La Science-based targets Initiative (SBTi), érigée en référence pour l’action climatique des entreprises, a récemment suscité des débats intenses en raison de sa décision de comptabiliser les crédits carbone comme des réductions d’émissions. Cette orientation, qualifiée de greenwashing par certains, soulève des questions cruciales quant à la crédibilité scientifique et à l’efficacité des actions entreprises pour lutter contre le changement climatique.
La tentation du greenwashing chez SBTi
Depuis sa création en 2015, la Science Based Target Initiative (SBTi) a joué un rôle crucial dans la mobilisation des entreprises pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Cependant, la récente décision du Board of Trustees d’autoriser l’utilisation des crédits carbone pour atteindre les objectifs de réduction du scope 3 d’une empreinte carbone a soulevé des préoccupations quant à la pertinence et à la rigueur de cette approche.
La principale critique adressée à cette décision est qu’elle pourrait inciter les entreprises à choisir la voie de la facilité en se reposant sur l’achat de crédits carbone plutôt que sur des actions concrètes de réduction de leurs propres émissions. Cette facilité apparente risque de compromettre la crédibilité des engagements pris par les entreprises en matière de transition écologique, alimentant ainsi le phénomène de greenwashing.
SBTi : séduits par la facilité
En effet, en autorisant l’utilisation des crédits carbone comme moyen de compenser les émissions du scope 3, la SBTi pourrait involontairement encourager des pratiques trompeuses où les entreprises cherchent à donner l’apparence d’un engagement environnemental fort sans réellement réduire leur empreinte carbone. Cette situation pourrait entraîner une stagnation, voire un recul, dans les efforts réels de décarbonation des entreprises.
De plus, cette approche risque de créer des distorsions dans la perception de la performance climatique des entreprises. En favorisant la compensation par les crédits carbone, on pourrait accorder une certaine légitimité à des pratiques qui ne contribuent pas réellement à la réduction des émissions à la source. Cela pourrait également accentuer les inégalités entre les entreprises, privilégiant celles disposant des moyens financiers pour acheter des crédits carbone au détriment de celles s’engageant dans des actions de décarbonation plus substantielles.
Déviation des normes
La décision de la SBTi d’intégrer les crédits carbone dans ses objectifs suscite des critiques profondes en raison de son incompatibilité avec les normes scientifiques établies et les principes fondamentaux de la comptabilité carbone. Cette position soulève plusieurs points essentiels qui mettent en lumière les limites et les problèmes inhérents à cette approche.
En premier lieu, la dimension conceptuelle revêt une importance capitale. L’empreinte carbone d’une entreprise reflète les émissions directes et indirectes liées à ses activités, constituant ainsi un indicateur tangible de son impact environnemental réel. En revanche, l’achat de crédits carbone pour compenser ces émissions ne modifie pas ces liens de cause à effet. En effet, une entreprise acquérant des crédits carbone ne s’engage pas directement dans la réduction effective de ses émissions, mais opte plutôt pour une compensation financière par le biais de projets de réduction menés ailleurs.
Les limites des crédits carbone
D’un point de vue physique, il convient de noter l’existence de deux catégories de projets dans le domaine des crédits carbone : ceux visant à éviter des émissions et ceux cherchant à capturer du CO2 dans l’atmosphère. Ces projets présentent des impacts distincts et ne peuvent être considérés comme des équivalents aux émissions réelles. Par exemple, éviter une tonne de GES ne se traduit pas par une compensation directe d’une tonne de GES émise.
L’augmentation des émissions évitées garantit uniquement une amélioration par rapport à la situation normale, sans réduire effectivement les émissions globales. De plus, la capacité de séquestration du carbone est limitée et ne peut pas compenser l’intégralité des émissions. Cette réalité physique est largement reconnue par les instances de comptabilité carbone et de suivi des émissions, qui excluent généralement toute forme de fongibilité entre les crédits carbone et les émissions réelles des entreprises.
Ainsi, valider l’utilisation des crédits carbone pour atteindre les objectifs de réduction du scope 3 de l’empreinte carbone constituerait une divergence significative par rapport aux standards établis. Cette approche dérogerait à la trajectoire scientifique et adopterait une stratégie inefficace pour résoudre le problème à la source. Au lieu de cela, elle instaurerait un environnement où les entreprises pourraient se contenter d’acheter des crédits carbone sans réellement s’engager dans une réduction concrète de leurs émissions, sapant ainsi les efforts authentiques de décarbonation et contribuant à une vision trompeuse de leur engagement environnemental.
Engagement climatique : l’illusion des crédits carbone
Le recours aux crédits carbone, bien qu’il puisse sembler une solution rapide, entraîne des conséquences néfastes qui affectent la crédibilité et l’efficacité des actions de réduction des émissions. En permettant aux entreprises d’acheter des crédits carbone pour compenser leurs émissions, on risque de créer une illusion de progrès, donnant l’apparence d’un engagement environnemental fort sans réellement réduire l’empreinte carbone.
En outre, cette pratique peut induire des distorsions significatives dans l’évaluation de la performance climatique des entreprises. Elle favorise celles qui disposent des moyens financiers pour acheter des crédits carbone, créant ainsi des inégalités entre les acteurs du marché. Les entreprises investissant réellement dans des solutions de décarbonation sont alors désavantagées par rapport à celles qui préfèrent la voie de la compensation financière.
Face à ces constats, des alternatives plus globales et efficaces émergent, telles que la Net Zero Initiative. Cette approche adopte une vision intégrée de la réduction des émissions, en mettant l’accent sur la nécessité de réduire effectivement les émissions, de promouvoir des produits décarbonants et de contribuer activement à la séquestration de carbone. En prenant en compte ces trois piliers, cette approche offre une réponse plus robuste et juste aux défis posés par la crise de confiance au sein de la SBTi. Elle ouvre ainsi la voie à des réflexions plus profondes et plus efficaces sur la manière de mener une transition écologique réelle et durable.
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