Le 13 janvier 2023 : Le Maroc doit se positionner comme un hub africain de la filière hydrogène vert, grâce à sa proximité avec le marché européen qui compte sur cette énergie pour remplacer les énergies fossiles… mais pas seulement !
Hydrogène vert
Dans une situation marquée par la crise énergétique provoquée par le conflit russo-ukrainien, ainsi que les engagements de plus de 140 pays à réduire les émissions de carbone, le Maroc a pris les devants en confirmant l’engagement de développement de l’industrie de l’hydrogène vert.
Selon un Policy brief consacré au positionnement du Royaume dans l’industrie de l’hydrogène vert, publié par le Policy center for the New South, et rédigé par Mounia Boucetta, directrice chargée de mission au cabinet du PDG du groupe OCP, l’étude réalisée par la Banque européenne d’investissement, l’Alliance solaire internationale et l’Union africaine, dévoilée en décembre 2022, annonce que l’Afrique peut se positionner dans le marché mondial de l’hydrogène vert à travers quatre hubs, à savoir le Maroc, l’Égypte, la Mauritanie et l’Afrique australe.
Ainsi, le continent pourrait produire 50 millions de tonnes d’hydrogène vert à l’horizon 2035, ce qui représenterait près de 10% du marché mondial et nécessiterait entre 680 et 1300 milliards de dollars d’ici 2050, selon des études menées par des cabinets internationaux.
Dans ce sens, Boucetta assure que «l’installation progressive d’une telle infrastructure de production dépendra, entre autres, de la compétitivité des coûts des facteurs, du climat des affaires et de la capacité des pays à attirer des investissements étrangers». Pour le Maroc, le ton a été donné, suite aux Orientations royales découlant de la réunion de travail consacrée, le 22 novembre dernier, au développement des énergies renouvelables et aux nouvelles perspectives dans ce domaine.
Le Souverain a, en effet, donné ses instructions pour élaborer, dans les meilleurs délais, une «Offre Maroc» opérationnelle et incitative, couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur de la filière de l’hydrogène vert au Maroc. Quelques jours après cette réunion, Mostafa Terrab, président directeur général d’OCP, a présenté au Roi un projet d’investissement vert ambitieux de près de 13 milliards de dollars, sur la période 2023-2027, devant permettre à terme d’alimenter l’ensemble de son outil industriel en énergie verte. OCP prévoit des investissements importants dans le dessalement des eaux de mer (560 Millions de m3) ainsi que la production de 1 million de tonnes d’ammoniac vert. Ces investissements permettront au groupe phosphatier d’atteindre la neutralité carbone en 2040.
Un potentiel important pour le pays
Pour parler de la place du Maroc dans l’échiquier mondial de l’hydrogène vert, Mounia Boucetta affirme que «compte tenu des évolutions importantes et rapides que connait ce marché, les Directives royales, lors de la réunion du 22 novembre 2022, réaffirment l’intérêt du positionnement du Maroc en capitalisant sur les acquis réalisés, en construisant une offre attractive et opérationnelle et en favorisant le développement de chaînes de valeur compétitives». L’auteur du policy brief note que la consolidation des investissements réalisés, ou en cours, particulièrement dans les secteurs des énergies renouvelables, logistiques et industriels, le positionnement géostratégique du Maroc, son climat des affaires qui est l’un des plus attractifs dans la Région ainsi que les projets engagés en Recherche et développement, sont des facteurs pertinents pour construire l’offre Maroc.
Selon le dernier rapport Renewable energy country attractiveness index (RECAI), «Le Maroc est arrivé en tête de l’indice ajusté grâce à ses plans ambitieux pour le solaire, l’éolien et, plus récemment, l’hydrogène vert, dans la poursuite d’une part d’énergie verte de 52% d’ici 2030.» De plus, les interconnexions existantes ou en projet avec l’Europe, la feuille de route de l’hydrogène vert établie en 2021, la création du cluster Green H2, les projets de dessalement en cours de réalisation ainsi que la conclusion de plusieurs partenariats, notamment avec l’Allemagne, les Pays-Bas et l’UE, «renforcent le positionnement du Maroc en tant qu’acteur fiable dans le marché de l’hydrogène vert et dans la conduite de projets d’envergure», affirme Mounia Boucetta.
Une course mondiale
Pour l’instant, le marché de l’hydrogène vert à l’export restera régional à court et moyen termes, en raison de l’impact des coûts logistiques dus au développement limité de la supply chain, conditionné par l’évolution du marché et la visibilité sur les cadres règlementaire et incitatif. Toutefois, la donne va changer, car «la compétition dans le secteur de l’hydrogène vert ne sera pas que régionale ou continentale», explique le policy brief, puisque les pays européens (notamment ceux du sud de la Méditerranée), envisagent aussi d’assurer 50% de leurs besoins en production interne avec des objectifs d’industrialisation et d’innovation très importants, en visant la compétitivité sur toute la chaîne de valeur, de la production au transit, et en veillant à renforcer leur souveraineté et leur autonomie stratégique.
D’un autre côté, plusieurs pays du Moyen Orient ont pris de l’avance grâce aux excédents liés à l’augmentation du cours de pétrole et aux partenariats conclus avec des investisseurs internationaux. Le Maroc, pour sa part, dispose d’avantages compétitifs pour approvisionner l’Europe en hydrogène vert et dérivés ; «toutefois le développement de cette filière remet sur la table les questions stratégiques de développement du marché local par rapport au marché à l’export, la viabilité industrielle à travers l’intégration locale, le développement des infrastructures et l’optimisation des coûts logistiques, le cadre institutionnel et règlementaire approprié ainsi que la place réservée à la Recherche et développement (RD) pour accompagner les développements technologiques», estime Mounia Boucetta.
Pour les pays africains, notamment ceux d’Afrique du Nord, l’Europe représente un marché potentiel émergent d’hydrogène vert très prometteur, en raison de la proximité géographique et de la politique volontariste adoptée, dans ce sens, par l’Union européenne.