
Le débat entre les stratégies de gestion active et passive continue d’animer les discussions dans le monde de l’investissement. Le rapport semestriel de Morningstar, intitulé le “Baromètre Européen Actif/Passif”, offre une analyse approfondie sur les performances comparées des fonds actifs et passifs sur le marché européen. Ce rapport, couvrant près de 29 500 fonds, permet d’évaluer non seulement les tendances récentes, mais aussi de mieux comprendre les dynamiques des marchés financiers et l’impact des conditions économiques sur ces deux stratégies d’investissement.
Dans cet article, nous explorerons les principales conclusions de ce rapport concernant les fonds actions et obligataires, les défis rencontrés par les gérants actifs, et les changements méthodologiques qui influencent la manière dont ces performances sont mesurées.
Performance des fonds actions : un bilan contrasté
En 2024, les marchés actions ont continué de croître, bien que quelques perturbations aient été observées, notamment dues à la révision des prévisions sur les taux d’intérêt aux États-Unis. La performance des gérants actifs d’actions a montré une légère amélioration par rapport à 2023. En effet, le taux de succès des gérants d’actions s’est élevé à 29,1 % en décembre 2024, contre 28,7 % l’année précédente. Cependant, sur une période plus longue de 10 ans, cette performance reste faible, avec un taux de réussite moyen de seulement 14,2 %.
Les gérants actifs semblent avoir un avantage particulier dans les catégories d’actions à petite et moyenne capitalisation, où il est plus facile d’identifier des opportunités d’investissement. Contrairement aux fonds passifs, qui souvent privilégient les grandes capitalisations ou un secteur spécifique, les gérants actifs sont mieux équipés pour tirer parti des fluctuations de ces catégories plus volatiles. Cela leur permet de surperformer dans des environnements de marché complexes et en évolution rapide.
L’Impact des valeurs technologiques et des marchés émergents
Le quatrième trimestre 2024 a été marqué par une forte dynamique, stimulée par la victoire électorale de Donald Trump et par la performance des entreprises technologiques, notamment les “sept magnifiques” qui dominent désormais les indices boursiers mondiaux. Par ailleurs, les marchés émergents ont vu un soutien significatif grâce aux politiques de relance mises en place par la Chine. Ces facteurs ont contribué à la progression continue des marchés actions, bien que des tensions économiques aient pesé sur certaines catégories de fonds.
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Performance des fonds obligataires : résilience et volatilité
La gestion des fonds obligataires a été davantage impactée par la volatilité en 2024, en particulier en raison des ajustements dans les prévisions d’inflation et des actions des banques centrales. Alors que l’inflation a été plus élevée que prévu, ce qui a poussé les banques centrales à revoir leur discours, les rendements obligataires ont connu une forte remontée. Dans ce contexte, les gérants actifs ont montré une capacité notable à naviguer cette volatilité, avec un taux de réussite de 53,5 % en décembre 2024, en hausse par rapport aux 46,5 % de l’année précédente.
Cependant, cette performance s’est légèrement dégradée par rapport au pic de 58,3 % observé en juin 2024, ce qui indique que la gestion active peut avoir des limites dans un environnement aussi incertain et changeant. Les gérants actifs ont réussi à tirer parti de la gestion de la duration des obligations, mais ce succès reste partiel et dépend fortement de la capacité à s’adapter rapidement aux fluctuations des marchés.
Les enjeux du management obligataire en temps de crise
L’année 2024 a offert un terrain propice pour tester les compétences des gérants actifs dans un environnement de politique monétaire incertaine. Les gérants obligataires ont dû gérer non seulement la variation des rendements, mais aussi une pression accrue sur les frais. À long terme, les fonds passifs continuent d’afficher des coûts plus faibles, ce qui peut expliquer leur avantage pour les investisseurs à la recherche de solutions plus rentables, surtout dans les classes d’actifs plus stables.
La domination croissante des fonds passifs et des ETF Actifs
Le marché des fonds passifs continue de croître, soutenu par des frais moins élevés et une réplication plus efficace des indices de référence. Cette tendance est particulièrement marquée dans les classes d’actifs obligataires, où les gérants passifs ont su capter l’intérêt des investisseurs, attirés par des rendements compétitifs à moindre coût. Toutefois, le rapport de Morningstar souligne que les gérants actifs, bien qu’en difficulté face à la pression sur les coûts et la réglementation, disposent encore d’un potentiel important dans des marchés moins efficaces ou plus volatils, où la gestion active peut créer de la valeur ajoutée.
L’émergence des ETF actifs : une révolution en cours
Les ETF actifs, qui combinent les avantages de la gestion active et de la structure des fonds passifs, connaissent un essor en Europe. De plus en plus de gestionnaires traditionnels s’intéressent à cette nouvelle approche, cherchant à répondre à la demande croissante d’investissements plus flexibles et diversifiés. Les ETF actifs pourraient donc devenir une alternative de plus en plus populaire pour les investisseurs à la recherche de stratégies dynamiques tout en maintenant une gestion à coûts réduits.
Evolution méthodologique : une meilleure prise en compte des réalités du marché
Le rapport de Morningstar a introduit deux changements méthodologiques importants pour affiner la manière dont la performance des fonds passifs est mesurée. Le passage à un composite pondéré par les encours, au lieu de l’approche précédemment utilisée basée sur une pondération égale, permet de mieux refléter les stratégies réellement employées par les investisseurs. De plus, l’adoption d’une approche “buy-and-hold” dans la construction des indices passifs rend désormais l’analyse plus représentative de l’expérience d’un investisseur typique.
Vers une approche plus précise des rendements passifs
Ces changements méthodologiques visent à donner une image plus fidèle de ce que vivent réellement les investisseurs dans le cadre de stratégies passives. Cela permet d’améliorer la comparaison entre les performances des fonds actifs et passifs, tout en prenant en compte l’évolution du marché des fonds et des produits d’investissement.
Les fonds actifs et passifs face à un avenir incertain
Le marché des investissements continue d’évoluer avec des fonds passifs qui s’imposent de plus en plus comme une solution rentable et efficace pour une large majorité d’investisseurs. Toutefois, les gérants actifs restent pertinents, en particulier dans des environnements de marché complexes ou incertains où la capacité à anticiper les fluctuations peut faire toute la différence. Si les ETF actifs se développent, offrant une alternative hybride intéressante, le choix entre gestion active et passive reste fondamentalement lié aux objectifs d’investissement de chaque investisseur, à son appétence au risque et à ses attentes en termes de coûts.
Les investisseurs devront continuer de surveiller de près l’évolution de ces deux stratégies et ajuster leurs portefeuilles en fonction des changements de conditions de marché.
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