Au sein de la gestion d’actifs, l’allocation d’actifs est considérée de manière consensuelle comme le premier facteur de performance de long terme, au même titre que la gestion du risque. Pour autant, le lien entre allocation d’actifs et pratiques d’investissement responsable reste peu évalué tant par les praticiens du secteur que par la recherche académique en finance.
Le contexte actuel va-t-il devenir plus favorable à l’intégration des critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance
(ESG) dans le processus d’allocation d’actifs ?
Les investisseurs institutionnels – assureurs, banques, fonds de pension – et notamment leur activité relative à l’allocation d’actifs et à l’analyse ALM, sont encadrés par des dispositions réglementaires européennes. Celles-ci
introduisent des contraintes techniques dans la mesure du risque qui peuvent rendre difficile l’intégration de scénarios climatiques, en raison notamment d’horizons différents, de calcul de Value at Risk sur courte période, ou bien de données sous-jacentes parcellaires et/ou
seulement historiques.
À ce cadre règlementaire, s’ajoute également un cadre comptable spécifique à chaque institution qui rajoute une dimension en termes de pilotage de l’allocation d’actifs.
Néanmoins, ces dispositions n’empêchent pas une intégration volontaire du risque climatique dans les paramètres d’allocation, par exemple en considérant les émissions absolues induites dans les portefeuilles,
l’intensité carbone des différentes classes d’actifs et des scénarios permettant de quantifier les risques de transition et/ou les risques physiques.
«Il y a un vrai enjeu pour les fonctions Investissements et Risques à
s’approprier les métriques et scénarios climat pour toujours mieux gérer
les risques et considérer la gestion de l’impact à la fois environnemental et
social comme une réelle valeur ajoutée. » Laurence Danesi, Responsable intégration ESG-Climat, Generali France – Investissements
La dimension de gestion des risques demeure fondamentale
Le changement climatique devient un nouveau pilier des risques et des Principes de la Personne Prudente que les assureurs se doivent d’appliquer, au même titre que les risques financiers traditionnels (de marché, de
liquidité, de duration…).
Quelques pistes de réflexion :
- Doit-on différencier les risques ESG selon que les approches de gestion sont passives ou actives ?
- Quelle hiérarchie des risques adopter : au niveau du portefeuille global ou de chaque émetteur sousjacent ?
- Comment conserver une pleine diversification des classes d’actifs et des secteurs d’activité ?
- Comment construire la dimension prospective de l’analyse : scénarios et stress testing ?
Le distinguo entre actifs cotés et non cotés
De façon schématique, la répartition des actifs des investisseurs institutionnels se fait à 90% dans des classes d’actifs dites traditionnelles (obligations d’États et d’entreprises, actions), et à 10% dans des actifs dits
« réels », souvent non cotés, qui présentent un profil de liquidité et des horizons d’investissement différents : immobilier, infrastructure, dette privée, private equity.
Pour tenir compte de cette réalité, ne devrait-on pas adopter des approches spécifiques pour chacune des classes d’actifs traitées ?
Les nouveaux indices « EU Climate transitions » et « EU Paris-aligned » pour les actifs cotés
Le développement de ces indices actions récemment proposés par l’Union Européenne est une initiative de standardisation positive. En effet, ces benchmarks « climat » intègrent des objectifs spécifiques relatifs
à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et à la transition énergétique, sur la base des travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ces benchmarks peuvent servir d’outils de pilotage et de comparaison dans le cadre d’une stratégie d’allocation d’actifs et/ou d’aide dans le cadre d’une politique d’engagement ciblée sur les sujets climatiques.
IRCANTEC
Accompagné de différentes sociétés de conseil, l’Ircantec mesure et publie depuis 2015 plusieurs indicateurs traduisant le double-impact du changement climatique sur les réserves du régime, et le positionnement de ses investissements pour favoriser la transition énergétique et écologique.
Pour l’Ircantec, l’enjeu actuel est d’avoir une position plus « dynamique » dans l’usage de certains de ces indicateurs, notamment :
• En les intégrant dans le modèle d’allocation stratégique 2020-2024 par secteurs économiques et classes d’actifs au même titre que le couple rendement-risque;
• Ou, à défaut, en fixant des niveaux sectoriels d’intensité carbone à 2024 (renouvellement de l’allocation stratégique) compatibles avec un scénario 2°C. Cela équivaudrait aux cibles intermédiaires demandées par les investisseurs aux émetteurs et, par ailleurs, permettrait aux gérants de s’en servir, parmi d’autres outils, pour mesurer leur alignement.