Épargne salariale durable : en pleine saison des assemblées générales, 1200 salariés d’Alstom, Orange, Ubisoft et de vingt autres entreprises se lèvent pour dénoncer l’inaction de leur gestionnaire d’actifs face aux préoccupations environnementales. Ils s’insurgent contre les investissements néfastes pour le climat réalisés avec leur épargne salariale et se disent prêts à se mobiliser dans leurs entreprises pour changer de gestionnaire d’épargne.
Une mobilisation inédite et intersyndicale
La lettre collective et l’inaction d’Amundi
Depuis plusieurs mois, les salariés d’une vingtaine d’entreprises, dont Alstom, Orange et Ubisoft, s’organisent pour alerter sur l’impact climatique de leurs investissements. En avril 2024, 1200 salariés ont envoyé une lettre collective à Amundi, le principal gestionnaire d’épargne salariale en France, filiale du groupe Crédit Agricole, pour exiger des actions concrètes. Les signataires demandent à Amundi de cesser d’investir dans des entreprises développant de nouveaux projets d’extraction fossile et de sanctionner les entreprises européennes majeures dans ce secteur, notamment TotalEnergies, BP et Shell, en votant contre le renouvellement de leurs administrateurs et leurs plans climat lors des assemblées générales.
Les demandes des salariés : réalistes mais ambitieuses
Ouahcène Ourahmoune, co-fondateur du Collectif « Planet-A » au sein d’Alstom, souligne : “Nos demandes sont ambitieuses, mais réalistes. Nous n’appelons pas Amundi à se retirer de tous les actifs financiers qu’il détient dans ces entreprises climaticides, mais bien à utiliser les leviers à sa disposition pour freiner l’expansion fossile.” Les salariés affirment qu’en l’absence de réponse d’Amundi, ils n’hésiteront pas à se mobiliser lors des votes sur le renouvellement du gestionnaire d’épargne salariale pour s’opposer à sa reconduction.
La contradiction d’Amundi : des promesses sans actes
Une réponse insuffisante aux enjeux climatiques
Bien qu’Amundi ait répondu à la lettre des salariés, aucune mesure concrète n’a été prise pour répondre à leurs demandes. Le gestionnaire d’actifs se prétend engagé pour soutenir la transition économique française et européenne et affirme voter contre les stratégies non alignées avec l’Accord de Paris. Toutefois, les actes manquent à l’appel : en 2023, Amundi a voté en faveur de la stratégie climatique de TotalEnergies, qui prévoit de nombreux nouveaux projets de pétrole et de gaz à travers le monde. De plus, selon le rapport de l’ONG Reclaim Finance, plus de 90% des fonds d’épargne salariale gérés par Amundi sont investis dans des entreprises développant de nouveaux projets fossiles.
Le poids des investissements climaticides
Pour Hélène Marcy, Déléguée syndicale CFE-CGC chez Orange, “Nos avoirs bancaires et notre épargne ont une empreinte carbone significative, souvent supérieure à celle générée par nos modes de vie. Nos entreprises s’efforcent de réduire leurs impacts environnementaux, mais proposent inconsciemment des fonds qui aggravent le dérèglement climatique.” Cette contradiction entre les efforts des entreprises pour la transition écologique et les choix d’investissement de leurs gestionnaires d’épargne salariale renforce la frustration des salariés.
Le pouvoir des salariés sur leur épargne
Redonner du contrôle aux épargnants
Pierre-Etienne Marx, élu CSE du Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo chez Ubisoft, exprime une préoccupation majeure : “Les travailleurs sont encouragés à investir leurs primes dans des fonds d’épargne salariale, mais nous perdons le contrôle sur la nature des placements effectués et les objectifs de ces investissements. Une première étape serait de donner aux salariés un pouvoir de décision sur les impacts écologiques de leur épargne salariale.” Cette revendication souligne l’importance de la transparence et du contrôle des salariés sur leurs investissements.
Vers une épargne salariale durable responsable
Pour Alexandre Dumange, Représentant Syndical Printemps Écologique chez Ubisoft, “Si notre épargne salariale a aujourd’hui un impact environnemental néfaste, elle peut aussi être un levier de transformation des entreprises et de l’économie si elle finance des projets pertinents pour un développement durable.” Les salariés appellent Amundi à rendre l’épargne salariale plus transparente, à voter lors des assemblées générales en tenant compte des préoccupations écologiques et sociales des salariés, et à proposer des fonds alignés avec ces attentes.
À la veille de son assemblée générale, les 1200 salariés demandent une nouvelle fois à Amundi d’aligner ses pratiques d’investissement sur les enjeux climatiques et sociaux, en particulier lors de l’assemblée générale de TotalEnergies le 24 mai. Ils souhaitent que leur épargne soit un moteur de la transition écologique et sociale, répondant ainsi aux attentes des salariés et contribuant à un avenir plus durable.
Bruno Boggiani, expert en finance durable, résume l’enjeu de cette mobilisation : “Les salariés ont un rôle crucial à jouer pour orienter les investissements vers des pratiques plus durables. Leur mobilisation peut inciter les gestionnaires d’actifs à adopter des politiques d’investissement responsables et à jouer un rôle actif dans la transition écologique.”
A lire aussi : Goldman Sachs fracture le plafond : 7 Milliards de dollars levés pour le crédit immobilier