Le 5 janvier 2023 : REFORME DES RETRAITES. La Première ministre a reçu les syndicats et les représentants du patronat à l’occasion d’ultimes discussions sur la réforme des retraites.
Réforme des retraites
A quoi la réforme des retraites va-t-elle ressembler ? La Première ministre, Elisabeth Borne, a reçu les partenaires sociaux mardi et mercredi. Ces rencontres ont marqué l’ultime round de discussions avec les syndicats et les représentants du patronat sur la réforme des retraites. Elle sera ensuite présentée en Conseil des ministres le 23 janvier, puis examinée à l‘Assemblée nationale au début du mois de février.
L’ambition de l’exécutif est de repousser progressivement l’âge légal de départ à la retraite pour atteindre 65 ans d’ici 2031, contre 62 ans à l’heure actuelle. Pour y parvenir, cet âge devrait être décalé de 4 mois chaque année à compter de l’été prochain. “65 ans n’est pas un totem”, a indiqué Elisabeth Borne au micro de France Info mardi. D’autres pistes sont également envisagées, comme le recul de l’âge légal à 64 ans, conditionné à un allongement progressif de la durée de cotisation. En clair, dans ce cas de figure, il faudrait avoir travaillé 43 ans pour toucher pleinement sa retraite.
En tout cas, “la CFDT se mobilisera” en cas de relèvement à 64 ou 65 ans de l’âge légal de départ, a averti le secrétaire général Laurent Berger, à sa sortie de Matignon. Même son de cloche du côté de FO. “S’il y a recul de l’âge de départ, il y a mobilisation” et elle sera “importante”, a insisté Frédéric Souillot. Les dirigeants de la CFDT et de la CFTC estiment que l’exécutif va va opter pour un report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans plutôt que 65, mais une telle disposition n’est pas davantage acceptable, ont-ils dit mercredi. “J’ai le sentiment que ce sera 64 ans, mais je peux me tromper. En tout cas, on n’a pas eu d’ouverture pour dire qu’il n’y aurait pas d’augmentation de l’âge légal”, a déclaré sur RTL le secrétaire général de la CFDT.
Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, dit avoir “répondu” à des demandes des syndicats réformistes, notamment sur les questions de pénibilité et d’emploi des seniors, dans une interview au Parisien. “Nous trancherons le 10 janvier” en regardant “ce qui est le plus juste”, a-t-il souligné. “Les Français sont plus raisonnables que certains responsables syndicaux et politiques. Personne ne souhaite un blocage”, a indiqué Olivier Dussopt, ajoutant qu'”il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles. Les Français comprennent parfaitement ce qu’on doit faire”.
Outre la question de l’âge légal, le gouvernement prévoit d’autres changements pour les retraites. Il envisage notamment le relèvement du minimum de pension de retraite pour une carrière complète à 85% du Smic. Concernant la question de la pénibilité, la création d’un fonds de prévention de l’usure professionnelle pour les métiers identifiés comme difficiles a été évoquée. Pour favoriser l’emploi des seniors, l’exécutif prévoit de mettre en œuvre un index sur l’emploi des seniors dans les entreprises de plus de 50 salariés. Enfin, il désire permettre un meilleur accès à la retraite progressive et au cumul emploi-retraite. Sur la forme, le gouvernement n’a pas encore tranché sur la méthode. Selon plusieurs médias, l’exécutif souhaite faire adopter le texte en l’intégrant à un projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificatif (PLFSSR). L’avantage de cette solution est de pouvoir avoir recours à l’article 49.3 de la Constitution (qui permet de faire passer une loi sans vote du Parlement).
Qui ne sera pas concerné par la réforme des retraites ?
La réforme des retraites ne concerne pas les retraités actuels. Ces derniers sont partis en retraite à 62 ans comme le stipule actuellement la loi. Si le texte est bien adopté à l’été 2023, comme le prévoit l’exécutif, alors les personnes nées entre le 1er juillet et le 1er décembre 1961 seront les premières affectées par le report de l’âge légal de départ en retraite. Concrètement, pour relever progressivement l’âge de départ en retraite, l’exécutif veut augmenter la durée minimale de travail de 4 mois par an.
Qui sera touché par la nouvelle réforme des retraites ?
- Pour la génération 1961, l’âge de départ à la retraite serait de 62 ans et 4 mois.
- Pour la génération 1962, l’âge de départ à la retraite serait de 62 ans et 8 mois.
- Pour la génération 1963, l’âge de départ à la retraite serait de 63 ans, en 2025.
- Pour la génération 1964, l’âge de départ à la retraite serait de 63 ans et 4 mois.
- Pour la génération 1965, l’âge de départ à la retraite serait de 63 ans et 8 mois.
- Pour la génération 1966, l’âge de départ à la retraite serait de 64 ans.
- Pour la génération 1967, l’âge de départ à la retraite serait de 64 ans et 4 mois.
- Pour la génération 1968, l’âge de départ à la retraite serait de 64 ans et 8 mois.
