
Les risques climatiques représentent aujourd’hui une menace grandissante pour la stabilité bancaire mondiale. Alors que les impacts des catastrophes naturelles sur l’économie réelle sont largement documentés. Leur influence sur la stabilité bancaire reste encore peu explorée. Cette étude approfondie s’intéresse à la manière dont l’exposition des banques aux risques climatiques. Via leurs activités de prêt, peut accroître à la fois leur risque individuel et leur contribution aux risques systémiques.
En s’appuyant sur des données issues de Dealscan et des catastrophes climatiques évaluées par la NOAA. Nous analysons l’impact des chocs climatiques sur les institutions bancaires aux États-Unis entre 1999 et 2019. Plusieurs méthodologies robustes employées. Telles que des analyses alternatives d’échantillons de prêts, des moindres carrés pondérés et différentes stratégies de calcul d’erreurs standards. Nos résultats confirment qu’une exposition accrue aux risques climatiques se traduit par une hausse significative des pertes attendues et de la fragilité du secteur bancaire.
Dans cet article, nous allons d’abord détailler les catégories de prêts les plus sensibles aux risques climatiques. Avant d’examiner l’impact de la structure des banques prêteuses sur ces risques. Nous approfondirons ensuite les méthodes d’estimation utilisées et leurs résultats. Avant de conclure sur les implications en matière de régulation financière et de stabilité macroéconomique.
L’impact différencié des types de prêts face aux risques climatiques
Les prêts bancaires ne sont pas tous exposés de la même manière aux risques climatiques. Deux grandes catégories dominent les financements bancaires aux entreprises non financières aux États-Unis. Les prêts à terme et les facilités de crédit renouvelables.
Un prêt à terme est un financement d’un montant déterminé, assorti d’un calendrier de remboursement fixe et d’une échéance définie. Ces prêts sont généralement entièrement déboursés à l’origine et peuvent être affectés à divers usages. Notamment les investissements en capital ou le refinancement de dettes existantes.
Les facilités de crédit renouvelables, quant à elles, offrent une plus grande flexibilité aux emprunteurs. Qui peuvent puiser dans la ligne de crédit en fonction de leurs besoins. Ces facilités ont généralement des maturités plus courtes et sont souvent renouvelées périodiquement.
Notre analyse montre que l’exposition aux risques climatiques est plus prononcée pour certains types de prêts. En particulier, les prêts destinés aux dépenses d’investissement et d’exploitation (tels que l’achat d’équipements, l’immobilier ou le fonds de roulement) sont significativement plus vulnérables. Lorsque des catastrophes climatiques surviennent, les entreprises emprunteuses voient leur capacité de remboursement se détériorer. Entraînant une hausse du risque de crédit pour les banques prêteuses.
À l’inverse, les prêts utilisés pour restructurer le capital (introductions en bourse, rachats d’actions, recapitalisations). Ou financer des opérations de fusion-acquisition présentent un lien moins évident avec les risques climatiques. Toutefois, une exception notable concerne le risque systémique mesuré par le marginal expected shortfall (MES). Qui semble augmenter dans certains cas de restructurations d’entreprises fortement exposées aux changements climatiques.
L’influence du rôle des banques sur la transmission du risque climatique
Les banques impliquées dans les prêts ne subissent pas toutes l’impact des risques climatiques de la même manière. Une distinction essentielle doit être faite entre les banques chefs de file et les banques participantes dans un consortium de prêt.
Les banques chefs de file, ou lead banks, jouent un rôle central dans la structuration des financements. Elles assurent la relation avec l’emprunteur, fixent les conditions du prêt et sont responsables de la syndication auprès d’autres établissements financiers. Ce rôle leur confère une exposition plus forte aux risques de crédit. Notamment lorsque l’emprunteur rencontre des difficultés financières après un choc climatique.
