Faute d’adopter la bonne méthodologie, les mesures d’empreinte carbone peuvent induire l’investisseur en erreur.
La mesure de l’intensité carbone d’un portefeuille est un exercice délicat, qui peut se révéler trompeur et conduire un investisseur à miser malgré lui sur des sociétés polluantes au détriment de champions de la transition climatique.
Selon les méthodologies admises, on commence par décomposer les émissions de gaz à effet de serre d’une entreprise en trois grandes catégories d’émissions. La première, Scope 1, correspond aux émissions directes de gaz à effet de serre provenant des activités de l’entreprise. Le Scope 2 fait référence aux émissions indirectes associées à l’électricité qu’elle achète et utilise. Enfin, le Scope 3 regroupe d’autres émissions indirectes issues d’activités qu’elle ne contrôle pas, notamment dans sa chaîne logistique amont ou découlant de l’utilisation de ses produits.
Les émissions de la troisième catégorie sont les plus difficiles à mesurer tant les facteurs en jeu sont nombreux. La plupart des sociétés se contentent de publier des émissions relevant des Scope 1 et 2, qui sont aussi souvent les seules à être prises en compte par les indices servant de référence aux ETF et fonds indiciels estampillés « low carbon ».
Mais cette pratique achoppe sur une réalité: dans certains secteurs, les émissions Scope 3 s’avèrent bien plus élevées que celles des Scopes 1 et 2. Selon Morgan Stanley, les émissions Scope 3 des majors pétrolières européennes sont ainsi huit fois plus importantes que l’addition des Scope 1 et 2.
Autre écueil méthodologique, les indices bas carbone n’intègrent pas les émissions évitées du fait de l’utilisation des produits ou services d’une société, une dimension pourtant essentielle de son impact environnemental.
Le secteur des énergies renouvelables est un bon exemple. Selon MSCI, l’intensité carbone du Chinois Xinyi Solar Holdings, l’un des premiers fabricants au monde de verre solaire, atteint 1’627 tonnes de CO2 par million de dollars de chiffre d’affaires alors qu’elle n’est que de 218 pour le pétrolier Royal Dutch Shell.
Sur la base de ces données, un investisseur désireux de minimiser l’empreinte carbone de son portefeuille aura tendance à écarter Xinyi Solar, ignorant ainsi sa contribution à la transition énergétique. Il lui préférera l’entreprise anglo-néerlandaise, dont l’empreinte, en incluant les émissions générées par l’utilisation de ses produits, est plusieurs fois supérieure au chiffre fourni par MSCI.
Dans d’autres secteurs, tels que la gestion des déchets, le traitement de l’eau ou les services aux collectivités, de nombreuses sociétés développent des solutions favorisant la transition bas carbone tout en générant des émissions directes significatives. A contrario, la production de beaucoup d’entreprises nuit à l’environnement, alors même qu’elles publient des bilans carbones flatteurs.
Il n’y a donc rien d’étonnant à retrouver des sociétés telles que Caterpillar, Valero Energy, Rio Tinto ou Halliburton dans l’ETF « bas carbone » d’un fournisseur en vue, le fabricant d’éoliennes Vestas n’y figurant, lui, qu’avec une infime pondération.
Beaucoup d’investisseurs institutionnels ont appris à aller au-delà des seules données carbone de base pour contourner cet obstacle lors de leur sélection de fonds. Parce qu’ils n’ont pas accès à tout l’éventail des ressources, les particuliers risquent en revanche de faire fausse route.
Tant que la collecte, le suivi et la mesure des données carbone n’auront pas gagné en fiabilité et en exhaustivité, le secteur de la gestion d’actifs a le devoir d’exercer un œil critique. A lui de faire connaitre les méthodologies capables de prendre en compte toutes les dimensions de l’impact environnemental d’un portefeuille et d’aider les investisseurs à faire preuve de discernement.
Une analyse d’UBP