En dépit de l’ancrage des taux d’intérêt en territoire négatif, les fonds monétaires affichent une certaine résilience, réussissant à stabiliser leurs encours. On remarque que l’excès de liquidités sur les marchés et les taux de dépôts négatifs permettent à ces placements de conserver une réelle attractivité par rapport à des produits bancaires standards.
Malgré leurs espoirs du début d’année 2019, les investisseurs se sont fait une raison, ils va être nécessaire de patienter encore de longs mois pour voir se normaliser la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE).
En effet, il apparaît que les vents ne sont guère porteurs pour la zone euro. Avec la faiblesse de l’inflation, la croissance économique qui faiblit, les incertitudes politiques liées au Brexit ou encore le regain des tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis, ce sont autant de paramètres qui conduisent la BCE à poursuivre sa politique monétaire vraiment très accommodante, comme elle l’a une nouvelle fois démontré lors de son dernier comité monétaire du 12 septembre. Conséquences : les taux d’intérêts des emprunts d’Etats se situent à des niveaux historiquement bas, voire en territoire négatif pour bon nombre d’eux.
Les marchés ont d’ailleurs opéré un revirement radical à l’issue du premier trimestre sur les perspectives d’évolution des taux d’intérêt. Ainsi, les anticipations de hausse de taux du début d’année ont rapidement laissé place à des prévisions de baisse des taux par les marchés. Après la baisse des taux deposit (à -0.50%) de la part de la BCE lors de son dernier comité, les marchés européens tablent désormais sur une baisse supplémentaire des taux de 10 points de base sur l’année à venir.
Une attractivité conservée
Avec un Eonia actuellement autour de -0,37% (et qui devrait prochainement répercuter la dernière baisse de la BCE) l’ancrage durable des taux d’intérêt en territoire négatif complique la tâche des investisseurs monétaires. Ainsi, à l’image de l’ensemble des taux d’intérêt de la zone euro, les taux monétaires ont également beaucoup baissé durant les derniers mois. Cependant, il y a quelques années, les fonds monétaires avaient déjà connu une situation similaire, marquée par le passage de l’Eonia en territoire négatif. La situation est donc loin d’être alarmiste.
A l’époque, il s’agissait d’un contexte qui avait déjà fait craindre la mort de l’industrie des fonds monétaires. Il y a pourtant une vie en taux négatifs ! Loin de péricliter, les fonds monétaires ont continué à attirer des flux significatifs, enregistrant une hausse de leurs encours. Cette année encore, les fonds monétaires font preuve d’une certaine résilience, ne subissant pas de sorties massives.
En dépit de tout cela on constate que les fonds monétaires conservent tout leur attrait pour les investisseurs. L’excès de liquidités sur les marchés et les taux de dépôts négatifs – prochainement à -0,50% – font que les investisseurs se détournent progressivement des produits bancaires traditionnels.
La principale concurrence des sociétés de gestion ces derniers mois a été les dépôts à vue des grandes banques commerciales avec des offres à taux zéro particulièrement attractives pour les grandes entreprises. Mais au regard des fortes anticipations de baisse de taux, les banques pourraient ne plus continuer cette offensive et être contraintes de limiter, voire de refuser les dépôts à vue de leurs clients.
Par ailleurs, le différentiel entre les performances des fonds monétaires (plusieurs points de base au-dessus de l’Eonia) et les taux de dépôts (-0,50%) conservent l’attractivité des fonds monétaires pour les investisseurs, qui ne peuvent se permettre de laisser dormir leurs liquidités auprès de la seule BCE. En l’absence d’alternative sur des placements très court terme – entre 1 jour et 1 mois –, les fonds monétaires constituent toujours une solution et le risque de décollecte massive semble donc écarté sur ce marché pour le moment.
De l’Eonia à l’Ester
Ce nouveau contexte sur les marchés monétaires intervient dans une période cruciale pour les sociétés de gestion, avec la mise en place d’un nouveau taux de référence pour les produits monétaires et dérivés de taux. A compter du 2 octobre 2019, l’Eonia va en effet progressivement céder la place à l’Ester (European Short Term Rate). Un nouvel indice l’Ester sera calculé par la BCE et l’Eonia découlera du calcul de ce dernier.
De fait, l’Eonia sera égal à l’Ester auquel s’ajoutera une marge de 8,5 points de base. La mise en œuvre de ce nouveau taux de référence constitue un changement important pour l’ensemble des acteurs de la gestion monétaire. l’Ester s’appuiera sur les données de 52 banques et institutions financières de la zone euro, contre 28 banques seulement pour l’Eonia, et surtout sur des montants de transaction beaucoup plus significatifs.
Au final, ce panel de banques, plus large, sera garant d’une meilleure représentativité du marché monétaire au sein de la zone Euro. Il faudra toutefois attendre le 1er janvier 2022 pour voir l’Eonia disparaitre définitivement. D’ici là, l’ensemble des sociétés de gestion de la place vont devoir redoubler d’efforts pour mettre à jour leurs prospectus et leurs outils informatiques. Si de nombreux chantiers restent à mener, le secteur doit d’ores et déjà s’organiser pour être au rendez-vous de cette échéance majeure à venir.