La montée en puissance des préoccupations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) est devenue une caractéristique marquante du paysage financier européen. Alors que le changement climatique impose des défis sans précédent. Les régulations et les initiatives en matière de finance durable gagnent en importance. En particulier, le Règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR). Et la taxonomie verte de l’Union européenne visent à guider les fonds d’investissement vers des pratiques plus durables. Cependant, les données récentes de Sustainalytics, une filiale de Morningstar. Révèlent des inégalités significatives dans l’adoption de ces normes et une lenteur dans la mise en œuvre des critères ESG au sein des fonds d’investissement. Bruno Boggiani, CEO de Green Finance, résume la situation : « Les nouvelles directives sont essentielles pour guider les fonds vers une véritable transition écologique. Mais la route reste longue pour répondre aux attentes de transparence et de durabilité. »
Une adoption lente de la taxonomie verte par les fonds d’investissement
La taxonomie verte de l’Union européenne a été conçue pour établir un cadre de référence qui identifie les activités économiques durables. Cependant, l’adoption de cette taxonomie par les fonds d’investissement européens est encore en cours. À la fin du troisième trimestre 2024, seulement 23 % des fonds classés sous l’article 8 (couvrant les fonds promouvant des caractéristiques environnementales). Et 28 % des fonds classés sous l’article 9 (couvrant les fonds ayant un objectif d’investissement durable) rapportaient des valeurs significatives d’investissements alignés avec la taxonomie. Ce constat souligne un défi majeur. La difficulté pour de nombreux fonds d’adapter leurs portefeuilles aux exigences de durabilité tout en assurant une performance financière satisfaisante.
La lenteur de cette adoption s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, il y a un manque de clarté et de compréhension autour des exigences spécifiques de la taxonomie. De nombreux gestionnaires de fonds font face à des obstacles liés à la collecte. Et à la validation des données nécessaires pour prouver l’alignement de leurs investissements. De plus, la complexité des chaînes d’approvisionnement dans certains secteurs rend difficile l’évaluation de l’impact environnemental de leurs actifs. Enfin, l’angoisse liée à une possible sanction réglementaire pour non-conformité pousse certains gestionnaires à retarder leur déclaration. Jusqu’à ce qu’ils soient certains de répondre à toutes les exigences.
Disparités sectorielles dans l’alignement avec la taxonomie verte
Une analyse approfondie des niveaux d’alignement des fonds d’investissement avec la taxonomie révèle des disparités marquées entre les secteurs. Le secteur des services publics, par exemple, montre un fort engagement envers la durabilité. Avec un capex aligné atteignant en moyenne 77 %. Cela est largement attribué à l’investissement accru dans les énergies renouvelables et les technologies d’efficacité énergétique. Qui sont prioritaires dans la transition énergétique.
À l’opposé, les secteurs de l’énergie et des matériaux souffrent d’un alignement faible. Avec des capex respectifs de seulement 18 %. Cela reflète les défis auxquels ces industries font face pour réduire leur empreinte carbone. Notamment en raison des infrastructures existantes et des processus de production à forte intensité de carbone. Le passage à des pratiques plus durables nécessite des investissements massifs dans l’innovation technologique et l’infrastructure. Que beaucoup de ces entreprises sont encore réticentes à engager.
D’autres secteurs, tels que l’immobilier et l’industrie, affichent des performances intermédiaires. Avec un capex aligné de 39 % et 25 %. Ce dernier chiffre indique que, bien que les efforts pour aligner ces secteurs avec la taxonomie verte progressent. Des défis subsistent, notamment en matière de rénovation des bâtiments existants pour les rendre plus efficaces énergétiquement.
La diversité des performances sectorielles en matière d’alignement souligne la nécessité d’adopter une approche différenciée. Chaque secteur doit élaborer des stratégies spécifiques qui tiennent compte de ses particularités. Ses défis et ses opportunités pour réellement progresser vers des pratiques d’investissement durables.
Vers une transition plus active : les objectifs de réduction des émissions des fonds
L’engagement des fonds d’investissement à réduire les émissions de gaz à effet de serre est un autre indicateur clé de leur sérieux en matière de durabilité. En septembre 2024, environ 11 % des fonds article 8 et 7 % des fonds article 9 affichaient des objectifs clairs de réduction des émissions. Un chiffre qui reste stable par rapport aux trimestres précédents. Bien que ce chiffre puisse sembler modeste, il représente un changement de mentalité significatif dans le monde de l’investissement.
