Le 30 Mars 2023 : Emmanuel Macron a choisi d’aller le jeudi 30 Mars dans les Hautes-Alpes, sur le lac de Serre-Ponçon, pour présenter un plan destiné à améliorer la gestion de l’eau. Le chef de l’Etat proposera une série de mesures visant à redéfinir, en lien avec les élus et les collectivités territoriales, la politique de gestion de l’eau.
Par Ollivier Le Ny.
Le plan eau
Au sortir d’un hiver particulièrement sec, Emmanuel Macron a présenté jeudi un plan eau dans la commune montagnarde de Savines-le-Lac, sur le lac de Serre-Ponçon, particulièrement touché par la sécheresse l’été dernier.
« Avec le changement climatique, le cycle de l’eau en France a connu d’importantes modifications au cours des dernières décennies », souligne l’Elysée citant divers épisodes de sécheresse comme en 2022, la diminution du niveau des nappes phréatiques et le changement du rythme des pluies.
« Ces changements affectent de nombreux secteurs comme l’agriculture, l’énergie, les loisirs ou l’industrie » et nécessitent de « tendre vers un système plus sobre, plus résilient et mieux concerté », souligne encore la présidence.
« Afin de répondre à ces défis, le chef de l’Etat proposera une série de mesures visant à redéfinir, en lien avec les élus et les collectivités territoriales, notre politique de gestion de l’eau pour l’adapter aux enjeux du changement climatique », ajoute-t-elle. Le président sera accompagné par le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu.
« Préparer l’été prochain », 117 communes avaient été privées d’eau potable en août dernier
Ce plan eau, dont le principe avait été lancé fin septembre après un été caniculaire et la seconde pire sécheresse des sols, aura pour premier objet de « préparer l’été prochain ». Il « pourrait être difficile si la situation météorologique ne s’améliore pas », avec « une vigilance particulière sur la question de l’eau potable ». Avec 117 communes privées d’eau potable en août dernier, 24 départements en vigilance ou faisant l’objet de restrictions fin mars, et 80% des nappes phréatiques sous les normales, l’heure est à la mobilisation.
Son deuxième objectif vise des « transformations en profondeur pour construire des infrastructures adaptées au changement climatique » à l’horizon 2030, a précisé l’Elysée lors d’un brief téléphonique. Il doit présenter une cinquantaine de mesures censées réduire le gaspillage, éviter les conflits d’usage – en premier lieu avec les agriculteurs – et rationaliser une gouvernance encore jugée complexe et incohérente le mois dernier par la Cour des comptes. Il abordera notamment des questions relatives à la réutilisation des eaux usées, aux fuites mais aussi au prix de l’eau.
Ainsi, pour l’association des industriels de l’eau (FP2E), la France pourrait passer à un taux de réutilisation de 10% (quand l’Italie est à 8%, l’Espagne à 14%), d’abord pour des usages urbains (nettoyage des égouts, voiries, usage interne aux stations d’épuration..
Dès le lancement des consultations cet automne, le gouvernement avait rappelé l’ambition fixée aux Assises de l’Eau en 2019 : « réduire les prélèvements de 10% d’ici 2025 et 25% d’ici 2035 », soit plus de 3 puis 8 milliards de mètres cubes d’eau douce d’économies à trouver.
Comment faire avec moins
« Ce plan va s’occuper de quantité – comment on fait avec moins » et « de qualité », avertissait lundi Christophe Béchu.
« Tous les secteurs – industrie, agriculture, tourisme et loisirs, collectivités, particuliers – seront mobilisés, car c’est bien l’ensemble des Français qu’il faut engager pour faire entrer notre politique de l’eau dans une nouvelle ère, celle du changement climatique et donner le cap de la mobilisation pour faire face à ce nouveau défi à l’image de ce qui a été réussi sur l’énergie », a souligné l’Elysée.
Comme pour la sobriété en électricité, réclamée et obtenue cet hiver, un « Ecowatt »de l’eau pourrait-il encourager à réduire les usages domestiques ? Les Français consomment environ 148 litres par jour et par personne, soit le volume d’une baignoire, dont 40% pour l’hygiène corporelle et 20% pour la chasse d’eau.