- Pour la génération 1969 et les suivantes, l’âge de départ à la retraite serait de 65 ans.
Cette mesure vise notamment à allonger la durée moyenne de cotisations des travailleurs. Avec cette réforme l’exécutif cherche à réduire le coût du système de retraite qui représente, dans son état actuel, une dépense de 332 milliards d’euros chaque année, soit 14,5% du PIB, selon le Conseil d’Orientation des retraites. Notez que la réforme initiée par le gouvernement prévoit des exceptions sur le recul de l’âge de départ en retraite pour les travailleurs ayant eu des carrières longues ou ayant exercé des métiers dits pénibles.
La réforme des retraites va t-elle mettre fin aux régimes spéciaux ?
Cet automne, l’exécutif et les partenaires sociaux ont planché sur la question des régimes spéciaux. Pour rappel, la France compte actuellement 37 régimes de retraite (régime général, complémentaires, régimes spéciaux). Parmi eux, on dénombre 15 régimes spéciaux. Sur les 16,9 millions de retraités que compte la France, environ 4,2 millions bénéficient de ces particularités, selon la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES). Il s’agit notamment des agriculteurs, des militaires, des fonctionnaires, des indépendants, des professions libérales… En fonction du régime spécial, les affiliés jouissent de certains avantages au titre de la pénibilité de leur métier. Ils peuvent notamment partir plus tôt à la retraite, cotisent moins longtemps que les travailleurs du régime général, et touchent des pensions de retraites plus élevées.
Dès 2019, le gouvernement avait fait part de son intention de supprimer les régimes spéciaux afin d’aboutir à la création d’un système universel de retraite par points, où chaque euro cotisé donne accès aux mêmes droits pour tous, quel que soit le métier pratiqué. Cette déclaration avait provoqué un tollé chez les cotisants des régimes spéciaux. Désormais l’exécutif envisage de mettre en place la “clause du grand-père”. En clair, il s’agit de fermer, dès 2025, l’accès aux régimes spéciaux de retraite pour les nouvelles embauches qui intègrent les professions concernées jusque-là. Ainsi, les plus anciens conserveront le régime spécial pour lequel ils cotisent depuis des années, tandis que les nouveaux entrants ne pourront pas y avoir droit. Seuls les salariés qui, en 2020, étaient à moins de 17 années de la retraite échapperont au régime universel et resteront rattachés à leur régime spécial.
Les assurés ne seront pas affiliés au nouveau régime universel et conserveront leurs avantages liés au régime spéciaux s’ils sont nés avant :
- Le 1er janvier 1975, pour la plupart des régimes spéciaux.
- Le 1er janvier 1977, pour les salariés du Port de Strasbourg
- Le 1er janvier 1980, pour les salariés de la SNCF, RATP, IEG, Banque de France, choristes et certains personnels de l’Opéra de Paris, Comédie Française et Ouvriers de l’Etat.
- Le 1er janvier 1982, pour les mineurs et les foreurs.
En revanche, l’exécutif s’est engagé, à travers la voix du ministre du Travail Olivier Dussopt, à ne pas toucher à certains régimes spéciaux, comme celui des marins, des dockers et des danseurs de l’Opéra de Paris.
Vers une meilleure prise en compte de la pénibilité ?
Caissières, ouvriers de l’industrie ou du BTP, agents d’entretien, aides à domiciles, gardiens d’immeubles, infirmières… Dans le privé comme dans la fonction publique, beaucoup de métiers sont soumis à des conditions de travail difficiles. Dans sa réforme, le gouvernement affirme vouloir prendre davantage en compte la pénibilité au travail afin de permettre aux professionnels de partir à la retraite avant l’âge légal.
Avec le C2P (compte professionnel de prévention) la loi permet actuellement aux salariés d’accumuler des points selon leur exposition à 6 critères de pénibilité : le travail de nuit, en équipes alternantes, en milieu hyperbare (sous l’eau), les gestes répétitifs ou encore les expositions aux bruit et aux températures extrêmes (froides ou chaudes). S’ils sont soumis à un ou plusieurs de ces critères de pénibilité les salariés obtiennent des points et peuvent les dépenser pour se former, passer à temps partiel, ou partir plus tôt à la retraite.
Il est possible d’accumuler jusqu’à 8 points dans une année, et 10 sont nécessaires pour avancer sa retraite d’un trimestre. Néanmoins, il est impossible de cumuler plus de 100 points dans une carrière, d’autant que les 20 premiers doivent obligatoirement être dédiés à la formation. Un maximum de 80 points peut donc être utilisé pour partir plus tôt, ce qui représente seulement 8 trimestres, soit deux années de retraite gagnées. A ce jour, seules 9 596 personnes ont pu utiliser leur C2P pour anticiper leur départ à la retraite, selon les données transmises par le ministère du Travail. Le dispositif bénéficie donc à très peu de travailleurs.
Afin d’élargir l’efficacité du C2P, le gouvernement veut ajouter trois autres critères de risques professionnels : les postures pénibles, le port de charges lourdes et les vibrations mécaniques.