Le Conseil d’État condamne l’État à payer deux nouvelles astreintes de 10 millions d’euros pour les deux périodes allant de juillet 2021 à janvier 2022 et de janvier à juillet 2022, après avoir ordonné à l’Etat, depuis 2017, de faire respecter les normes européennes, reprises en droit français, de qualité de l’air. Néanmoins, les seuils limites de pollution au dioxyde d’azote – qui doivent être respectés depuis 2010 – restent dépassés dans plusieurs zones en France, notamment dans les agglomérations de Paris, Lyon et Marseille.
Les mesures prises inefficaces ?
A ce jour, les mesures prises par l’État ne garantissent pas que la qualité de l’air s’améliore de telle sorte que les seuils limites de pollution soient respectés dans les délais les plus courts possibles.
Saisi par plusieurs associations de défense de l’environnement, le Conseil d’État a ordonné le 12 juillet 2017 à l’État de mettre en œuvre des plans pour réduire les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10) dans 13 zones en France, afin de respecter la directive européenne sur la qualité de l’air. Constatant trois ans plus tard que les mesures prises étaient insuffisantes pour atteindre cet objectif, il a condamné l’État à agir, sous peine d’une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard.
Le 4 août 2021, le Conseil d’État condamnait l’État à payer une première astreinte de 10 millions d’euros pour le premier semestre de l’année 2021, observant que les seuils limites restaient dépassés dans 5 zones. Après analyse des nouveaux éléments fournis par le ministère chargé de l’écologie, le Conseil d’État liquide aujourd’hui deux nouvelles astreintes pour le second semestre 2021 et le premier semestre 2022, soit un montant total de 20 millions d’euros.
Une situation qui s’améliore mais qui reste mauvaise dans plusieurs zones
Les derniers chiffres montrent que la situation s’est globalement améliorée mais qu’elle reste fragile ou mauvaise dans quatre zones. La zone de Grenoble ne présente plus de dépassement en matière de concentration en dioxyde d’azote, ni la zone de Paris, en matière de concentration en particules fines PM 10.
Toutefois, la situation de la zone de Toulouse reste fragile en 2021 avec une concentration moyenne annuelle de dioxyde d’azote juste en dessous de la valeur limite mais en augmentation par rapport à 2020. Pour les zones de Paris, Lyon et Aix-Marseille, si la moyenne annuelle de concentration en dioxyde d’azote a globalement diminué en 2021 par rapport à 2019, les seuils limites y ont été dépassés.
Les mesures prises ne garantissent pas une amélioration dans les délais les plus courts possibles
Le Conseil d’État note que les mesures prises par le Gouvernement dans le secteur des transports ( aides à l’acquisition de véhicules moins polluants, développement des mobilités dites douces, déploiement de bornes de recharge) et du bâtiment (interdiction des chaudières à fioul ou à charbon ) devraient avoir des effets positifs sur les niveaux de concentration en dioxyde d’azote dans l’air ambiant pour l’ensemble du territoire national. Pour autant, les conséquences concrètes de ces mesures générales ne sont pas précisées pour les 3 zones de Paris, Lyon et Aix-Marseille qui dépassent encore les valeurs limites.
Le Conseil d’État observe également que le développement des nouvelles « zones à faibles émission mobilité » (ZFE-m) prévues par la loi Climat et résilience d’août 2021, avec la possibilité de restreindre la circulation des véhicules les plus polluants, peut permettre une baisse significative des niveaux de concentration. Il constate que des zones à faibles émission (ZFE) avaient déjà été instaurés précédemment à Paris et à Lyon et qu’aucune mesure nouvelle n’a été prise pour ces zones depuis la loi Climat. Le calendrier de mise en œuvre de restriction des véhicules les plus polluants a même été décalé à Paris. En parallèle, la ZFE-m de Toulouse n’est effective que depuis le 1e février 2022 et celle d’Aix-Marseille que depuis le 1e septembre 2022. Et ce, alors même que l’obligation d’y instaurer des ZFE y était antérieure à la loi Climat et résilience.
Le Conseil d’État constate enfin que si des procédures de révision de plusieurs plans de protection de l’atmosphère (PPA) ont été récemment engagées ou sont en voie de l’être, l’objectif de respect des seuils limites demeure très éloigné et n’est accompagné d’aucun élément permettant de considérer ces délais comme étant les plus courts possibles. Or la date butoir pour respecter les valeurs maximales de concentration en dioxyde d’azote dans l’air ambiant était fixée par la directive européenne au 1er janvier 2010.
Deux astreintes de 10 millions d’euros
Compte tenu tout à la fois de la persistance du dépassement des seuils limites mais aussi des améliorations constatées depuis la dernière décision du Conseil d’État du 4 août 2021, le montant de l’astreinte semestrielle n’est ni majoré ni minoré. Il reste fixé, pour la période allant du 12 juillet 2021 au 12 juillet 2022, à 10 millions d’euros par semestre de retard, comme prévu par la décision du 10 juillet 2020, ce qui conduit au montant total de 20 millions d’euros pour les deux semestres en cause. L’astreinte sera de nouveau répartie entre l’association Les Amis de la Terre qui a saisi initialement le Conseil d’État en 2017 et plusieurs organismes et associations engagés dans la lutte contre la pollution de l’air, sur les mêmes bases que celles qui avaient été retenues en par la décision du 4 août 2021, moyennant un renforcement relatif des sommes attribuées aux associations en charge du suivi de la qualité de l’air.
À la suite de la présente décision, le Conseil d’État réexaminera en 2023 les actions de l’État menées à partir du second semestre 2022 (juillet 2022-janvier 2023).
Décision n° 428409 du 17 octobre 2022