LA LETTRE D’EDOUARD CARMIGNAC

Le pessimisme précédent semble injustifié, car les incertitudes ont diminué ces dernières semaines. Les principaux sujets de préoccupation sont : la lutte contre l’inflation des banques centrales, les risques géopolitiques en Europe et le réveil de l’économie chinoise. La contraction des liquidités et la baisse de l’activité liées aux politiques monétaires restrictives sont moins préoccupantes en raison de la menace d’une crise financière aux États-Unis. La détérioration des conditions financières rend difficile la poursuite de la hausse des taux par la Fed, reléguant la lutte contre l’inflation au second plan. La gestion des actifs peut bénéficier de la baisse des taux réels, d’un ralentissement modéré aux États-Unis, d’une revalorisation de l’euro par rapport au dollar et de l’or en cas de croissance modérée et d’inflation. Les perspectives en Europe pourraient être favorisées par un moindre durcissement de la politique monétaire américaine et une possible résolution de la crise énergétique européenne en cas de changement en Russie. Le réveil de l’économie chinoise pourrait également entraîner un regain d’intérêt pour les valeurs chinoises si la politique économique de la Chine devenait moins autarcique. Les incertitudes pesant sur les perspectives d’investissement se dissipent et pourraient même apporter des développements favorables inattendus.

EDOUARD CARMIGNAC

Paris, le 19 avril 2023

Madame, Monsieur,

Il y a six mois déjà, je vous écrivais que le pessimisme ambiant ne me semblait pas justifié. Si les principaux foyers d’incertitude recélaient – et recèlent encore – bien des opportunités sousjacentes, leur accumulation était une incitation à la prudence. Qu’en est-il aujourd’hui ? Les incertitudes portent encore principalement sur les mêmes foyers mais leur ombre projetée nous semble s’être réduite ces dernières semaines. Pour mémoire, les sujets de préoccupation se focalisent autour des trois pôles suivants : • La lutte contre l’inflation des banques centrales. La conduite de politiques monétaires restrictives des deux côtés de l’Atlantique ayant pour double effet une contraction des liquidités et une baisse de l’activité, quelle doit en être l’ampleur pour réduire significativement les anticipations inflationnistes ? Nous écartions -et continuons à écarter- le risque d’une récession sévère, tant la tolérance politique à une vive hausse du chômage est réduite. Cependant, le risque d’un fort ralentissement induit par la poursuite de politiques monétaires restrictives a été considérablement amoindri par la menace d’une crise financière aux EtatsUnis. En effet, la brutale hausse des taux met en posture délicate les nombreuses banques de taille moyenne outre-Atlantique, suscitant à la fois une contraction de leurs dépôts et une dégradation de la valeur de leurs actifs. Il est vraisemblable que ces banques, qui à elles seules génèrent près de 50% des crédits, restreignent sévèrement leur activité. Cette détérioration significative des conditions financières rend plus que problématique la poursuite de la hausse des taux par la FED, mettant ainsi au second plan la lutte contre l’inflation.

Quelles conséquences pour la gestion des actifs ? La poursuite de la baisse des taux réels conjointement à la perspective d’un ralentissement modéré aux Etats-Unis, favorisera les actions à bonne visibilité, une revalorisation supplémentaire de l’euro contre le dollar, sans oublier l’or, bénéficiaire d’un scénario de croissance modérée avec maintien d’un taux d’inflation non négligeable.

L’Europe et les risques géopolitiques. Si la valorisation des actifs européens sera incontestablement favorisée par un moindre durcissement de la politique monétaire américaine, l’essentiel est peut-être ailleurs. L’offensive ukrainienne que nous attendons au cours des prochaines semaines, si elle est victorieuse, comme nous l’envisageons, fragiliserait davantage le mandat de V. Poutine, rendant possible une révolution de palais. Il pourrait en résulter une résolution durable de la crise énergétique européenne et une réduction notable des pressions inflationnistes affectant nos économies.

Le réveil de l’économie chinoise. Déjouant nos attentes, la sortie de la Chine de sa politique zéro covid ne se traduit pas par un regain d’activité à la mesure des privations dont le consommateur chinois notamment a fait l’objet pendant près de deux années. Les valeurs chinoises pourraient néanmoins faire l’objet d’un net regain d’intérêt si un changement de leadership en Russie incitait Xi Jinping à mener une politique moins autarcique avec une libéralisation plus prononcée de l’économie chinoise.

Ainsi, les incertitudes pesant sur les perspectives d’investissement depuis octobre dernier continuent à être levées et pourraient même donner lieu à des développements favorables inattendus. Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de ma considération choisie.

Edouard Carmignac