L’ombre des bassines destinées à l’irrigation
Mais l’un des volets les plus scrutés du plan sera celui concernant l’agriculture, première consommatrice d’eau via l’irrigation (plus de 2 milliards de m3), certes pratiquée seulement sur 7% des surfaces cultivées mais le plus souvent en été, quand la ressource est rare.
Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, initialement annoncé aux côtés du chef de l’Etat, sera finalement au même moment au congrès du syndicat agricole majoritaire FNSEA à Angers. Il devrait d’ailleurs présenter ce jeudi le volet agricole du plan devant les dirigeants du syndicat. Le maintien de sa venue devant la première fédération agricole de France, qui défend notamment le principe des « bassines » destinées à l’irrigation, a été vécu mercredi comme une victoire par les congressistes.
15 milliards d’euros d’investissements
En amont de la présentation du plan du gouvernement, la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E) a estimé ce jeudi que la France a besoin de 15 milliards d’euros sur cinq ans pour adapter la gestion de l’eau au dérèglement climatique.
« On est confronté à une situation de sous-investissement dans les services de l’eau et de l’assainissement depuis des décennies », a estimé sur BFM Business Aurélie Colas, déléguée générale de la FP2E.
Un chiffre qui recouvrirait les investissements des collectivités locales et de l’Etat. Actuellement, on « estime à peu près à 6 milliards (d’euros) les investissements dans les services de d’assainissement tout compris en France par an », a-t-elle indiqué.
« Il faudrait 3 milliards supplémentaires par an pour adapter les services de l’eau et l’assainissement au dérèglement climatique », a martelé Aurélie Colas, pour qui « investir dans les services d’eau » constitue aujourd’hui « une priorité ». La Fédération des entreprises de l’eau dit désormais attendre du plan eau « du très concret ».
Outre les 15 milliards d’euros, elle veut faire sauter les « verrous administratifs » qui existent concernant la « réutilisation des eaux usées traitées ». Pour ce faire, la FP2E réclame notamment « la création au niveau départemental d’un guichet unique pour que les porteurs de projet (de réutilisation des eaux usées) puissent avoir un seul interlocuteur et accélérer les délais d’examen de ces dossiers ».
Agriculture et centrales nucléaires sont des grands assoiffés
La France prélève en moyenne 33 milliards de mètres cubes d’eau par an sur les près de 208 milliards disponibles en moyenne chaque année dans les cours d’eau, les lacs ou les nappes. Mais l’essentiel de la consommation a lieu l’été, quand la disponibilité est au plus bas, provoquant des conflits d’usages voire des pénuries, comme dans les quelque 700 communes privées d’eau lors de la canicule en 2022.
Pour bien mesurer l’usage de l’eau, il faut distinguer les « prélèvements » et la « consommation ». Les prélèvements correspondent à l’ensemble des volumes puisés dans les rivières, les lacs ou les nappes, dont plus de 85% retournent ensuite dans ces milieux aquatiques.
La consommation, c’est la part restante de ces prélèvements, environ 15%, qui sont absorbés par les plantes irriguées, les sols ou qui s’évaporent, interrompant le cycle qui conduisait ces volumes d’eaux vers la mer.
Prélèvements : près de la moitié pour refroidir les centrales nucléaires
– 16,8 milliards de m3 d’eau douce utilisés pour le refroidissement des centrales électriques, essentiellement les centrales nucléaires.
– 5,3 milliards pour l’eau potable.
– 5,2 milliards pour l’alimentation des canaux .
– 2,9 milliards dévolus à des usages principalement agricoles.
– 2,6 milliards pour les autres usages, essentiellement industriels.
Consommation : 4,1 milliards de m3, essentiellement pour l’irrigation et l’eau potable
La consommation d’eau en France s’établit à 4,1 milliards de m3 en moyenne par an sur la période 2010-2019, selon la nouvelle estimation.
L’agriculture reste la première activité consommatrice d’eau avec 58% du total, devant l’eau potable (26%), le refroidissement des centrales nucléaires (12%) et les usages industriels (4%). Cette prévalence de l’agriculture s’explique par le fait que l’eau utilisée pour irriguer les cultures est considérée comme « consommée à 80%