L’horizon s’éclaircit sur le marché obligataire « High Yield » : un momentum favorable à l’investissement
Tant aux Etats-Unis qu’en zone euro, l’élargissement des spreads de crédit High Yield au plus fort de la crise a permis une reconstitution des primes de risque. « De part et d’autre de l’Atlantique, les spreads du compartiment noté ‘BB’ évoluent entre 400 et 500 points de base, aujourd’hui. Ceux du compartiment ‘B’ sont proches de 700 points de base. Des niveaux attractifs au regard de l’apaisement global de la crise sanitaire et de ses conséquences, au cours des dernières semaines » résume Emmanuel Jourdan, Analyste crédit High Yield chez Swiss Life Asset Managers France. En détails, une disparité sectorielle a été observée au sein du marché, puisque certains émetteurs ont vu leur activité plus immédiatement impactée par la crise du coronavirus. Cela s’est traduit par de plus forts mouvements de spreads sur certains des secteurs les plus cycliques, comme les loisirs, l’automobile ou les services. « En zone euro, les émetteurs du secteur des loisirs affichaient encore des spreads supérieurs à 1 000 points de base à la fin du mois de mai » illustre Emmanuel Jourdan.
Concernant la dynamique du marché primaire, les besoins immédiats en liquidités des entreprises, fortement accrus avec la crise sanitaire, ont soutenu les volumes d’émissions en avril et mai. « L’épidémie et les mesures de confinement ont fortement dégradé les revenus des entreprises. Pour pouvoir refinancer leur ligne
de crédit bancaire et assurer leur besoin de liquidités, celles-ci ont accepté d’augmenter sensiblement leur coût de financement en concédant des coupons élevés lors de leurs émissions. Plus de la moitié des nouvelles émissions ont été réalisées sur le compartiment noté ‘BB’. Enfin, nous avons constaté une différence notable de la dynamique du marché primaire entre les Etats Unis qui concentrent 90% des volumes et l’Europe où les sociétés High Yield ont massivement fait appel aux dispositifs gouvernementaux » précise-t-il.
Vers une hausse des taux de défaut
Une remontée des taux de défaut est déjà observée, avec un niveau proche de 4% sur le marché High Yield américain à fin avril, contre 2% fin mars. Les émetteurs du secteur énergétique américain, déjà sensibles à la baisse des cours pétroliers avant l’épidémie du coronavirus, connaissent une forte tension du taux de défaut qui s’établit à 12%. Moody’s anticipe une remontée des taux de défaut sur le High Yield semblable à celle de 2009, tandis que le taux de recouvrement, qui baisse mécaniquement en temps de crise, pourrait baisser et s’établir autour de 25-30%. « Toutefois, les spreads de crédit observés anticipent une crise moins prononcée qu’en 2008-2009. A ce stade, les marchés semblent plus optimistes que les anticipations de Moody’s » nuance Romy Kruger, Analyste Crédit High Yield chez Swiss Life Asset Managers France.
Si la remontée des taux de défaut est réelle, le retour progressif de la confiance des investisseurs est soutenue par la réponse budgétaire apportée par les gouvernements et celle, monétaire, apportée par les banques centrales qui se sont révélées sans commune mesure. « Les dispositifs budgétaires et fiscaux gouvernementaux sont encore plus importants qu’en 2008 et 2009. Les mesures de soutien des banques centrales sont elles aussi inédites : l’assouplissement monétaire de la Fed représente près de 25% du PIB américain. Dans le cadre de son programme d’achats d’actifs PEPP, la BCE déploie 1 350 milliards d’euros. La réactivité face au Covid-19 a été extrêmement forte » juge Emmanuel Jourdan. Autre évolution inédite, la décision de la Fed d’inclure des ETF High Yield dans son programme d’achats d’actifs, « ce qui constituera un soutien supplémentaire et non négligeable à la classe d’actifs ».
Une fenêtre d’opportunités d’investissement
Une des conséquences de la crise sanitaire sur le marché du crédit sera la recrudescence de « Fallen Angels », ces titres déchus de notation Investment Grade en notation High Yield. L’année 2020 marque déjà un point haut de 10 ans avec un volume de dégradations qui représente 164 milliards de dollars aux Etats-Unis, incluant des émetteurs au poids important comme Pemex, Ford ou Occidental Petroleum, et 39 milliards d’euros en Europe. « Cette tendance devrait s’accentuer dans les mois à venir et nous nous attendons à voir 170 milliards d’euros de titres supplémentaires dégradés en High Yield en zone euro, 500 milliards de dollars sur le marché américain. Un volume important mais pas inédit en proportion du marché High Yield » qualifie Florent Rouget de Conigliano, Gérant High Yield chez Swiss Life Asset Managers France.Les vagues de Fallen Angels précédentes à l’image des dégradations survenues lors de la crise technologique de 2001-2002, de la crise des financières de 2008 ou de la crise des pétrolières et minières de 2015, sont riches d’enseignements. « En effet, nous avons constaté que les Fallen Angels surviennent après la période de crise et ne repricent généralement pas le marché High Yield : ils n’ont pas d’impact sur les autres valeurs du marché. Et lors de chaque vague, les spreads de crédit se sont resserrés à mesure que la crise s’estompait, malgré la recrudescence des Fallen Angels ». Enfin, une fois passé l’effet ‘flux’, ces vagues ont toujours été favorables à l’ensemble du marché High Yield grâce à l’amélioration du gisement moyen des émetteurs de ce segment de marché, d’autant que les émetteurs déchus retournent fréquemment en compartiment Investment Grade.
« A l’aune de ces évolutions lors des grandes vagues de dégradations, nous sommes convaincus qu’une fenêtre d’opportunités d’investissement s’ouvre aujourd’hui. La période est volatile mais potentiellement source de performance, et offre une diversification accrue. Les émissions sur le marché primaire High Yield nous semblent relativement lucratives » explique Florent Rouget de Conigliano.
En somme, « l’horizon du marché High Yield s’est éclairci » conclut Edouard Faure, Responsable de la Gestion High Yield chez Swiss Life Asset Managers France. Cette crise sanitaire est sans précédent, mais la rapidité de réaction des Etats et des banques centrales a fortement rassuré les marchés, ce qui soutient les prémices du rebond. « Les niveaux de spreads compensent la hausse attendue des taux de défaut. Le moment est propice pour de nouveaux investissements, à condition de conserver une approche sélective et diversifiante afin de limiter l’impact des défauts ».
Une analyse de SwissLife AM