Démondialisation : nouvel ordre mondial

Larry Fink, le PDG de Black Rock, publie sa lettre aux actionnaires dans ces conditions particulières. Le monde subit une transformation. L’ordre mondial en place est bouleversé par l’attaque brutale de la Russie contre l’Ukraine. Quelque chose « d’inimaginable » pour le président de BlackRock.

Changement de l’ordre

La tragédie pandémique a déjà eu de profonds effets sur les tendances politiques, économiques et sociales. Le changement de la demande des consommateurs des services vers les biens ménagers, les pénuries de main-d’oeuvre et les goulots d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement – ont amené l’inflation aux États-Unis à son plus haut niveau en quarante ans. Dans l’Union européenne, au Canada et au Royaume-Uni, l’inflation est supérieure à 5 %. Les salaries sont confrontés à des salaires plus bas et à des factures d’énergie en hausse.

La situation s’aggrave avec la guerre en Ukraine. Les conséquences et l’impact se feront ressentir pendant plusieurs dizaines d’années « d’une manière que nous ne pouvons pas encore prédire. »

Depuis 1990, la Russie est devenue « interconnectée » mondialement, surtout avec l’Europe occidentale. L’expansion de la mondialisation par l’accélération du commerce international, par l’élargissement mondial des capitaux et par la croissance économique a considérablement réduit la pauvreté dans les pays du monde entier.

« Je continue de croire depuis longtemps aux avantages de la mondialisation et au pouvoir des marchés financiers mondiaux. L’accès au capital mondial permet aux entreprises de financer leur croissance, aux pays d’accroître leur développement économique et à davantage de personnes de connaître le bien-être financier. »

Mais l’invasion russe de l’Ukraine a mis fin à la mondialisation connue depuis trente ans. Les nations et les gouvernements ont lancé une « guerre économique » contre la Russie en rompant les liens financiers et commerciaux avec le pays agresseur. Les marchés de capitaux, les institutions financières et les entreprises ont interdit le privilège d’accès pour la Russie : « nous avons vu comment le secteur privé a rapidement mis fin à des relations d’affaires et d’investissement de longue date. »

Restant solidaire avec l’Ukraine, BlackRock s’est engagé à faire sa part. La société a agi rapidement pour suspendre l’achat de tout titre russe. « Au cours des dernières semaines, j’ai parlé à d’innombrables parties prenantes, y compris nos clients et nos employés, qui cherchent tous à comprendre ce qui pourrait être fait pour empêcher le déploiement de capitaux en Russie. »

Pour le président de BlackRock, il est difficile de prédire avec précision quel chemin prendra cette guerre. « L’argent que nous gérons appartient à nos clients. Et pour les servir, nous nous efforçons de comprendre comment les changements dans le monde auront un impact sur leurs résultats d’investissement. »

La Russie a poussé les entreprises et les gouvernements du monde entier à réévaluer leurs dépendances et à ré-analyser leurs méthodes de fabrications et d’assemblage. Cela a déjà débuté lors du Covid. Les entreprises et les gouvernements examineront également plus largement leurs dépendances à l’égard d’autres nations : cela peut conduire les entreprises à développer une plus grande partie de leurs opérations onshore ou nearshore. Des coûts plus élevés et des pressions sur les marges seront inévitables. Plusieurs États pourraient bénéficier de ce changement, à l’instar, selon le Président de BlackRock, du Mexique, du Brésil, des États-Unis ou des centres de fabrication du sud-est asiatique.

Les banques centrales pèsent des décisions difficiles sur la rapidité avec laquelle augmenter les taux. Elles sont confrontées à un dilemme qui à été aggravé par les conflits géopolitiques et énergétiques : choisir entre vivre avec une inflation plus élevée ou ralentir l’activité économique et l’emploi pour réduire rapidement l’inflation.

La guerre a un impact potentiel sur l’accélération des monnaies numériques. Un système mondial de paiement numérique peut améliorer le règlement des transactions internationales en réduisant le risque de blanchiment d’argent et de corruption et peut également aider à réduire les coûts des paiements transfrontaliers.

Les effets sur le marché de l’énergie

Nous sommes confrontés à des coûts énergétiques plus élevés. Le prix du pétrole franchit les 100 dollars le baril en 2022 pour la première fois depuis 2014. Comme conséquence, la sécurité et la transition énergétique sont la priorité mondiale.

Le choc énergétique actuel incite plusieurs pays à rechercher de nouvelles sources d’énergie. Les USA misent surtout sur l’augmentation de l’offre de pétrole et de gaz. L’Europe et l’Asie – sur la consommation du charbon qui risque d’augmenter au cours de la prochaine année. ZERO NET sera-t-il possible ?

« À plus long terme, je crois que les événements récents vont en fait accélérer la transition vers des sources d’énergie plus vertes dans de nombreuses régions du monde. »

L’Allemagne prévoit d’atteindre 100 % d’énergie propre d’ici 2035.

Pour les pays qui ne disposent pas de leurs propres sources d’énergie, une nouvelle tendance d’investissement se dessine : investir dans l’éolien et le solaire. Cette tendance s’accompagnera de l’investissement dans les infrastructures pour soutenir une plus grande utilisation des énergies et des technologies propres. Par exemple : continuer à travailler avec les sociétés d’hydrocarbures qui jouent aujourd’hui un rôle essentiel dans l’économie et le feront dans toute transition réussie.

« Lors de la transition vers le zéro net, nous devrons passer par de nombreuses nuances de brun à des nuances de vert. Je reste optimiste pour l’avenir et continue de croire que nos actions collectives aujourd’hui peuvent faire une différence significative dans les années à venir. »

Une vision à long terme

« Et chaque jour depuis notre création, nous sommes à l’écoute de nos clients. Nous avons essayé d’anticiper l’impact des tendances à long terme et de l’évolution macroéconomique sur leurs portefeuilles. Et nous avons constamment évolué pour rester en avance sur leurs besoins ».

La société BlackRock adopte une approche à long terme pour investir dans leur propre entreprise garantissant aux investisseurs l’innovation et l’amélioration de la valeur offerte.

L’un de nombreux exemple est l’acquisition de Merrill Lynch Investment Managers et de Barclays Global Investors dans les années 2000. Ces transactions ont permis d’atteindre plus de clients dans le monde entier et d’offrir une diversification entre les classes d’actifs, y compris les actions, les titres à revenu fixe, les alternatives et les liquidités.

Un des objectifs de BlackRock est d’offrir à davantage de personnes dans le monde l’accès aux marchés financiers, afin de passer de l’épargne à l’investissement. En Allemagne, près de 2 millions de personnes – le triple du nombre d’il y a deux ans – utilisent les ETF iShares pour investir via des plans d’épargne ETF. Et au Brésil, les versions cotées localement des iShares américains sont désormais accessibles sur des plateformes directes pour des minimums aussi bas que 10 $.

« Je défends depuis longtemps le pouvoir d’investir à long terme. Par exemple, il y a 40 ans, un jeune de 25 ans qui avait économisé 10 000 $ en dépôts bancaires aurait environ 50 000 $ aujourd’hui à l’approche de la retraite. En revanche, ces mêmes 10 000 $ vaudraient plus de 800 000 $ aujourd’hui s’ils avaient été investis dans un indice boursier large comme le S&P 500. C’est le pouvoir de l’investissement à long terme. »

Pour Larry Fink, les marchés difficiles ont créé des opportunités pour développer l’entreprise, de manière à mieux servir les clients et à jeter les bases d’une croissance future. C’est une époque pour rester fidèle à ses principes, ses objectifs et se concentrer sur les besoins des clients, employés et communautés.