
Le secteur bancaire mondial fait face à une pression croissante pour réduire son empreinte carbone. Bien que certaines grandes institutions aient abandonné l’Alliance des Banques Net Zero (NZBA), l’initiative reste un acteur clé dans la lutte pour une économie bas carbone. Cette évolution des engagements climatiques, notamment le passage d’une limitation de l’augmentation des températures à 1,5°C à une limite de bien en dessous de 2°C, soulève des interrogations sur son impact sur les banques et leurs activités futures. Alors que l’accord de Paris continue de guider les efforts mondiaux, les perspectives de transition demeurent complexes et incertaines.
Un engagement remis en question
L’Alliance des Banques Net Zero (NZBA), un programme soutenu par les Nations Unies, a récemment modifié ses engagements climatiques en vue d’une transition énergétique plus souple. Bien que cette modification soit perçue comme pragmatique, elle reste ambitieuse en raison des défis de transition auxquels le secteur bancaire devra faire face. L’objectif est de réduire les émissions de carbone des activités bancaires, mais les retours négatifs des secteurs politiques et économiques, accentués par la sortie de certaines grandes banques américaines et canadiennes, montrent qu’un équilibre délicat doit être trouvé entre ambition climatique et réalité économique. Cette révision du pacte climatiques soulève la question de la résilience des banques face à l’impact de ces changements.
La transition climatique : un défi à long terme pour les banques
La révision des objectifs climatiques de l’Alliance des Banques Net Zero (NZBA) – visant désormais une limitation de la température à bien en dessous de 2°C plutôt qu’à 1,5°C – peut être perçue comme un compromis face à la lenteur du processus de transition énergétique. Toutefois, même cette nouvelle ambition reste un défi, car elle s’inscrit dans un cadre de transition ordonnée. En optant pour une transition moins drastique, les banques espèrent éviter les coûts élevés associés à une adaptation immédiate, tout en visant un objectif globalement en ligne avec l’Accord de Paris. La question qui se pose est de savoir si ces engagements pourront effectivement se traduire en actions concrètes à court terme.
Les risques physiques : une incertitude croissante
Malgré des engagements ambitieux, la question des risques physiques liés au changement climatique demeure primordiale. Selon les modèles climatiques, ces risques se manifesteront de manière plus aiguë dans les décennies à venir, affectant les territoires vulnérables à des phénomènes extrêmes tels que les inondations et les vagues de chaleur. Si ces risques ne semblent pas immédiats, leur intensification précoce pourrait augmenter les coûts pour les banques, notamment à travers une diminution de la couverture d’assurance dans certaines zones exposées. Cette réduction des services d’assurance et l’augmentation des coûts liés à la protection des actifs immobiliers affecteront les conditions économiques des foyers et pourraient impacter la rentabilité des banques à long terme.
Scénarios climatiques : des conséquences sur le risque de crédit
Dans un scénario de transition ordonnée, les banques voient leurs efforts pour adapter leurs financements au climat se traduire par une réduction progressive des risques. Cependant, même dans ce cadre, les implications pour les risques de crédit restent faibles à court terme, à moins que des événements climatiques extrêmes ne viennent perturber la stabilité des marchés financiers. Les banques devraient alors s’adapter aux changements physiques et en assurer la couverture. À titre d’exemple, les banques espagnoles ont su gérer les impacts des inondations récentes en offrant des moratoires de paiement, minimisant ainsi les conséquences immédiates pour leur portefeuille de crédit.
Scénario de transition abrupte
Dans un scénario où la transition se ferait de manière brusque et désordonnée, les risques de crédit deviennent bien plus préoccupants. En effet, une telle transition pourrait entraîner la mise en dévalorisation de certains actifs et infrastructures, accélérant une correction brutale des prix des actifs. Les banques, déjà confrontées à des coûts de transition plus élevés en raison de la lenteur des politiques climatiques mises en œuvre, verraient leur rentabilité affectée par des pertes liées à des actifs sous-évalués ou obsolètes. Les investissements dans des secteurs à haute émission de carbone seraient particulièrement vulnérables.
Le temps et les scénarios climatiques : l’incertitude règne
Les modèles actuels montrent que, indépendamment des efforts climatiques immédiats, les risques physiques continueront de croître. Bien que les actions entreprises aujourd’hui ne semblent pas avoir un impact immédiat sur la réduction des températures dans les dix prochaines années, la réalité de l’augmentation des risques physiques à long terme reste inévitable. Les impacts à plus long terme incluent des effets dramatiques sur les secteurs sensibles au climat, tels que l’immobilier et l’agriculture, entraînant des répercussions majeures sur les banques et leurs clients.
Une meilleure préparation des banques aux risques climatiques
En dépit des incertitudes, les banques sont aujourd’hui mieux préparées à gérer les risques climatiques qu’elles ne l’étaient en 2015. Grâce à des rapports climatiques, des tests de résistance et une gestion proactive des risques, le secteur bancaire est mieux armé pour faire face aux défis climatiques. Cependant, le décalage entre les horizons de prévision des banques et la réalité des risques climatiques à long terme continue de poser une question essentielle : comment concilier les besoins à court terme des banques avec les objectifs climatiques globaux pour éviter des impacts économiques majeurs ?
Vers une transition climatique raisonnée
Malgré les critiques et les départs de membres influents de l’Alliance Net Zero, le passage d’un objectif de 1,5°C à 2°C semble une étape nécessaire pour concilier ambition climatique et réalités économiques. Les banques devront naviguer dans cette transition avec prudence, en équilibrant leurs engagements environnementaux avec les risques financiers réels. Bien que le climat mondial semble se réchauffer plus rapidement que prévu, les institutions bancaires disposent d’outils et de scénarios pour gérer les risques à court terme. Cependant, les défis demeurent immenses et nécessiteront une coopération internationale renforcée pour atteindre des objectifs climatiques ambitieux tout en préservant la stabilité économique.
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