A l’occasion d’un discours prononcé le 8 janvier dernier, Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, a évoqué la possibilité que la transition énergétique soit inflationniste. Elle a ajouté que dans ce cas la BCE devrait agir. Il est en effet très vraisemblable que la transition énergétique se révèle être une source durable d’inflation…
L’inflation et la transition énergétique
Les marchés se préoccupent actuellement d’un éventuel retour de l’inflation lié à la crise sanitaire. Les perturbations des chaînes logistiques, la forte demande en sortie de confinement et le lent retour sur le marché de l’emploi d’une partie de la population, notamment aux USA, sont les éléments souvent mis en avant pour justifier cette crainte de la hausse des prix. Pour autant ces facteurs ne semblent pas durables et on a peine à voir l’inflation s’installer à des niveaux très élevés pour ces raisons.
A l’inverse la question de la transition énergétique est peu évoquée alors qu’elle constitue une menace autrement plus sérieuse pour la stabilité des prix dans les décennies qui viennent : hausse du prix du carbone, fiscalité pénalisant le recours aux énergies fossiles, sous-investissements dans ce secteur et tarissement des flux financiers sous la pression réglementaire, montée en puissance trop lente des énergies renouvelables qui ne pourront rapidement et à un coût raisonnable se substituer aux énergies traditionnelles. Le sujet évoquée par Isabel Schnabel est donc central et il est souhaitable que les débats sur l’inflation se recentrent sur la question de la transition énergétique.
Isabel Schnabel ajoute que la BCE agira si nécessaire. Mais n’est-il pas permis d’en douter ? En effet les politiques monétaires très accommodantes déployées depuis plus d’une décennie ont eu pour objectif d’assurer la pérennité de la monnaie unique dans un contexte de croissance faible et d’endettement toujours plus élevé des Etats. Les taux bas pratiqués par la BCE et les programmes d’achats d’actifs ne sont plus une option mais une nécessité compte tenu de l’endettement des agents économiques et des Etats en particulier. Les marges de manœuvre de la BCE pour lutter contre une reprise significative de l’inflation sont donc limitées.
Dans ces conditions la coexistence des deux axes stratégiques fixés par les pouvoirs publiques européens pour les 20 ans qui viennent semble compromise : comment concilier une transition énergétique volontariste forcément très inflationniste avec la nécessité de maintenir des politiques monétaires très accommodantes dans un monde très endetté, à la productivité et à la croissance faible ?
Sauf à ce que l’effort de productivité du corps social soit à l’avenir spectaculaire, il est à craindre qu’il faudra trouver des compromis entre les ambitions de préservation du climat d’un côté et la pérennité de l’euro et de nos économies de l’autre.