Totalement dépréciée en bourse, mise en danger par de multiples affaires judiciaire sur le glyphosate, l’entreprise Bayer est en train de payer très cher le rachat de l’américain Monsanto.
Lors de l’Assemblée générale du groupe, les actionnaires en sont venus à voter contre la direction, désavouant complètement la stratégie du PDG qui a sous-estimé les risques associés à cette fusion.
Lors de l’Assemblée générale du groupe vendredi 26 avril, les actionnaires de Bayer ont infligé au groupe
chimique allemand un rare désaveu en votant contre sa direction. Cela fait suite au très coûteux rachat de
Monsanto en juin 2018. Les investisseurs ont rejeté à 55,5 % les “actions du directoire”. Le scrutin n’est pas
contraignant pour Bayer, mais contraste fortement avec le plébiscite accordé l’an dernier encore à la direction,
avec 97% d’approbation.
La réunion s’est déroulée pendant treize heures à Bonn dans un climat inhabituellement houleux, à la fois dans
la salle et à l’extérieur alors que plusieurs centaines de manifestants écologistes protestaient contre les effets
des néonicotinoïdes “tueurs d’abeilles” et du glyphosate, des produits dans le catalogue de Monsanto. .
Les investisseurs sont alarmés par la chute de près de 40 % du cours de Bourse de Bayer depuis le rachat de
Monsanto, à mesure que s’accumulaient les ennuis judiciaires. L’année écoulée “a été un cauchemar pour les
actionnaires” et “le cours de Bourse nous promet des nuits sans sommeil”, a déploré Mark Tümmler, de la
fédération d’investisseurs DSW.
Un risque sous-estimé
Le patron Werner Baumann a une nouvelle fois défendu son pari historique de débourser 63 milliards de dollars
pour le géant des semences et des OGM, après deux ans d’efforts pour convaincre les autorités de la
concurrence. À long terme, Bayer table sur le soutien croissant de la chimie à l’agriculture pour nourrir une
population mondiale toujours plus nombreuse, alors que le changement climatique perturbe déjà les terres
arables.
Pour Wermer Baumann, la pertinence économique du mariage reste intacte, puisque le groupe fusionné détient
“des activités leader dans la protection chimique et biologique des récoltes, les semences conventionnelles et
biotech, et l’assistance numérique à l’agriculture”. Mais la lune de miel des deux groupes a coïncidé avec deux
condamnations retentissantes prononcées aux États-Unis en raison du caractère “cancérogène” de RoundUp.
Dans le premier cas, pour lequel Bayer a fait appel, la condamnation s’élève à 81 millions d’euros… et 13 400
requêtes similaires sont en cours.
“La direction de Bayer a totalement sous-estimé les risques juridiques de son accord avec Monsanto”, critiquait
vendredi Janne Werning, du fonds Union Investment, citée par l’agence allemande DPA. Cette pluie de
procédures fait “porter une lourde charge à notre compagnie et inquiète de nombreuses personnes”, a d’emblée
concédé le PDG de Bayer, qui demeure pourtant “optimiste” sur le front judiciaire.
Un géant transformé en nain
Bayer espère que les cours d’appel saisies dans les deux premiers dossiers américains “rendront des décisions
différentes”, “basées sur l’analyse scientifique et non sur l’émotion”, a plaidé le dirigeant.
Depuis sa déconfiture boursière, l’inventeur de l’aspirine n’est plus valorisé qu’à 57 milliards d’euros environ, soit
à peine moins que le prix consenti pour avaler sa cible. “En l’espace de deux ans, l’ancien géant
pharmaceutique s’est mué en nain”, et risque désormais “d’être absorbé et démantelé” par un
prédateur, s’inquiète Ingo Speich, de la banque Deka. Pour Werner Baumann, la désaffection actuelle des
investisseurs pour le titre est “exagérée” et ne reflète pas la “valeur réelle” du groupe.
Du côté de l’ONG de SumOfUS qui a mené de nombreuses actions en marge de l’Assemble générale, on se
réjouit de ce vote “totalement inattendu”, malgré les recommandations de plusieurs agences en conseil de
votes, dont Glass Lewis, de ne pas voter les décisons de la direction.
Pour Anne Isakowitsch, responsable de campagnes, “La quête impitoyable de profits de Baumann rend de plus
en plus d’actionnaires mal à l’aise. Le vote d’aujourd’hui est sans précédent et plus qu’un simple avertissement
pour la direction de Bayer, c’est un signal d’alarme. Bayer était autrefois une entreprise réputée pour guérir les
gens de la maladie – aujourd’hui, avec l’acquisition de Monsanto, elle va être connue comme la multinationale
qui empoisonne les gens”.
Ludovic Dupin avec AFP – Novethic