ce qui devrait accélérer encore plus son déploiement. Le stockage d’énergie sera essentiel pour la transition du mix énergétique vers les renouvelables et devrait donc représenter un axe de croissance très dynamique.