Le 12 janvier 2023 : Les quantités importantes d’émissions de CO2 étaient “déjà engagées” par les infrastructures fossiles existantes et planifiées, compromettant grandement l’objectif des +2C .
Introduction : Tendances et moteurs des émissions
Comme en témoigne la contribution du Groupe de travail I à la sixième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (AR6 WGI) (GIEC 2021a), gaz à effet de serre concentration (GES) dans l’atmosphère et les émissions annuelles de GES anthropiques continuent de croître et ont atteint un sommet historique, tirés principalement par l’utilisation continue des combustibles fossiles (Jackson et al. 2019 ; Friedlingstein et al. 2020 ; Peters et al. 2020). Sans surprise, un grand volume de nouveaux la littérature a émergé depuis AR5 sur les tendances et les moteurs sous jacents des émissions anthropiques de GES. Ce chapitre propose une présentation structurée bilan de cette nouvelle littérature et établit les plus importantes liens thématiques vers d’autres chapitres de ce rapport.
Alors que le RE5 a principalement évalué les tendances et les moteurs des émissions de GES entre 1970 et 2010, cette évaluation porte sur la période 1990-2019 avec un accent particulier sur les changements depuis 2010. Par rapport au chapitre 5 dans la contribution du GT III au RE5 (Blanco et al. 2014), la portée du présent chapitre est plus large. Il présente le contexte historique des progrès mondiaux en matière de climat atténuation des changements pour le reste du rapport et sert de point de départ pour l’évaluation des voies d’atténuation à long terme ainsi qu’à court et à moyen terme dans les chapitres 3 et 4, respectivement. Ça aussi offre une perspective systémique sur les tendances passées des émissions dans différents secteurs de l’économie (chapitres 6 à 12) et relie les émissions de GES tendances des politiques passées (chapitre 13) et technologies observées développement (chapitre 16). L’accent est également mis davantage sur la analyse des tendances des émissions sectorielles basées sur la consommation .
Tendances passées et présentes de la territorialité Émissions de GES
Émissions anthropiques totales de gaz à effet de serre (GES) telles que discutées dans ce chapitre comprennent les émissions de CO2 provenant de la combustion de combustibles fossiles et industriels (FFI), Émissions nettes de CO2 provenant des terres utilisation, changement d’affectation des terres et foresterie (CO2-UTCATF) (souvent FOLU – foresterie et autres utilisations des terres – dans les rapports précédents du GIEC), méthane (CH4), protoxyde d’azote (N2O) et gaz fluorés (gaz F) comprenant des hydrofluorocarbures (HFC), des perfluorocarbures (PFC), l’hexafluorure de soufre (SF6) ainsi que le trifluorure d’azote (NF3). Il existe d’autres sources importantes d’émissions de gaz fluorés qui sont réglementées dans le cadre du Protocole de Montréal tels que les chlorofluorocarbures (CFC) et les hydrochlorofluorocarbures (HCFC) qui ont également des impacts sur le réchauffement mais ils ne sont pas pris en compte ici. D’autres substances, dont l’ozone et les aérosols, qui contribuent au forçage climatique ne sont traités que très brièvement, mais chapitre est consacré à ce sujet dans la contribution du groupe de travail I à AR6 (Szopa et al. 2021a; 2021b).
Etude sur les émissions engagées des infrastructures énergétiques existantes compromettent l’objectif climatique de 1,5 °C
Les émissions anthropiques nettes de dioxyde de carbone (CO 2 ) doivent s’approcher de zéro d’ici le milieu du siècle (2050) afin de stabiliser la température moyenne mondiale au niveau visé par les efforts internationaux . Pourtant, l’expansion continue des infrastructures énergétiques utilisant des combustibles fossiles implique des émissions futures de CO 2 déjà « engagées » .
