Banques américaines et européennes : ce qui est important et ce qui ne l’est pas.
Jérémie Boudinet, Responsable du Crédit Investment Grade, avec l’aide de Mélanie Hoffbeck, Gérante et Analyste Crédit, de la Francaise.
La crise bancaire est-elle terminée ? Nous ne le pensons pas.
Les banques peuvent mourir ou feindre leur mort de bien des façons, et bien que la situation ne soit peut-être pas aussi grave que celle de Credit Suisse, nous ne sommes pas encore pour autant tirés d’affaire. Comme nous l’avons expliqué dans nos précédentes notes, le stress provenant des acteurs régionaux américains ne saurait être extrapolé aux banques européennes. Cependant, cela devrait maintenir un plancher sur les spreads obligataires des banques sur l’ensemble de leur structure de capital pour les prochaines semaines.
Il est important d’éviter les titres accrocheurs et les indicateurs trompeurs. Analysons plutôt la dernière saison de parution de résultats du premier trimestre, qui est terminée aux États-Unis, mais encore d’actualité en Europe. Notre objectif est de vous fournir des réponses simples aux questions qui peuvent se poser ou se sont posées ces derniers jours. Il s’agit ici de séparer le bon grain de l’ivraie.
1/ Les résultats des banques européennes n’auront pas d’importance pour les détenteurs d’obligations bancaires.
Même si cela peut sembler audacieux de le prétendre alors que nous sommes encore en plein milieu de la saison des annonces de résultats, nous avons déjà suffisamment d’éléments pour affirmer que rien de considérable ne se passe en Europe.
Les actionnaires, les détenteurs d’obligations et les analystes de banques sont soumis à des modes passagères lorsqu’il s’agit d’évaluer la robustesse du bilan. Au cours des dernières années, nous nous sommes principalement concentrés sur les ratios de solvabilité et les tendances des prêts non performants, qui s’amélioraient considérablement. Tous les regards se tournent désormais vers les tendances des dépôts de clients, les ratios de liquidité et les expositions à l’immobilier commercial. Cela aussi finira par passer.
Santander a dévoilé ses résultats le 25 avril, avec une baisse trimestrielle de 5,6 % des dépôts de clients en Espagne, ce qui a entraîné une sous-performance importante de son cours de bourse par rapport à celui des autres banques ce jour-là (aussi en raison d’une rentabilité plus faible au Brésil). Cela pourrait-il être le signe d’une prochaine tension de liquidité ? Non, certainement pas. Voici pourquoi : les dépôts de clients sur une base consolidée ont baissé de seulement 1 % en variation trimestrielle et ont augmenté de 4 % en glissement annuel, les dépôts de clients en Espagne ont augmenté de 7,9 % en glissement annuel, la direction a déclaré que la plupart de la baisse des dépôts espagnols en variation trimestrielle était due à des entreprises et à la CIB et ceci principalement en janvier, avant le début de la crise bancaire. Les dépôts des clients peuvent être et sont souvent volatils, ils sont soumis à des ajustements saisonniers et dépendent à la fois du type de prêts accordés aux clients et de leur répartition géographique. Il semble que les investisseurs aient oublié cette réalité.
Jusqu’à présent, les preuves anecdotiques provenant des résultats d’autres banques en Europe ont montré qu’il n’y avait rien de significatif à signaler ici.
En conclusion, les tendances à long terme des banques sont plus importantes que les chiffres trimestriels. Ne retenez pas votre souffle pour cette saison de résultats des banques européennes.
2/ La Commission européenne souhaite renforcer la préférence des déposants : C’est un coup d’épée dans l’eau.
La Commission européenne (CE) a publié le 18 avril une proposition pour ajuster le cadre de gestion de crise bancaire et d’assurance-dépôts existants de l’UE, en mettant l’accent sur les banques de taille moyenne et plus petites. Comme pour tous les sujets réglementaires, cela devient vraiment technique, nous ne vous embêterons donc pas avec des détails qui ne sont pertinents que pour les passionnés de banque, et nous le simplifierons autant que possible.
L’idée de base est de sanctuariser la préférence des déposants contre les détenteurs d’obligations non garanties seniors (et d’autres créances de même rang). Attendez, n’était-ce pas déjà le cas ? Plus ou moins. C’était déjà explicitement le cas dans plusieurs pays, tels que le Portugal ou l’Italie, mais c’était seulement implicite dans la plupart des autres pays. Comme toujours, c’est un choix que doit faire le régulateur (et le gouvernement) si une banque tombe en résolution (et, en Europe, les résolutions bancaires n’ont touché ni les déposants ni les obligations non garanties seniors au cours des sept dernières années).