Le 13 décembre 2022 : Compétences et formation des administrateurs, comité dédié, rémunérations des dirigeants : cette année, l’Autorité des marchés financiers consacre l’étude de son rapport à la prise en compte de la responsabilité sociale et environnementale par le conseil d’administration.
La responsabilité sociale et environnementale
Dans une communication au Parlement, la Commission européenne avait défini, dès 2011 la responsabilité sociale et environnementale (RSE) comme « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société ». Cette démarche des entreprises, visant à prendre en compte les enjeux environnementaux, sociaux, éthiques et de développement durable dans leurs activités, est de plus en plus encadrée par des règles.
À compter de 2024, la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive ou CSRD en anglais) va renforcer considérablement les exigences en matière d’information sur les questions Environnementales, Sociales et de Gouvernance (ESG). Des normes présentant les informations générales à fournir sur les sujets de durabilité (stratégie, gouvernance, évaluation des impacts, risques et opportunités), ainsi que des normes spécifiques définissant les informations à fournir pour chaque thématique E, S et G sont attendues.
Les attentes des investisseurs et de la société civile sont également plus exigeantes
Dans son rapport annuel sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, l’AMF s’est intéressée plus particulièrement à la prise en compte, par le conseil d’administration et ses comités, de la responsabilité sociale et environnementale à partir d’un échantillon de 50 sociétés cotées (dont 35 appartenant à l’indice CAC 40).
L’attention portée à la compétence et à la formation des administrateurs dans le domaine de la RSE en est l’une des manifestations les plus visibles. Parmi les pratiques observées, l’AMF souhaite encourager la publication par les sociétés d’une présentation individualisée des compétences des administrateurs, la définition des compétences exigées en fonction du type de comité et la transparence sur le niveau de satisfaction de ces exigences. Une autre bonne pratique consiste à prévoir des formations régulières sur des sujets pertinents pour la société ou un programme de formation pour les administrateurs venant d’être nommés. La désignation, parmi les administrateurs, d’un référent spécialisé en RSE peut être un moyen pour le conseil d’administration d’approfondir ses travaux sur un sujet RSE donné, le climat par exemple. Dans les sociétés ayant désigné au sein de leur conseil d’administration plusieurs interlocuteurs privilégiés en matière RSE, il est important de clarifier les rôles respectifs de chacun.
L’AMF constate que 82 % des sociétés de l’échantillon ont mis en place un comité en charge de la RSE. Si son rôle n’est pas strictement identique d’une société à l’autre, il est généralement en charge de la revue de la stratégie et, fréquemment, de la revue des reportings extra-financiers et des critères de la rémunération des dirigeants. 73 % des comités RSE traitent également des questions et problématiques climatiques. Lorsque le conseil d’administration inscrit une résolution climatique à l’ordre du jour de l’assemblée générale des actionnaires, l’AMF recommande que le comité RSE, lorsqu’il existe, y apporte une contribution et que la société rende compte de cette contribution. De son côté, le comité d’audit est appelé à examiner les risques financiers. Pourtant, seules 20 % des sociétés étudiées évoquent, dans les comptes rendus des travaux de ce comité, le rôle qu’il joue dans le suivi en matière climatique. L’AMF encourage les entreprises à publier des informations permettant aux investisseurs de comprendre précisément le rôle joué par le comité d’audit dans l’élaboration de l’information extra-financière et dans l’évaluation des risques extra-financiers.
Dans le cadre de son analyse de l’information sur les rémunérations des dirigeants, l’AMF s’est également intéressée à la prise en compte de la RSE. Elle fait le constat que la part des critères non-financiers progresse dans la politique de rémunération 2022 : celle-ci représente 26 % des critères de la rémunération variable annuelle et 21 % des critères de la rémunération variable de long terme dans les sociétés de l’échantillon. Les critères et sous-critères de performance RSE sont généralement décrits en détail. L’AMF rappelle que le code AFEP-MEDEF prévoit que les sociétés s’assurent du caractère exigeant des critères utilisés. Parmi les plus fréquemment utilisés, figurent un indicateur « climat » de réduction des émissions de gaz à effet de serre et un indicateur de mixité. Le rapport présente un certain nombre de bonnes pratiques permettant d’assurer la fiabilité de ces critères.
Par ailleurs, l’AMF effectue plusieurs constats en matière de gouvernance d’entreprise et de rémunérations des dirigeants concernant notamment la qualification d’administrateur indépendant, la présence de salariés au sein du comité des rémunérations, l’indemnité de prise de fonctions ou encore certaines rémunérations exceptionnelles. Comme les années précédentes, les meilleures pratiques de certaines sociétés leur sont attribuées nominativement. S’agissant des pratiques jugées perfectibles, le rapport nomme les sociétés qui n’appliquent pas une recommandation du code AFEP-MEDEF, une recommandation du Haut conseil de gouvernement d’entreprise ou une recommandation de l’AMF, sans justifier cet écart ou fournir d’explications suffisamment circonstanciées et adaptées, conformément au principe « appliquer ou expliquer ».
L’édition 2022 est aussi l’occasion de présenter les évolutions réglementaires des douze derniers mois en matière de gouvernance et de rémunérations des dirigeants. Parmi celles-ci, le document présente, par exemple, les évolutions significatives sur le sujet de la parité avec l’accord politique trouvé entre le Conseil et le Parlement européens sur une nouvelle législation destinée à favoriser une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration. Il revient également sur les dispositions de la loi « Rixain » en France visant à renforcer la mixité au sein des instances dirigeantes. Les travaux de transposition de la seconde directive européenne sur les droits des actionnaires sont également abordés.
La dernière partie du rapport est consacrée à l’information rendue publique par les conseillers en vote, auxquels les investisseurs institutionnels ont fréquemment recours pour leur analyse des projets des résolutions soumises au vote des actionnaires lors des assemblées générales. Pour cette partie, l’AMF a interrogé 24 investisseurs français. Ces derniers se disent satisfaits des services rendus par les conseillers en vote, tout en exprimant un besoin croissant de données environnementales, sociales et sociétales ou de gouvernance et de services associés. Ils mettent également en avant quelques pistes d’amélioration de l’information, par exemple sur les critères de rémunération des dirigeants, sur le vote sur le climat. Ces pistes s’adressent aux conseillers en vote comme aux sociétés cotées. Les délais de mise à disposition des recommandations de vote restent un point d’attention majeur.