Les e-fuels : un atout stratégique pour la France dans la course à la décarbonation

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La seconde édition de l’Observatoire français des e-fuels, publiée en septembre 2024, met en lumière le potentiel croissant de cette filière en France. Avec 26 projets identifiés à travers le territoire, la production d’e-fuels s’annonce comme un pilier majeur de la décarbonation des secteurs de l’industrie et de la mobilité lourde. Alors que ces projets promettent de créer des emplois, réduire les émissions de CO2 et améliorer la balance commerciale, la question cruciale reste leur mise en œuvre effective. Ce texte explore les enjeux de cette filière, ses perspectives économiques et son rôle dans la réindustrialisation et la souveraineté énergétique de la France.

Un secteur en pleine expansion : 26 projets d’e-fuels en France

La filière des e-fuels en France est en pleine croissance, avec 26 projets identifiés pour 2024, contre 24 en 2023, soit une augmentation de 8,3 %. Ces projets représentent une capacité de production de 906 milliers de tonnes équivalent pétrole (tep), un volume impressionnant qui illustre la montée en puissance de cette industrie. Comparativement, cette production pourrait alimenter l’équivalent de 5 600 vols aller-retour entre Paris et New York, ou encore 265 voyages de porte-conteneurs entre Shanghai et Le Havre.

Ces projets sont répartis dans 8 régions métropolitaines et 17 départements, soulignant l’ancrage national de cette dynamique. Leur vocation est principalement commerciale, avec une nette prédominance des carburants d’aviation durables (CAD), qui représentent 66,7 % de la capacité de production totale. En parallèle, l’e-méthanol, crucial pour le transport maritime, représente 33,1 % de la capacité, tandis que le e-méthane reste marginal. Cependant, malgré cette dynamique, la véritable réussite de la filière dépend désormais du passage à la phase de réalisation concrète.

L’heure de vérité : transformer l’essai pour concrétiser les promesses

Bien que ces projets montrent un fort potentiel, la filière française des e-fuels est encore à un stade préliminaire. La prochaine étape cruciale réside dans la prise de décisions finales d’investissement. Celles-ci marqueront le début des phases de construction et de mise en service des installations industrielles. Les 18 mois à venir seront déterminants pour la filière afin de respecter les objectifs fixés par la réglementation européenne pour 2030, notamment en ce qui concerne l’incorporation obligatoire de carburants durables dans le secteur aérien et la décarbonation du transport maritime.

Cette phase de transition révélera la capacité de l’industrie française à produire localement les e-fuels nécessaires à ses besoins tout en demeurant compétitive sur le marché international. Sans cette production domestique, la France devra se tourner vers des importations massives de e-fuels pour respecter ses engagements européens, ce qui pourrait sérieusement grever la balance commerciale.

Réindustrialisation et souveraineté énergétique : un enjeu stratégique pour la France

Au-delà des aspects techniques et financiers, les e-fuels représentent un levier majeur pour la réindustrialisation des territoires français. Ces projets, répartis sur plusieurs régions industrielles, promettent de créer 3 705 emplois directs et indirects dans des zones souvent frappées par la désindustrialisation. Ainsi, la relance de ces territoires grâce à la production d’e-fuels constitue une opportunité unique pour revitaliser les bassins d’emploi, tout en capitalisant sur l’expertise historique de la France dans le secteur de l’énergie.

En plus de leur potentiel de création d’emplois, les e-fuels permettent une réduction significative des émissions de CO2. Les 26 projets recensés permettraient d’éviter entre 2,4 et 3,4 millions de tonnes d’émissions annuelles, soit l’équivalent des émissions de 565 000 à 735 000 véhicules. Cela s’inscrit pleinement dans la stratégie nationale de lutte contre le changement climatique, en ciblant des secteurs difficiles à décarboner tels que l’aviation et le transport maritime.

Une indépendance énergétique renforcée grâce à la production domestique

La production d’e-fuels ne se limite pas à des bénéfices environnementaux et économiques. Elle est également au cœur de la souveraineté énergétique de la France. En évitant l’importation de 941 milliers de tonnes équivalent pétrole par an, la France pourrait réduire sa dépendance aux énergies fossiles et ses importations de pétrole. Cela représenterait une économie de 6,4 millions de barils par an, un avantage significatif dans un contexte de transition énergétique et de diversification des sources d’approvisionnement.

Cependant, en l’absence d’une production nationale suffisante, la France pourrait être contrainte d’importer des e-fuels pour satisfaire aux exigences européennes. Par exemple, dans le seul secteur de l’aviation, la facture liée aux importations pourrait atteindre 2,6 milliards d’euros en 2035, aggravant encore le déficit commercial du pays. Cela souligne l’importance de développer rapidement une filière domestique forte et compétitive.

Les e-fuels, une chance à saisir pour la France

La seconde édition de l’Observatoire français des e-fuels confirme le potentiel considérable de cette filière pour la France. À travers la création d’emplois, la réduction des émissions de CO2 et le renforcement de l’indépendance énergétique, les e-fuels représentent une opportunité stratégique pour le pays. Toutefois, le succès de cette industrie repose désormais sur la capacité à concrétiser les projets et à passer de la phase d’initiation à celle de la réalisation. Si la France parvient à relever ce défi, elle pourrait s’imposer comme un leader européen dans la production d’e-fuels, tout en contribuant à la réindustrialisation et à la décarbonation de ses secteurs les plus critiques.

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