Les Conférences des Parties (COP) sont des rendez-vous annuels essentiels pour coordonner les actions internationales face aux crises climatiques et environnementales. Depuis leur création en 1995, elles ont permis d’établir des cadres globaux pour limiter le réchauffement climatique et préserver la biodiversité. À l’approche de la COP 29 à Bakou, Azerbaïdjan, il est crucial de comprendre les jalons historiques des COP et les enjeux actuels pour 2024. Cet article propose une rétrospective des événements clés, une synthèse des discussions en cours, et une analyse des défis à venir, avec la conclusion experte de Bruno Boggiani.
Rappel des COP marquantes : des accords symboliques aux défis concrets
1. COP1 – Berlin, 1995
Première réunion des pays signataires de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, cette conférence a marqué le début des négociations internationales pour lutter contre le réchauffement climatique.
2. COP3 – Kyoto, 1997
Le Protocole de Kyoto a introduit les premiers objectifs juridiquement contraignants pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Cependant, ces engagements étaient limités aux pays développés, excluant les économies émergentes.
3. COP21 – Paris, 2015
L’Accord de Paris reste l’un des accords les plus ambitieux à ce jour. Il vise à limiter le réchauffement global bien en dessous de 2 °C, idéalement à 1,5 °C, par rapport aux niveaux préindustriels. Tous les pays se sont engagés à soumettre des contributions déterminées au niveau national (NDCs) pour atteindre ces objectifs.
4. COP26 – Glasgow, 2021
Cette conférence a renforcé les engagements pour la neutralité carbone et introduit des mesures pour réduire progressivement l’usage du charbon. Cependant, elle a été critiquée pour son manque de contraintes juridiques.
5. COP28 – Dubaï, 2023
Axée sur la transition énergétique, cette édition a mis l’accent sur l’accélération des énergies renouvelables et l’objectif de tripler leur capacité mondiale d’ici 2030. La question du financement climatique y a également occupé une place centrale, sans pour autant aboutir à des résultats concrets.
6. COP16 – Cali, 2024 (biodiversité)
Dédiée à la biodiversité, la COP16 a souligné les défis persistants de la mise en œuvre de l’initiative 30×30 et les retards dans les plans d’action nationaux pour la biodiversité.
Les enjeux majeurs de la COP 29
1. Un financement climatique encore insuffisant
Depuis l’objectif de 100 milliards de dollars fixé en 2009 à la COP15 de Copenhague, les progrès sont lents. À Bakou, un Climate Finance Action Fund a été proposé, soutenu par des contributions volontaires. Cependant, les besoins réels s’élèvent à près de 1 000 milliards de dollars par an pour répondre aux urgences climatiques et environnementales.
- Progrès récents : Les banques multilatérales de développement ont mobilisé 125 milliards de dollars en 2023, mais l’effort reste insuffisant.
- Initiatives en discussion : Crédits biodiversité, taxes sur les énergies fossiles et investissements privés pour combler le fossé financier.
2. La biodiversité et l’initiative 30×30
Adoptée en 2022, l’initiative 30×30 vise à protéger 30 % des terres et océans d’ici 2030. Cependant :
- Problèmes de mise en œuvre : Seulement 44 pays sur 196 ont finalisé leurs stratégies nationales pour la biodiversité (SPANB).
- Défis locaux : Les pays “mégadivers” comme le Brésil et la Colombie peinent à intégrer ces objectifs en raison de consultations insuffisantes avec les populations autochtones.
3. Impliquer la jeunesse : le Young Climate Pact
Proposé par les ambassadeurs français du Pacte européen pour le Climat, ce pacte vise à mobiliser la jeunesse mondiale pour agir sur les décisions climatiques :
- Objectifs clés : Créer des forums dédiés dans les COP et promouvoir des actions concrètes pilotées par les jeunes.
- Impact potentiel : Une mobilisation mondiale pourrait accélérer les changements structurels nécessaires.
Synthèse des points de vue des acteurs clés
La COP29 rassemble une diversité d’acteurs – gouvernements, entreprises, investisseurs institutionnels et organisations internationales – chacun apportant sa vision sur les priorités climatiques et environnementales. Voici une synthèse des perspectives exprimées par les principaux intervenants :
1. Le rôle des investisseurs institutionnels – FAIRR Initiative
FAIRR, un réseau influent d’investisseurs représentant 70 000 milliards de dollars d’actifs, insiste sur l’importance des données ESG (environnementales, sociales et de gouvernance) pour guider les entreprises dans leur transition écologique. Selon ses représentants, la transition du secteur agroalimentaire, l’un des plus polluants au monde, est essentielle pour atteindre les objectifs climatiques.
- Proposition : Les outils comme l’indice Coller FAIRR Protein permettent d’évaluer les entreprises de production de protéines animales et de mesurer leur impact sur la biodiversité et les émissions de gaz à effet de serre.
- Limites : Bien que ces analyses fournissent une base solide pour orienter les décisions, elles nécessitent une adoption plus large et une coordination internationale pour maximiser leur impact.