Certains fonds se distinguent par leurs ambitions élevées. Par exemple, le fonds Abrdn Global Corporate Sustainable Bond prévoit de réduire son intensité carbone de 25 % d’ici 2025 et de 55 % d’ici 2030. De telles initiatives s’inscrivent dans un cadre plus large d’alignement avec les objectifs de l’Accord de Paris, qui appelle à des efforts concertés pour limiter le réchauffement climatique. De plus, le fonds Swedbank Robur Transition Energy adopte une approche innovante. En s’engageant à influencer les entreprises dans lesquelles il investit pour qu’elles respectent ces objectifs climatiques.
Cependant, la mise en œuvre de ces objectifs nécessite des efforts soutenus. Les gestionnaires de fonds doivent non seulement définir des objectifs ambitieux. Mais aussi élaborer des stratégies pratiques et mesurables pour atteindre ces cibles. Cela inclut l’intégration de critères ESG dans les processus de décision d’investissement. L’engagement proactif avec les entreprises pour les inciter à améliorer leur performance environnementale, et la transparence quant aux progrès réalisés.
Nouvelles réglementations et lutte contre le greenwashing : les directives de l’ESMA
La lutte contre le greenwashing est devenue une préoccupation majeure dans le domaine de la finance durable. Pour garantir la transparence et la crédibilité des fonds ESG, l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) a introduit de nouvelles réglementations qui visent à encadrer les pratiques des fonds et à renforcer leur responsabilité. À partir de novembre 2024, les fonds qui incluent des termes liés à la durabilité dans leur nom devront se conformer à des exigences strictes pour prouver leur conformité aux normes ESG.
Cette réglementation représente une avancée significative dans l’effort pour protéger les investisseurs et restaurer la confiance dans le marché. Elle impose aux gestionnaires de fonds de démontrer que les produits commercialisés comme « verts » ou « responsables » respectent réellement des critères ESG rigoureux. Cela nécessite une plus grande transparence dans la sélection des actifs. Une rigueur dans l’utilisation des méthodologies de calcul d’impact et un suivi des engagements pris par les fonds.
En instaurant ces nouvelles exigences, l’ESMA contribue à standardiser les pratiques ESG à l’échelle européenne. Favorisant ainsi des engagements authentiques et minimisant le risque de greenwashing. Les investisseurs pourront désormais évaluer plus facilement la véritable portée environnementale des fonds. Grâce à des critères homogènes et à une classification claire.
La taxonomie verte comme référence et normalisation des pratiques durables
La taxonomie verte de l’Union européenne est plus qu’un simple outil. Elle représente une tentative ambitieuse de créer un langage commun pour les investissements durables. En fournissant une référence claire pour évaluer la durabilité des activités économiques, la taxonomie permet une meilleure transparence pour les investisseurs, qui peuvent ainsi prendre des décisions éclairées.
Dans un avenir proche, l’UE prévoit d’étendre ses obligations de déclaration en matière de durabilité, ce qui incitera un plus grand nombre d’entreprises à produire des rapports alignés avec la taxonomie. Cela est d’autant plus important à une époque où les investisseurs cherchent de plus en plus à comprendre les implications environnementales de leurs choix d’investissement.
En outre, la directive européenne sur la due diligence durable, qui doit être mise en œuvre d’ici 2027, imposera aux entreprises d’évaluer l’impact environnemental de leurs chaînes d’approvisionnement. Cette directive encouragera les sociétés à adopter une approche plus holistique, intégrant des critères de durabilité à chaque étape de leurs opérations. Selon Bruno Boggiani, cette approche est un levier indispensable : « La taxonomie verte offre une base solide pour mesurer l’impact des investissements, mais une application cohérente et universelle est indispensable pour restaurer la confiance des investisseurs. »
La trajectoire des fonds d’investissement ESG
La trajectoire des fonds d’investissement ESG en Europe est marquée par des avancées significatives, mais également par des défis qui persistent. L’alignement des investissements avec la taxonomie verte, bien que nécessaire, n’est pas encore généralisé et les disparités sectorielles soulignent la nécessité d’une approche sur mesure. En parallèle, l’engagement des fonds à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et les nouvelles régulations de l’ESMA renforcent la transparence et la crédibilité des fonds durables.
L’avenir de la finance durable repose sur la capacité des acteurs à dépasser la simple conformité réglementaire pour s’engager dans une transformation véritable de leurs pratiques d’investissement. Alors que la pression pour répondre aux attentes des investisseurs en matière de durabilité augmente, il est essentiel que les fonds d’investissement non seulement renforcent leurs engagements ESG, mais adaptent également leurs stratégies pour s’aligner sur les objectifs globaux de durabilité. La route vers une finance véritablement durable
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