La géopolitique du pétrole : comment l’or noir façonne les puissances et fragilise les empires

nouveau pétrole

Le pétrole demeure l’un des moteurs silencieux de l’histoire contemporaine. Il nourrit les économies, alimente les conflits, bouleverse les alliances et provoque des crises planétaires. Des États-Unis à la Russie, de l’Arabie Saoudite à l’Iran, du Venezuela à la Chine, les stratégies énergétiques ont souvent déterminé la prospérité ou la chute de nations entières.
Derrière l’or noir, il y a des choix politiques, des dépendances économiques et des luttes d’influence qui ont dessiné le XXᵉ siècle et qui continuent de peser lourd au XXIᵉ.

Ceci est un extrait d’une interview, sélectionné par votre média Green Finance, qui donne la parole à tous, même si cela peut vous déplaire et nous déclinons toutes responsabilités sur la source et les propos de cet extrait.

Naissance d’un pouvoir : l’alliance pétrolière américano-saoudienne

Le pétrole, enjeu central dès 1945

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis identifient rapidement la péninsule arabique comme une zone stratégique pour garantir leur approvisionnement énergétique et contenir l’influence soviétique. Washington voit dans le Moyen-Orient un double intérêt : un accès direct aux plus vastes réserves mondiales et une position géopolitique clé.

Les dirigeants américains encouragent alors l’émergence d’un partenaire fiable dans la région. La dynastie saoudienne, encore peu influente, devient un allié idéal. Ses ressources sont immenses, mais son appareil d’État reste fragile. Les États-Unis soutiennent donc la consolidation du pouvoir saoudien en échange d’un accès privilégié au pétrole.

Un pacte fondateur : protection militaire contre stabilité énergétique

En février 1945, un accord secret scelle cette coopération. Il repose sur un échange simple : les États-Unis assurent la sécurité du royaume saoudien. En contrepartie, l’Arabie Saoudite garantit à Washington une relation stable fondée sur l’approvisionnement pétrolier.
Ce pacte deviendra l’un des piliers les plus durables de la géopolitique moderne.

Pour transformer les réserves en pétrole exploitable, Riyad s’appuie sur l’expertise américaine. L’entreprise qui domine l’exploitation met en place des infrastructures, finance les puits et extrait le brut à grande échelle. Le pétrole saoudien commence alors à couler vers l’Occident.

La naissance de l’OPEP et le basculement des années 1970

L’affirmation des États producteurs

Dans les années 1960, les États du Moyen-Orient souhaitent reprendre le contrôle de leurs ressources. Ils estiment que les compagnies occidentales imposent des prix trop bas. L’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Irak, le Koweït et le Venezuela fondent alors l’OPEP. Leur objectif est clair : s’unir pour peser davantage sur les marchés mondiaux.

Pendant plusieurs années, cette organisation cherche à réguler les prix et à accroître les bénéfices de ses membres. Mais l’événement majeur se produit en 1973, lorsque la guerre du Kippour éclate. Les pays arabes décident un embargo sur les exportations destinées aux alliés d’Israël, dont les États-Unis et plusieurs pays européens.

Le premier choc pétrolier : un séisme économique mondial

Le baril voit son prix multiplié par quatre. Pour les pays occidentaux, habitués au pétrole bon marché, c’est un choc sans précédent. L’inflation grimpe. L’industrie ralentit. Les gouvernements prennent conscience de leur vulnérabilité énergétique.

L’OPEP apparaît dès lors comme un acteur capable de faire vaciller l’économie mondiale. Ce basculement ouvre une nouvelle ère où le pétrole s’impose comme une arme diplomatique et géopolitique.

L’effondrement soviétique : quand l’économie s’écroule avec le prix du pétrole

Une dépendance économique fatale

Au milieu des années 1980, le prix du baril chute brutalement. L’Union soviétique, dont l’économie repose largement sur les exportations d’hydrocarbures, voit ses revenus fondre. Les pénuries alimentaires s’aggravent. Les files d’attente deviennent quotidiennes.

La population découvre alors l’ampleur de la crise. Le discours officiel vantant les performances du système socialiste ne convainc plus. Les autorités ne peuvent plus acheter de nourriture à l’étranger pour compenser la baisse de production intérieure.

