
Le désengagement progressif des acteurs financiers et institutionnels vis-à-vis des engagements de durabilité pose question. Alors que la Net-Zero Banking Alliance (NZBA) jouait un rôle clé dans la transition écologique du secteur bancaire, son avenir semble aujourd’hui incertain. Le retrait de plusieurs grandes banques nord-américaines, accentué par le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, témoigne d’un recul des engagements publics en matière de durabilité. Cette dynamique s’étend également aux régulateurs et aux entreprises, soulevant des interrogations sur l’impact de cette tendance à moyen et long terme.
La fragilisation de la NZBA face aux retraits des banques nord-américaines
Jusqu’à récemment, la Net-Zero Banking Alliance poursuivait son développement, attirant de nouveaux membres et consolidant ses engagements. À fin mai 2024, 118 banques avaient défini des objectifs de décarbonation, et 76 d’entre elles avaient publié un plan de transition.
Cependant, la fin d’année 2024 a marqué un tournant. En décembre, Goldman Sachs a annoncé son retrait de l’initiative, marquant la fin d’une année prometteuse mais instable. Plusieurs autres institutions nord-américaines ont suivi le même chemin, affaiblissant l’alliance. Ce mouvement de repli est directement lié à l’arrivée du nouveau président américain, dont la politique environnementale moins volontariste semble instaurer un climat de défiance vis-à-vis des engagements en faveur de la transition bas carbone.
Malgré ces turbulences, la NZBA reste une initiative majeure, regroupant plus de 140 banques et représentant 56 trillions de dollars d’actifs. Cependant, la perte d’acteurs influents remet en cause sa capacité à imposer des standards ambitieux pour la finance durable.
Un désengagement qui dépasse le secteur bancaire
Le phénomène de repli ne touche pas uniquement les banques. Les régulateurs et les gestionnaires d’actifs adoptent également une posture plus réservée sur les sujets de durabilité.
- La Réserve fédérale américaine (FED) s’est retirée en janvier 2025 du Network for Greening the Financial System (NGFS), une initiative visant à intégrer les risques climatiques dans le secteur financier.
- BlackRock, leader mondial de la gestion d’actifs, a quitté la Net Zero Asset Managers Initiative (NZAM), illustrant une prudence croissante des grandes institutions financières face aux engagements climatiques.
- Le mouvement touche aussi les entreprises technologiques et industrielles. Début 2025, Google, Disney, McDonald’s, Ford et Meta ont réduit ou abandonné leurs programmes de diversité, équité et inclusion (DEI), signalant un recul des politiques sociales et environnementales dans les stratégies d’entreprise.
Cette tendance s’inscrit dans un contexte politique et économique marqué par une montée des inquiétudes sur les risques réputationnels. Une étude récente révèle que 85 % des administrateurs américains considèrent qu’une prise de position publique sur un sujet sociétal peut entraîner une perte de clientèle, contre 71 % en 2017.
Quels impacts pour la finance durable
L’avenir de la finance durable repose en grande partie sur la capacité des institutions à maintenir leurs engagements, même en l’absence de pression publique. Certains observateurs estiment que ce désengagement ne signifie pas forcément un abandon des objectifs climatiques, mais plutôt une évolution vers une approche plus discrète et pragmatique.
Certaines banques nord-américaines, bien qu’ayant quitté la NZBA, assurent vouloir poursuivre leurs efforts en faveur de la transition bas carbone. Cependant, l’absence d’adhésion à une initiative collective fragilise la transparence et la redevabilité de ces engagements.
Le World Economic Forum, dans son dernier rapport sur les risques globaux, souligne que les menaces environnementales dominent les préoccupations à long terme :
- Événements climatiques extrêmes
- Perte de biodiversité
- Effondrement des écosystèmes
- Pénurie de ressources naturelles
Face à ces défis, le retrait des grandes institutions des engagements collectifs pourrait ralentir l’adoption de mesures efficaces.
Un repli préoccupant mais pas définitif
Le recul des engagements publics sur la durabilité limite le débat et entrave la progression des approches collectives. Cependant, des signaux encourageants existent :
- Cinq banques nord-américaines plus modestes ont choisi de rester dans la NZBA, démontrant que l’engagement climatique reste une priorité pour certains acteurs.
- La publication des nouvelles lignes directrices de la NZBA en mars 2024 a mis en avant un enjeu clé : l’intégration des émissions facilitées (celles liées aux activités de conseil en marché de capitaux) dans les objectifs de décarbonation bancaire.
- Les investisseurs continuent d’exiger des engagements forts de la part des entreprises et des banques, certains plaidant pour une législation renforcée afin d’encadrer ces actions.
Bien que l’environnement politique actuel favorise un certain recul, les pressions économiques et sociétales pourraient ramener la finance vers des engagements plus ambitieux. L’avenir de la Net-Zero Banking Alliance dépendra de la capacité des acteurs financiers à concilier impératifs économiques et exigences climatiques dans un contexte incertain.
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