Dans de nombreux pays, l’inflation a fortement accéléré et se trouve à son plus haut niveau depuis plusieurs décennies. Les causes de l’accélération de l’inflation sont multiples : hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation, tensions sur le marché immobilier dans certains pays, tensions sur les chaînes d’approvisionnement, etc. Nous revenons dans ce décryptage sur les points communs et la situation particulière de l’inflation dans différentes zones.
Par Laetitia Baldeschi, Juliette Cohen et Bastien Drut – Equipe Etudes et Stratégie
L’énergie et l’alimentation tirent l’inflation à la hausse partout
Partout, l’inflation est tirée à la hausse par le prix des matières premières, et en particulier celui du pétrole. A la fin du mois de janvier, le baril de brent était revenu à 90 $, contre 50 $ au début de l’année 2021. C’est le fruit d’une augmentation nette de la consommation et d’un contrôle strict de la production par les pays de l’OPEP+. Les stocks commerciaux de pétrole brut dans les pays de l’OCDE sont ainsi tombés au plus bas niveau depuis la fin 2014.
En ce qui concerne le gaz naturel, les prix en Europe et en Asie, deux zones très importatrices de gaz naturel, ont très fortement augmenté. Plusieurs raisons expliquent cela mais les deux principales sont la très forte baisse des livraisons russes de gaz à l’Europe et la diminution temporaire de production d’électricité à partir des centrales à charbon (fermetures), des sources éoliennes (moins de vent) et du nucléaire (réacteurs à l’arrêt), qui a induit un report sur le gaz naturel. Cela a également participé à la forte hausse des prix de l’électricité dans ces zones, une hausse répercutée partiellement ou en totalité dans les prix de vente par les entreprises. Cela a également participé à une forte hausse du prix des métaux, dont les usines de production sont très énergivores.
L’inflation alimentaire a également fortement accéléré en 2021. Si l’on prend l’indice FAO des prix alimentaires mondiaux, celui-ci a progressé en moyenne de 28,1% en 2021 par rapport à 2020 avec une progression de l’indice dans tous les sous-secteurs (céréales, huiles, viande, produits laitiers, sucre…). Cette forte hausse résulte à la fois d’une augmentation de la demande, d’une offre plus limitée pour certains aliments du fait de récoltes décevantes et des coûts élevés du fret sur la période.
Aux Etats-Unis, une flambée de l’inflation causée par une conjonction de facteurs
En décembre, l’inflation a atteint 7% en glissement annuel, soit le chiffre le plus élevé depuis 1982 et surtout très au-dessus de la cible de 2% de la Fed. La hausse des prix de l’énergie explique une bonne part de la progression de l’inflation en 2021 mais il convient de souligner que leur contribution sera nettement plus faible en 2022, en raison d’effets de base nettement plus défavorables.
L’inflation sous-jacente (inflation hors énergie et alimentation) était, elle, en hausse de 5,4% en décembre. Même si le prix de multiples biens et services ont augmenté lors de la crise Covid, à cause de problèmes d’approvisionnement ou d’augmentation des coûts salariaux, deux facteurs expliquent la majeure partie de la hausse de l’inflation sous-jacente :
- La très forte hausse du prix des voitures, neuves et d’occasion, à cause de la forte baisse de la production automobile, elle-même causée par une pénurie de semi-conducteurs. Entre la fin 2019 et la fin 2021, l’indice Manheim du prix des véhicules d’occasion a ainsi augmenté de 67% !
- La très forte hausse des loyers observée par les institutions privées (des augmentations à deux chiffres en glissement annuel) commence à être prise en compte par le BLS dans le calcul du CPI : un phénomène qui pourrait durer un certain temps.
Au cours de l’année 2022, l’inflation devrait largement décélérer, en raison d’effets de base « énergie » défavorables et car le prix des voitures devrait finir par se normaliser. Toutefois, l’incertitude est très élevée car il est très difficile d’avoir une idée précise du timing de la normalisation des chaînes d’approvisionnement de semi-conducteurs et de voitures. Un autre facteur d’incertitude, comme dans les autres zones, réside dans l’évolution des prix de l’alimentation : une différence notable avec les autres zones sur ce point porte sur le fait que les prix de la restauration sont en nette hausse à cause de la forte augmentation des salaires dans le secteur.
En zone euro, crise du gaz et effets de base s’ajoutent aux tendances à l’œuvre dans le reste du monde
En décembre, l’inflation s’est établie à 5,0% en glissement annuel au plus haut historique depuis la création de la zone euro. Il est intéressant d’observer que cette hausse a été générale dans la zone euro et que certains pays de l’Est connaissent des taux d’inflation annuelle proches ou supérieurs à 10%. De plus, l’Allemagne (5,7%) et l’Espagne (6,6%) se démarquent par une inflation plus forte que la moyenne de la zone…
L’accélération de l’inflation est en grande partie liée à la forte hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation au cours de l’année 2021. Cependant, la zone euro se démarque par un bond des prix de l’électricité et du gaz sur les marchés de gros au 2nd semestre 2021 qui n’a pas été perceptible dans le reste du monde avec la même vigueur. Cela s’est traduit par une hausse de la composante électricité du CPI de 23% sur 2021 et de celle du gaz de 28,5%.
L’inflation sous-jacente a également fortement accéléré, atteignant 2,6% en décembre, un niveau qu’elle n’avait pas atteint depuis 1996. Comme dans le reste du monde, l’accélération des prix des biens et des services s’explique tout d’abord par le déséquilibre entre l’offre et la demande et les tensions dans les approvisionnements. La progression des prix à la production industrielle de +23,7% sur un an à fin novembre et de +9,8% hors énergie illustre en partie les tensions à l’œuvre dans les approvisionnements…
Retrouvez ci-dessous le décryptage dans son intégralité.