Ici, nous utilisons des ensembles de données détaillés sur les infrastructures énergétiques fossiles existantes en 2018 pour estimer les schémas régionaux et sectoriels de CO 2, la sensibilité de ces émissions aux durées de vie et aux calendriers d’exploitation présumés, et la valeur économique de l’infrastructure associée. Nous estimons que, si elles sont exploitées comme par le passé, les infrastructures existantes émettront cumulativement environ 658 gigatonnes de CO 2 (avec une fourchette de 226 à 1 479 gigatonnes de CO 2 , selon les durées de vie et les taux d’utilisation supposés). Plus de la moitié de ces émissions devraient provenir du secteur de l’électricité ; les infrastructures en Chine, aux États-Unis et dans les 28 États membres de l’Union européenne représentent respectivement environ 41 %, 9 % et 7 % du total. Si elles sont construites, les centrales électriques proposées (prévues, autorisées ou en construction) émettraient environ 188 (gamme 37-427) gigatonnes de CO 2 .
Les émissions engagées des infrastructures énergétiques existantes et proposées (environ 846 gigatonnes de CO 2 ) représentent donc plus que le budget carbone total qui reste si le réchauffement moyen doit être limité à 1,5 degrés Celsius (°C) avec une probabilité de 66 à 50 % ( 420-580 gigatonnes CO 2 ) , et peut-être les deux tiers du budget carbone restant si le réchauffement moyen doit être limité à moins de 2 °C (1 170-1 500 gigatonnes CO 2 ) . Les estimations restantes du budget carbone sont variées et nuancées , et dépendent de l’objectif climatique et de la disponibilité d’émissions négatives à grande échelle . Néanmoins, nos estimations suggèrent que peu ou pas de nouveaux émissions de CO 2-les infrastructures émettrices peuvent être mises en service, et que les infrastructures existantes peuvent devoir être retirées plus tôt (ou être modernisées avec une technologie de capture et de stockage du carbone) afin d’atteindre les objectifs climatiques de l’Accord de Paris . Compte tenu de la valeur des actifs par tonne d’émissions engagées, nous suggérons que les mises hors service prématurées des infrastructures les plus rentables se produiront dans les secteurs de l’électricité et de l’industrie, si des alternatives non émettrices sont disponibles et abordables.
Synthèse
Environ 50% des émissions engagées proviendraient de la production d’électricité, dont 70% de centrales à charbon (le reste essentiellement de centrales à gaz).
Pour des raisons de disponibilité des données, les émissions “proposées” n’incluent que les centrales électriques. Elles n’intègrent donc pas les infras planifiées dans les domaines du transport, du bâtiment et de l’industrie.
Les émissions engagées ne sont pas entièrement une fatalité. Par exemple, beaucoup de projets de centrales à charbon peuvent être annulés, comme ce fut le cas en 2017 et 2018.
Surtout, un pari que font des chercheurs et politiques de transition énergétique est que l’électricité éolienne et solaire deviendrait tellement attractive et peu couteuse que bientôt cela ne vaudrait même plus le coup de faire tourner des centrales fossiles, qui réduiraient alors leur production, voire fermeraient prématurément. A suivre… (nous ne disons pas que nous y croyons forcément, mais que c’est le pari qui est fait)
Le GIEC appelle à déployer des efforts spécifiques de déclassement rapide et d’utilisation réduite des infras fossiles existantes, d’annulation des projets de nouvelles infras, et d’élimination d’une partie du CO2 déjà émis dans l’atmosphère.
Dernières précautions (peu réjouissantes je le crains) dans l’interprétation de ces chiffres. Ceux-ci incluent les infrastructures existantes et planifiées A DATE. Les infras additionnelles ne vont hélas pas subitement tomber à zéro.
Enfin, il ne s’agit là que de l’inertie des INFRAS. Or du temps est nécessaire pour développer et déployer les technologies de décarbonation des MACHINES nourries par l’infra (ex. voitures, avions, chaudières…). Moins les machines se décarbonent, plus on renouvellerait les infras fossiles.
Il y a aussi l’inertie socio-politique, et enfin l’inertie culturelle des modes de vie. Le GIEC précise que peu d’estimations existent sur le verrouillage carbone des infras urbaines, en partie parce qu’elles relèvent de comportements liés à des normes qui co-évoluent avec les technologies, les infras matérielles, et les infras immatérielles (groupes sociaux, marchés…).