2. Les banques multilatérales de développement (BMD)
Les banques multilatérales, dont la Banque Européenne d’Investissement (BEI), jouent un rôle crucial dans le financement climatique. En 2023, les BMD ont atteint un record de 125 milliards de dollars mobilisés, tout en attirant 101 milliards de dollars de financements privés. Cependant, elles reconnaissent que ces sommes restent insuffisantes.
- Avancées : La BEI propose des solutions innovantes, comme le financement d’infrastructures pour les PME ou des projets d’efficacité énergétique. Un accent particulier est mis sur les technologies de stockage d’énergie et les énergies renouvelables.
- Défis : L’harmonisation des méthodes pour mesurer les impacts climatiques, ainsi que la lente adoption de nouveaux modèles de garantie, freinent leur efficacité. Les réformes nécessaires pour augmenter leur capacité d’action avancent à un rythme trop lent.
3. Les communautés autochtones : gardiennes de la nature
La reconnaissance des peuples autochtones comme partenaires essentiels pour la conservation est un point fort des discussions. Leurs savoirs ancestraux et leur gestion durable des écosystèmes jouent un rôle crucial dans la protection de la biodiversité.
- Progrès : La création d’un groupe permanent pour représenter les peuples autochtones dans les négociations des COP est une avancée importante.
- Problèmes persistants : Les droits des communautés restent souvent ignorés ou mal protégés, notamment dans les pays riches en biodiversité. Sans mesures contraignantes, les populations autochtones risquent d’être marginalisées face aux intérêts économiques des grandes entreprises ou des gouvernements.
4. La jeunesse et le Young Climate Pact
Les ambassadeurs français du Pacte européen pour le Climat plaident pour un pacte mondial visant à intégrer activement les jeunes générations dans les décisions climatiques.
- Propositions : Le Young Climate Pact encourage la création de forums officiels dans les COP pour permettre aux jeunes de formuler et défendre des propositions concrètes. Cette initiative vise également à mobiliser les jeunes à l’échelle mondiale autour d’objectifs climatiques communs.
- Impact attendu : L’inclusion des jeunes pourrait insuffler une nouvelle dynamique dans les négociations et renforcer la pression pour des actions rapides et efficaces.
5. Les entreprises et l’exemple de norsy
Certaines entreprises prennent les devants en intégrant la nature dans leur gouvernance. Le groupe norsys, par exemple, innove avec son modèle de “permaentreprise”, inspiré de la permaculture.
- Initiatives clés :
- Création d’un Haut Conseil pour la Nature, incluant des représentants dédiés aux enjeux environnementaux dans les processus décisionnels.
- Intégration de la nature comme “actionnaire” symbolique, avec droit de vote dans les décisions stratégiques.
- Perspective : Ces initiatives montrent qu’une gouvernance durable est possible, même dans un cadre économique compétitif. Elles pourraient inspirer d’autres entreprises à adopter des pratiques similaires.
6. Les défis des objectifs climatiques nationaux (CDN)
Les Contributions Déterminées au niveau National (CDN) soumises par les pays pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre illustrent l’engagement international. Pourtant, leur mise en œuvre est loin d’être uniforme :
- Problèmes récurrents :
- Seulement 48 % des pays ont intégré leurs objectifs dans des processus législatifs nationaux.
- Les émissions mondiales ne sont réduites que de 8 % par rapport aux objectifs initiaux, alors qu’une baisse de 21 à 43 % est nécessaire pour limiter le réchauffement à 2 °C ou 1,5 °C d’ici 2030.
- Nouveaux engagements : Les pays devront soumettre de nouvelles CDN pour 2035 dès 2025. La Chine, par exemple, a annoncé un contrôle renforcé de ses émissions après 2030, ce qui pourrait inciter d’autres grandes économies à suivre cet exemple.
Obstacles persistants et défis à relever
- Manque de mécanismes contraignants
Les COP souffrent d’un écart entre engagements symboliques et actions concrètes. Sans cadre légal clair, les promesses restent souvent lettre morte. - Pressions géopolitiques
La guerre en Ukraine et les tensions au Moyen-Orient compliquent la coopération internationale et détournent les priorités des pays riches. - Transition énergétique lente
Malgré des progrès dans le déploiement des énergies renouvelables, la dépendance aux énergies fossiles demeure un frein majeur.
Initiatives prometteuses pour un avenir durable
- Technologies propres : Tripler la capacité mondiale en énergies renouvelables d’ici 2030 reste un objectif clé.
- Modèle permaentreprise : Des entreprises comme norsys montrent l’exemple en intégrant la nature dans leurs processus décisionnels.
- Crédits biodiversité : Ces mécanismes innovants, bien que controversés, pourraient mobiliser des financements privés à grande échelle.
Avec une conclusion experte
“La COP29 représente une opportunité de passer des ambitions aux actions concrètes. Cependant, les défis financiers et politiques demeurent. Les acteurs privés, publics et communautaires doivent coopérer pour éviter que ces objectifs ne restent symboliques. La clé réside dans l’implication de toutes les parties, notamment la jeunesse, pour construire un avenir durable. À nous de transformer ces engagements en réalités.“