
Le début de l’année 2025 est marqué par une succession d’annonces et de décisions politiques majeures. Remettant en question les équilibres économiques et stratégiques mondiaux. Aux États-Unis, l’administration en place adopte des mesures protectionnistes qui perturbent les marchés et plongent les industriels dans l’incertitude. En Europe, ces bouleversements provoquent une réaction inédite. Sous l’impulsion de l’Allemagne. L’Union européenne amorce un virage historique en matière de défense et d’investissements stratégiques. Cette dynamique annonce-t-elle une redistribution durable des cartes de la puissance économique et géopolitique ?
L’incertitude économique américaine : un climat instable
L’économie américaine traverse une période de turbulences. La mise en place de nouvelles barrières douanières. Et les revirements successifs de la politique étrangère créent un climat d’instabilité inégalé depuis la crise du Covid-19. L’indice d’incertitude de la politique économique. Suivi par la Fed de St. Louis, a plus que doublé par rapport à sa moyenne des quarante dernières années. Cette situation reflète l’inquiétude des entreprises face à des décisions imprévisibles, susceptibles d’affecter durablement la croissance et l’emploi.
Par ailleurs, la politique protectionniste américaine risque d’aggraver l’inflation. L’augmentation des droits de douane se traduit par une hausse des coûts pour les entreprises. Qui doivent choisir entre répercuter ces charges sur les consommateurs ou réduire leurs marges. Cette double contrainte pourrait affaiblir la consommation et ralentir la croissance. Mettant fin au cycle de prospérité initié ces dernières années.
Renaissance européenne : l’Europe prend son destin en main : vers une autonomie stratégique
Face à ces incertitudes, l’Union européenne, et plus particulièrement l’Allemagne, prend une décision historique en matière de défense et d’investissement. S’appuyant sur les rapports Letta et Draghi, le chancelier allemand Friedrich Merz a décidé d’initier un plan de relance ambitieux avant l’entrée en fonction du nouveau parlement européen. Ce plan repose sur un fonds spécial de 500 milliards d’euros étalé sur dix ans, représentant 11,6 % du PIB, et s’accompagne d’une réforme du “frein à l’endettement” pour exclure les dépenses militaires du calcul de la dette publique.
L’Europe bénéficie également d’une dérogation au pacte de stabilité et de croissance, permettant aux États membres d’augmenter leurs dépenses de défense de 1,5 % du PIB sans risquer de sanctions pour déficit excessif. Si ce dispositif est pleinement exploité, il pourrait entraîner jusqu’’à 650 milliards d’euros de dépenses supplémentaires en quatre ans. En parallèle, un nouvel instrument financier permet d’accorder une facilité de prêt de 150 milliards d’euros, garantie par le budget européen, pour soutenir ces investissements stratégiques.
Impact sur la croissance : un rééquilibrage des dynamiques
Historiquement, la croissance américaine était alimentée par des déficits budgétaires massifs. L’Europe, plus austère, semble aujourd’hui amorcer un changement de cap en adoptant une politique de relance budgétaire inédite. Selon les estimations, ces nouvelles dépenses pourraient accroître les perspectives de croissance de l’Union européenne de 0,3 % à 0,7 % sur les deux prochaines années.
Cependant, l’efficacité de cette relance dépendra en grande partie de la capacité de l’Europe à réduire sa dépendance aux importations pour ses dépenses militaires et à stimuler les investissements privés. Aujourd’hui, près des deux tiers des équipements de défense européens sont importés, limitant ainsi l’impact direct des dépenses sur l’industrie locale.
Marchés financiers : un basculement des tendances
Ces bouleversements ont entraîné des mouvements significatifs sur les marchés financiers. Aux États-Unis, le “Trump Rally” s’est effacé, affectant tant le marché actions que le dollar. L’incertitude entourant les investissements dans le secteur technologique, notamment après le “DeepSeek Moment”, a également pesé sur la confiance des investisseurs.
En revanche, l’Europe connaît un regain d’intérêt. Après des années de sous-performance, les indices européens affichent une reprise marquée, avec une progression de 10 % de l’Eurostoxx contre une baisse de 10 % pour le S&P 500. Cette dynamique est portée par les secteurs financiers, notamment les banques et les assurances, qui surperforment les grandes valeurs technologiques américaines.
Les marchés obligataires européens connaissent également des fluctuations significatives. Le rendement du Bund allemand a bondi de 44 points de base en une semaine, atteignant 2,8 %, un niveau inédit depuis la réunification allemande en 1990. Ce mouvement traduit un ajustement des marchés face à la nouvelle orientation budgétaire de l’Europe.
Vers un nouvel équilibre mondial
Les transformations en cours signalent un tournant majeur dans les équilibres économiques et stratégiques mondiaux. L’Europe, longtemps dans l’ombre des États-Unis, semble prête à jouer un rôle plus autonome et ambitieux. La relance budgétaire européenne, couplée à une réorientation stratégique, pourrait redéfinir le rapport de force transatlantique. Toutefois, la question reste ouverte : l’Europe saura-t-elle transformer cette opportunité en une véritable renaissance économique et géopolitique durable ?
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