Le Shift dévoile le rapport « Assurer le fret dans un monde fini »huitième volet du vaste Plan de transformation de l’économie française (PTEF) lancé il y a près de deux ans. Deux ans plus tard, où en sommes-nous ? Où en est le fret ?
Le fret représente 9% des émissions de gaz à effet de serre de la France, et est hautement dépendant aux énergies fossiles.
Au printemps 2020, lors du confinement, nous avons redécouvert certains métiers et maillons clefs de notre société : le soir, à 20 heures, nous avons applaudi le monde médical ; en journée l’aspect indispensable des travailleurs invisibles est devenu une évidence, et nous avons vu à quelle vitesse certains produits pouvaient venir à manquer faute d’approvisionnement.
Comment transformer en profondeur ce secteur pour le rendre résilient aux chocs climatiques ? et énergétiques tout en assurant ses fonctions essentielles ?
L’importance d’une réindustrialisation de la France semble être acquise, et le prix du diesel au litre est passé de 1,2 € au printemps 2020 à plus de 2,1 € aujourd’hui. Les appels à la sortie progressive des énergies fossiles étaient une forme d’anticipation de risque, il y a encore peu de temps. Maintenant, le prix du carburant fossile est une menace bien réelle, et les transporteurs routiers demandent de l’aide.
Le fret : un secteur essentiel au bon fonctionnement de notre économie
Le transport de marchandises est une activité cruciale au bon fonctionnement de notre économie, en tant que support physique des chaînes de valeurs de tous les biens et services auxquels nous avons accès. En moyenne chaque année, ce sont 27 tonnes qui sont transportées sur environ 200 km pour chaque Français. Cette activité est responsable de 9 % des émissions de gaz à effet de serre du territoire. Elle est assurée à 89 % par la route et à 9 % par le ferroviaire.
Le fret n’est pas un secteur « optionnel ». Nous avons vu durant la pandémie à quel point le transport de masques et d’autres équipements médicaux était critique, et en quoi les livraisons aux magasins et aux particuliers étaient importantes pour que les services basiques de notre société (se nourrir, se soigner) puissent perdurer. Les marchandises n’ayant pas de jambes, elles devront continuer à être transportées. Aucun territoire ne pouvant devenir autosuffisant, le besoin de transport de marchandises n’est pas prêt de disparaître.
Alors comment transformer en profondeur le secteur du fret pour le rendre résilient aux chocs climatiques et énergétiques tout en assurant ses fonctions essentielles ?
Demande, parts modales, taux de remplissage… Les propositions du PTEF jouent sur une combinaison de facteurs pour réduire les émissions et améliorer la résilience énergétique du fret. Dans le cadre du PTEF, la demande en transport de marchandises amorce une baisse de 25 % entre aujourd’hui et 2050. La méthodologie est à retrouver dans le rapport.
Nos propositions pour décarboner le secteur
Pour le fret intra et interrégional, le PTEF propose d’organiser un report modal fort du routier vers le ferroviaire et le fluvial, modes plus efficaces énergétiquement. Le routier restant, encore majoritaire en 2050 (2/3 pour le routier, ¼ pour le ferroviaire, le reste en fluvial), est rendu plus efficace par des améliorations d’aérodynamisme et la baisse des vitesses sur les routes, et est électrifié par la création d’un réseau d’autoroutes électriques et par l’électrification des flottes de camions avec des batteries de taille limitée.
Pour le fret urbain, le PTEF propose l’organisation d’un réseau de centres de mutualisation urbains qui permettent d’optimiser les chargements par la mutualisation et d’optimiser les flottes de véhicules aux livraisons à réaliser, en particulier par la cyclologistique. Le parc de VUL sera rapidement électrifié et les chauffeurs formés à l’écoconduite.
Pour que tout ceci soit rendu possible dans les temps, il faut que les acteurs se mettent en mouvement de manière coordonnée et dirigée vers la décarbonation et l’efficacité énergétique. Le PTEF propose la création d’entités publiques ou indépendantes en charge de l’accompagnement, du contrôle, et de l’aide des acteurs dans leur contribution à ces efforts, via la mise en place de certifications « d’effort de décarbonation », sanctionnant l’observation de bonnes pratiques et l’atteinte d’objectifs énergie carbone, que chaque acteur doit obtenir et conserver pour opérer. L’ensemble des salariés du secteur sera formé aux enjeux énergie-climat.
Concernant l’État et les collectivités, le PTEF propose l’instauration d’une gouvernance territoriale du transport de marchandises, au niveau national (ministère de la logistique), régional et intercommunal ou communal, afin de délibérer avec les parties prenantes sur l’aménagement du territoire, le foncier, la mise en place de services, la création de partenariats, etc., qui permettront la bonne transformation du fret.
La mise en place du PTEF dans le secteur du fret permettrait une baisse de plus de 5 %/an des émissions de GES dès le prochain quinquennat, et permettrait la continuation de l’effort vers une décarbonation complète du secteur d’ici 2050. Ne parier que sur les propositions technologiques (aérodynamique, transformation des motorisations) augmente les risques de rupture d’opération du fret dans les décennies à venir, par rapport à une mise en place complète du PTEF.
Retrouvez le rapport complet ci-dessous