Des réformes imposées et un empire qui implose

Face à la crise, des réformes sont engagées. Mais elles déstabilisent encore davantage un système déjà fragilisé. L’URSS s’effondre au début des années 1990. Beaucoup d’historiens estiment que sans la chute du prix du pétrole, la fin de l’Union soviétique aurait été très différente.

Depuis, la Russie reste dépendante de ses ressources fossiles. Le pétrole, le gaz et le charbon représentent une part majeure de ses exportations et un pilier essentiel de son budget. Malgré la création d’un fonds souverain colossal, la stabilité du pays reste liée au prix du baril.

Pétrole et conflits : du Golfe à l’Arctique, un instrument de puissance

L’invasion du Koweït et le retour du pétrole au centre des tensions

En 1990, l’Irak envahit le Koweït pour s’approprier ses gisements. L’opération menace directement l’Arabie Saoudite et met en péril une part considérable des réserves mondiales. Les puissances occidentales réagissent immédiatement. La coalition menée par les États-Unis lance une intervention massive.

Les marchés réagissent aux menaces et aux bombardements. Le prix du pétrole bondit puis retombe dès que la coalition montre sa supériorité militaire. Malgré les incendies de puits et les destructions, l’arme pétrolière échappe au régime irakien.

La Chine, nouvel acteur déterminant

Dans les années 2000, la Chine devient l’un des moteurs de la demande mondiale. Sa croissance rapide exige des quantités considérables d’énergie. Le pays dépasse les anciens grands consommateurs et redéfinit les flux mondiaux.
Cette poussée contribue à l’envolée du prix du baril en 2008, un pic historique.

L’ère du pétrole non conventionnel : fracturation hydraulique et bouleversement global

Le boom du pétrole de schiste aux États-Unis

La fracturation hydraulique change la donne. Cette technique permet d’exploiter des gisements de schiste auparavant inaccessibles. Dès 2008, la production américaine décolle. En quelques années, les États-Unis deviennent le premier producteur mondial.
Ils exportent même du pétrole pour la première fois depuis quarante ans.

Mais cette technique est contestée. Elle utilise des produits chimiques toxiques, menace les nappes phréatiques et dégrade les paysages. Elle entraîne aussi un débat politique intense, notamment autour des réglementations environnementales.

Des conséquences mondiales

L’arrivée massive du pétrole américain entraîne une baisse des prix. Plusieurs pays producteurs voient leurs revenus diminuer. Les équilibres géopolitiques traditionnels changent. Les tensions augmentent entre partisans du développement énergétique et défenseurs de l’environnement.

Vers la transition : choc sanitaire, crise climatique et avenir incertain

La pandémie de 2020 : une rupture brutale

La crise du Covid-19 met l’économie mondiale à l’arrêt. La demande s’effondre. Le baril chute à un niveau jamais vu. Les producteurs paient pour se débarrasser de leurs stocks, faute d’espace de stockage.
La crise révèle la fragilité d’un modèle trop dépendant des énergies fossiles.

Le défi climatique face à une industrie puissante

Le pétrole, le gaz et le charbon restent les principales sources de gaz à effet de serre. Leur combustion libère des volumes massifs de CO₂ et de méthane. Des documents internes montrent que certaines compagnies pétrolières connaissaient depuis les années 1980 les risques climatiques liés à leurs activités, mais ont préféré semer le doute plutôt que d’alerter le public.

Aujourd’hui, aucune grande puissance ne remet totalement en cause l’importance du pétrole, mais la transition énergétique est désormais incontournable. Les débats s’intensifient. Les investissements basculent progressivement vers les énergies renouvelables.

Conclusion

Depuis plus d’un siècle et demi, le pétrole façonne le monde. Il a déclenché des guerres, créé des fortunes, renversé des régimes et bouleversé l’économie mondiale. Les alliances internationales, les rivalités entre puissances et les crises économiques portent toutes l’empreinte de l’or noir.

L’avenir dépendra de la rapidité avec laquelle les sociétés réussiront à s’en détacher. La transition énergétique n’est plus une option. Elle conditionne désormais la stabilité économique, la sécurité géopolitique et la survie climatique de la planète.

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