COP30 entre attentes immenses et responsabilité collective

COP30

La Conférence des Parties (COP) est devenue, au fil des décennies, un rendez-vous incontournable pour les négociations climatiques internationales. Pourtant, la COP29 de Bakou (2024) a laissé un goût amer à de nombreux observateurs. En effet, les débats se sont enlisés autour des financements climat et des trajectoires de sortie des énergies fossiles. Plusieurs ONG avaient dénoncé une présidence jugée trop proche de l’industrie pétrolière. Rappelant la polémique déjà vive de la COP28 à Dubaï où le président de séance était… le PDG de la compagnie pétrolière nationale.

Cette répétition de tensions a nourri le scepticisme sur la capacité du processus onusien à réellement contraindre les États à agir. Beaucoup craignaient que les COP ne deviennent de simples vitrines diplomatiques, où les promesses l’emportent sur les engagements concrets. C’est dans ce contexte qu’intervient la COP30 de Belém (Brésil). Prévue du 10 au 21 novembre 2025, une édition décisive pour l’avenir de l’Accord de Paris et la lutte mondiale contre le changement climatique.

L’ouverture d’un nouveau cycle : le rôle clé des CDN

La COP30 doit inaugurer le troisième cycle des Contributions Déterminées au niveau National (CDN). Ces feuilles de route, prévues par l’Accord de Paris (2015). Sont les engagements climatiques que chaque pays doit actualiser tous les cinq ans. L’objectif : maintenir le réchauffement climatique bien en dessous de 2°C, et si possible le limiter à 1,5°C.

Or, le constat dressé par le Réseau Action Climat est préoccupant. Moins d’un tiers des émissions mondiales sont couvertes par des CDN révisées à date. Ce retard entame la crédibilité du processus multilatéral. Mais l’enjeu ne se limite pas à la couverture. C’est aussi et surtout la qualité des engagements qui est en jeu. Les États devront démontrer qu’ils traduisent le Bilan Mondial de 2023 en actions concrètes.

Dix ans après son adoption, l’Accord de Paris demeure le seul outil multilatéral capable d’imposer un cap collectif. Mais son efficacité dépend exclusivement de la volonté politique des États. Sans volonté d’application stricte, il risque de n’être qu’une déclaration d’intention.

Les grands enjeux de la COP30 : une boussole climatique à recadrer

Le Réseau Action Climat, à travers son rapport « L’Accord de Paris, 10 ans après : entre boussole climatique et fronts de résistance », insiste sur plusieurs axes :

  1. L’ambition des CDN : les pays doivent renforcer drastiquement leurs objectifs, particulièrement les grandes puissances émettrices.
  2. La mise en œuvre réelle : trop de CDN restent théoriques, sans trajectoire chiffrée ni mécanisme de suivi transparent.
  3. Les financements climat : la promesse des 100 milliards USD annuels pour les pays du Sud reste insuffisante, et souvent non respectée.
  4. La sortie des fossiles : l’élimination progressive du charbon, du pétrole et du gaz doit être enfin intégrée clairement dans les feuilles de route.
  5. La justice climatique : l’équité entre pays développés, émergents et vulnérables sera au cœur des débats.

Les dix principaux intervenants et leurs thématiques

La COP30 devrait rassembler des figures politiques, scientifiques et militantes de premier plan. Voici les 10 speakers clés et leurs thèmes attendus :

  1. Luiz Inácio Lula da Silva (Président du Brésil)
    • Thématique : Amazonie et justice climatique
      Lula veut faire de l’Amazonie le symbole d’une transition écologique et d’une COP tournée vers le Sud global.
  2. Ursula von der Leyen (Présidente de la Commission européenne)
    • Thématique : Leadership climatique européen et CSRD/Taxonomie
      L’UE défendra sa vision de la finance durable et des obligations de reporting extra-financier.
  3. John Kerry (Envoyé spécial des États-Unis pour le climat)
    • Thématique : Engagement américain et transition énergétique
      Les États-Unis devront convaincre qu’ils sont crédibles, malgré les incertitudes électorales.
  4. Xie Zhenhua (Envoyé spécial climat de la Chine)
    • Thématique : Rôle des émergents et coopération internationale
      La Chine, premier émetteur mondial, sera scrutée pour ses engagements sur le charbon et le solaire.
  5. Antonio Guterres (Secrétaire général de l’ONU)
    • Thématique : Urgence climatique globale
      Fidèle à son rôle, il devrait alerter sur le fossé entre science et action.
  6. Frans Timmermans (ex-vice-président exécutif de l’UE, Pacte Vert)
    • Thématique : Alignement avec l’Accord de Paris
      Il insistera sur la cohérence des politiques publiques avec la neutralité carbone.
  7. Sônia Guajajara (Ministre brésilienne des Peuples Autochtones)
    • Thématique : Droits des peuples autochtones et protection des forêts
      Une voix forte pour rappeler que la justice climatique passe aussi par la reconnaissance des communautés locales.
  8. Fatih Birol (Directeur exécutif de l’AIE – Agence internationale de l’énergie)
    • Thématique : Transition énergétique mondiale
      Son dernier rapport sur la sortie du fossile sera un point d’appui majeur.
  9. Greta Thunberg (militante climat)
    • Thématique : Responsabilité intergénérationnelle
      Toujours critique, elle rappellera que les promesses vides ne suffisent pas.
  10. Laurence Tubiana (architecte de l’Accord de Paris, Fondation européenne pour le climat)
  • Thématique : Pérennité de l’Accord de Paris
    Elle apportera une perspective historique et stratégique sur les dix ans de l’Accord.

Pédagogie : pourquoi cette COP est-elle cruciale ?

La COP30 n’est pas une COP de plus. Elle marque le début d’un nouveau cycle :

  • Les États doivent mettre à jour leurs CDN → c’est l’occasion ou jamais d’accroître l’ambition.
  • Le Bilan Mondial de 2023 impose de corriger les trajectoires trop faibles.
  • La fenêtre pour limiter le réchauffement à 1,5°C se referme rapidement.

En clair, la COP30 doit transformer des promesses en feuilles de route crédibles.

Conciliation entre simplification réglementaire et ambition climatique

Un débat traverse déjà les couloirs : l’Europe, en allégeant certaines obligations de la CSRD ou de la CSDDD, risque-t-elle de perdre son leadership ?

L’allègement vise à rendre les normes plus accessibles aux PME, mais certains y voient un signal contradictoire : comment demander plus aux pays émergents si l’Europe réduit ses propres ambitions ?

La réponse tiendra à la capacité des entreprises et investisseurs européens à aller au-delà du minimum réglementaire, par conviction et par stratégie compétitive. Les leaders de demain seront ceux qui intègrent le climat et la durabilité comme cœur de leur modèle d’affaires, pas comme simple conformité.

Belém, entre urgence et opportunité

La COP30 de Belém se déroule dans un contexte paradoxal : jamais la science n’a été aussi claire sur l’urgence, jamais les moyens financiers n’ont été aussi disponibles, mais jamais non plus la volonté politique n’a semblé aussi fragile.

Les polémiques passées rappellent que la gouvernance climatique peut se fragiliser si elle se laisse influencer par des intérêts à court terme. Mais l’espoir demeure : les CDN, bien conçues et mises en œuvre, peuvent encore changer la donne.

À Belém, il ne s’agira pas seulement de négocier : il faudra démontrer que l’Accord de Paris, dix ans après, reste une boussole climatique crédible.
C’est une question de climat, mais aussi de justice, de confiance et de solidarité internationale.

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