Les attentes sont élevées pour que Jerome Powell poursuive son discours sur la lutte contre l’inflation tout en détournant les marchés de l’idée que la Fed aurait effectué un virage dovish. Son message principal tournera autour de la détermination de la Fed à maîtriser l’inflation, même si une telle politique risque d’entraîner l’économie américaine dans une récession.
Par David Norris, Partner, Portfolio Manager TwentyFour AM.
Jackson Hole devrait être l’occasion pour Jerome Powell de marteler un message hawkish ferme
Commentaires de Franck Dixmier, Global CIO Fixed Income, chez AllianzGI, en amont du symposium à Jackson Hole les 25 et 26 août 2022.
Le symposium de Jackson Hole, qui réunit annuellement les banquiers centraux, sera l’occasion pour le Président de la Fed, Jerome Powell, de s’exprimer pour la première fois depuis le dernier FOMC fin juillet.
Depuis, les marchés estiment que la Fed est proche de son pic de hausse de taux, et attendent des hausses entre 50 et 75pb en septembre, puis 50bpb en novembre et 25pb en décembre.
L’inflation a certes ralenti mais reste très élevée et difficile à prévoir pour les intervenants de marché ou pour la Fed elle-même. En juillet, l’indice des prix à la consommation (CPI) a atteint 8,5%, et le Core CPI 5,91%. De son côté, l’indice des Prix de Base de la Consommation des Particuliers (PCE), s’était établi à 6,8% en juin, et le Core PCE à 4,79%. Il semble donc prématuré de parler de pic d’inflation dans un contexte incertain.
La Fed reste behind the curve, et se doit de rétablir sa crédibilité, alors qu’elle a elle-même affaibli sa forward guidance en juillet en augmentant les taux de 75bp au lieu des 50bp communiqués.
Par ailleurs, si les anticipations d’inflation restent pour le moment ancrées, avec un 5Y5Y swap inflation à 2,61%, le risque de dérapage ne peut être écarté, comme souligné par le président de la Fed de Minneapolis, Neel Kashkari, le 23 août, qui a plaidé pour un resserrement vigoureux de la politique monétaire.
Enfin, la contraction de l’indice des Directeurs d’Achat dans les services (PMI) en août, à 44,1 contre 49,8 attendus, nous parait insuffisante pour justifier de revoir les priorités.
Jackson Hole sera donc pour Jerome Powell l’occasion de remettre à zéro le compteur des attentes des marchés et de réaffirmer sa priorité absolue de lutter contre l’inflation. Nous estimons que le message de Jerome Powell devrait être clair et ferme.
Ce discours devrait conduire à un réajustement à la hausse des anticipations de hausse de taux en 2022 et 2023 et alimenter la tension des rendements sur la courbe américaine observée depuis début août. Le message hawkish de la Fed ne devrait pas favoriser les actifs risqués, crédit et actions, et il faut s’attendre à de la volatilité sur les marchés.
L’inflation reviendra rapidement vers les niveaux ciblés pour 2023 ?
De nombreuses banques centrales sont persuadées que l’inflation reviendra rapidement vers les niveaux ciblés pour 2023. Il demeure toutefois des pressions inflationnistes aux États-Unis, notamment en raison des tensions sur le marché du travail. Mais leur marché peut supporter des taux directeurs très élevés, contrairement par exemple à d’autres pays comme le Royaume-Uni ou l’Australie, où les taux hypothécaires sont calculés à partir du taux de base, alors qu’aux États-Unis, ils sont déterminés à partir du taux du Trésor à 30 ans.
Si l’on tient compte de ces attentes, ainsi que du retrait progressif des programmes de resserrement quantitatif (QT) mondiaux et de l’incertitude quant à la croissance chinoise, nous nous rendons compte que ces trois éléments, qui étaient des éléments porteurs pour les marchés émergeants, sont devenus désormais des freins. Si la déclaration de Jackson Hole est de type « hawkish », cela aura un impact négatif pour les marchés émergents en général, en particulier pour les pays les plus vulnérables.
On constate aujourd’hui une plus grande volatilité des chiffres aux États-Unis et au sein des pays développés, et par conséquent une plus grande volatilité dans la prise de décision. Les investisseurs pourraient donc être tentés de rechercher un meilleur rendement pour cette incertitude. Néanmoins, la peur et les mouvements de « fuite vers la qualité » pourraient provoquer temporairement l’effet inverse pour les obligations d’État considérés comme refuge, au détriment des obligations des pays émergents, insuffisamment attractives.
L’anticipation d’un atterrissage en douceur
Suite aux données positives de l’IPC en juillet, les investisseurs anticipent que la Fed pourrait organiser un atterrissage en douceur. Cependant, la publication du procès-verbal de la dernière réunion de la Fed semble avoir refroidi ce sentiment. Bien que de nombreux signaux économiques puissent être interprétés comme suggérant que l’inflation est en train de culminer, il y a encore trop de variables qui pourraient changer la donne.
Avant le discours de Powell, les marchés des taux ont reculé, les rendements du Trésor à 10 ans se situant à nouveau autour de 3%. En tant que tels, les marchés anticipent une déclaration plus hawkish de Powell. La réaction initiale du marché pourrait être modérée, ce type de discours étant pris en compte dans les rendements du Trésor, tout en sachant que la politique de la Fed sera dictée par les données et au fur et à mesure des réunions.
L’économie américaine a connu deux trimestres de croissance négative du PIB ; cependant, il est difficile de prétendre que l’économie est en récession lorsque le taux de chômage est de 3,5% et qu’il y a environ 11 millions d’offres d’emploi aux États-Unis. La politique actuelle de la Fed vise à lutter contre l’inflation en s’attaquant à la demande globale par le biais de taux plus élevés, et bien que nous observions des signes de ralentissement de l’économie, la vigueur continue du marché du travail et des dépenses de consommation aux États-Unis a mis en évidence le fait que toute récession à venir pourrait être de faible ampleur.
Selon le graphique en points de la Fed, le taux des fonds fédéraux devrait atteindre 3,75% au cours du premier semestre 2023, puis baisser avec une prévision à plus long terme de 2,50% par la suite. Il semble probable que la Fed continuera à augmenter son taux pendant le reste de l’année et nous ne serions pas surpris qu’elle fasse une pause pour examiner le paysage une fois le taux des fonds fédéraux de 3,50% atteint.