Nos résultats montrent que l’impact du risque climatique reste significatif même en restreignant l’analyse aux seules banques chefs de file. Ces dernières, cherchant à signaler leur confiance dans la qualité du prêt, conservent souvent une part plus importante du financement accordé. Or, en période de crise climatique. Cette exposition accrue peut amplifier les pertes et renforcer la transmission des chocs au sein de la stabilité bancaire.
Une analyse robuste grâce aux moindres carrés pondérés
L’une des difficultés méthodologiques de cette étude réside dans la forte disparité des banques prêteuses en fonction de leur localisation géographique et de leur taille. Pour contrôler ces effets hétérogènes, nous avons recours à une approche par moindres carrés pondérés (WLS – Weighted Least Squares).
Deux méthodes de pondération mises en œuvre :
- Pondération par l’État du siège social de la banque. Chaque observation est ajustée en fonction de la population de l’État où la banque est implantée. Cela permet de neutraliser l’effet des disparités régionales sur l’exposition au risque climatique.
- Pondération par la capitalisation boursière des banques. Les grandes banques ayant une capitalisation plus élevée peuvent contribuer davantage au risque systémique. Cette pondération permet d’évaluer l’effet relatif du risque climatique en fonction de la taille de la banque prêteuse.
Les résultats obtenus avec ces deux méthodes confirment que le risque climatique accroît significativement l’exposition des banques aux pertes attendues et aux crises systémiques.
La robustesse des résultats face aux différentes méthodes d’erreurs standards
Afin de vérifier la solidité des conclusions, nous avons testé différentes méthodes de calcul des erreurs standards. Voici trois approches adoptées :
- Clustering des erreurs standards au niveau de l’État de l’emprunteur : cette approche permet de capturer les effets régionaux liés aux catastrophes climatiques.
- Clustering au niveau des entreprises emprunteuses : elle permet de prendre en compte les particularités de chaque firme indépendamment de leur localisation.
- Méthode de Newey et West : cette méthode ajuste les erreurs standards pour tenir compte de l’hétéroscédasticité et de l’autocorrélation potentielle dans les séries temporelles.
Ces trois tests confirment la robustesse des résultats : le lien entre exposition aux risques climatiques et augmentation du risque bancaire reste significatif, quel que soit le mode de calcul des erreurs standards.
Implications pour la stabilité financière et recommandations
Les résultats de cette étude soulignent des implications majeures pour la régulation du secteur bancaire et la gestion des risques financiers liés au climat.
Premièrement, la prise en compte des risques climatiques dans l’évaluation des portefeuilles de prêts devient une nécessité. Les banques doivent intégrer ces risques dans leurs modèles de gestion du capital et renforcer leurs provisions pour pertes sur prêts dans les zones les plus vulnérables aux catastrophes naturelles.
Deuxièmement, les autorités de régulation doivent repenser le cadre macroprudentiel en intégrant les risques climatiques dans les tests de résistance bancaire. L’actuel cadre de régulation se concentre essentiellement sur les risques traditionnels (liquidité, solvabilité, concentration), sans inclure de manière explicite les risques environnementaux.
Enfin, des incitations doivent être mises en place pour encourager les banques à réorienter leur financement vers des projets plus résilients aux changements climatiques. L’instauration de bonus en capital pour les prêts “verts” et des exigences renforcées pour les financements à haut risque climatique pourraient constituer une piste efficace.
La stabilité bancaire et les chocs climatiques
L’exposition aux risques climatiques constitue un facteur déterminant de la stabilité bancaire. Nos analyses montrent qu’un choc climatique augmente significativement les pertes attendues des banques, tant au niveau individuel que systémique. Cette vulnérabilité est particulièrement marquée pour les prêts destinés aux dépenses d’investissement et pour les banques chefs de file dans les consortiums de prêts.
Face à ces constats, il devient urgent d’intégrer les risques climatiques dans la régulation financière. Une meilleure anticipation de ces risques pourrait permettre de limiter leur impact et de renforcer la résilience du secteur bancaire face aux défis environnementaux à venir.
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