Le 16 février 2023 : TotalEnergies a enregistré des bénéfices records en 2022 mais a été critiqué pour son empreinte carbone. La stratégie énergétique de l’entreprise, considérée comme “trompeuse” par certains experts du climat, n’est guère plus qu’un écran de fumée car elle continue d’investir massivement dans les combustibles fossiles.
La transition énergétique selon TotalEnergies ?!
20% des investissements dédiés à l’exploration de nouveaux gisements
Les multinationales pétrolières françaises ont réalisé un bénéfice de près de 20 milliards d’euros l’an dernier, en grande partie grâce à la flambée des prix de l’énergie. Ce sont les meilleurs résultats de son histoire.
Le groupe est également un important raffineur et distributeur de produits énergétiques en Belgique.
Mais ces résultats exceptionnels ont alimenté les critiques sur l’empreinte carbone et le manque d’ambition environnementale des groupes opérant dans le secteur de l’énergie. Même si TotalEnergies annonce des investissements accrus dans les énergies renouvelables, ceux-ci restent bien en deçà de ceux dans les énergies fossiles.
“TotalEnergies a de nombreux projets d’exploitation de nouveaux gisements en cours, en Ouganda, au large des côtes de l’Afrique du Sud ou encore au Brésil pour ne citer qu’eux“, indique Lucie Pinson, la fondatrice et dirigeante de Reclaim Finance, une ONG qui œuvre pour la décarbonation de la finance, interrogée par Alternatives Economiques.
L’ONG Reclaim Finance a calculé : Ces nouveaux gisements de pétrole et de gaz devraient augmenter la production de ces hydrocarbures de 18,4 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2020. Il s’agit d’une augmentation de 38,7 % par rapport à 2016. Le groupe devrait atteindre son pic de production pétrolière au cours de la prochaine décennie.
Preuve que TotalEnergies n’aurait pas pu le faire sans les énergies fossiles. mais au contraire. La société prévoyait d’investir jusqu’à 16 milliards de dollars par an de 2022 à 2025, dont 70 millions de dollars dans les hydrocarbures, et d’entretenir des installations pétrolières pour stimuler la production de plastique d’ici 2050. dépenser plus de la moitié en
Dans le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le groupe s’est adressé à Twitter pour justifier formellement le nouvel investissement, précisant que « la baisse naturelle des gisements est plus rapide que la baisse de l’énergie (- 4 %/an). ” besoin”.
Arguments directement contrés par les membres du GIEC. Onze d’entre eux ont publié mercredi une tribune dans France Info, dénonçant la stratégie de “désinformation” de TotalEnergies sur le réchauffement climatique.
Justement, quelle est la stratégie de TotalEnergies ? Notre équipe a tenté de la décrypter pour comprendre comment la firme assure pouvoir atteindre son objectif de diminution de 40% ses émissions de CO2 par rapport à 2015 d’ici à 2030 tout en continuant à investir dans les énergies fossiles.
À cette fin, nous avons commencé par les engagements fixés dans la Stratégie 2021.
« Nous accélérons le développement de notre mix énergétique en investissant dans les énergies et électricité renouvelables, en favorisant l’utilisation du gaz naturel en combinaison avec l’hydrogène et le biogaz, en orientant les investissements vers le pétrole et les biocarburants à bas coût, et en développant des solutions de stockage. “la nature du captage et du stockage du carbone-CO2”.
Qu’est-ce qui se cache derrière cette stratégie « verte » ?
- Stocker une partie du carbone, la fausse bonne idée
TotalEnergies table sur une réduction de ses émissions par le biais du stockage de carbone, une “solution fondée sur la nature“, lit-on dans sa stratégie 2021. Or, selon les experts du Giec auteurs de la tribune sur France Info, ces solutions sont surtout un paravent pour continuer à émettre de grandes quantités de CO2 : “le boisement de zones telles que les savanes qui ne seraient pas naturellement boisées nuit à la biodiversité, augmente la vulnérabilité au changement climatique, et ne peut pas être considérée comme une solution fondée sur la nature, pouvant même aggraver les émissions de gaz à effet de serre”.
- Se concentrer sur les projets à bas coût et faibles émissions de gaz à effet de serre, une chimère
Contestant les éléments de langage de la firme, selon laquelle “un pétrole bon marché est nécessaire pour mener à bien la transition écologique“, Alternatives Economiques dénonce cette logique commerciale. Selon le mensuel économique, les revenus issus de l’extraction pétrolière viendraient surtout remplir les poches des actionnaires. “Le groupe a annoncé en septembre 2021 une augmentation des montants des dividendes qui leur sont versés“, précise-t-on dans cet article.
- Minimiser son empreinte carbone complète
Début février 2023, le groupe a annoncé être passé de 46 à 37 tonnes d’émissions annuelles de CO2 entre 2015 et 2022, soit une diminution de près de 20% en sept ans. Elle serait donc dans les clous de son objectif de -40% d’émissions de CO2 d’ici à 2030 par rapport à 2015.
Sauf que cette diminution est un trompe-l’œil, comme l’a révélé l’ONG Reclaim Finance. Pour faire ce calcul, l’entreprise ne prend pas en compte les émissions rejetées après les phases de raffinage et de production, c’est-à-dire celles de l’usage : dans les voitures thermiques ou les usines pétrochimiques. C’est pourtant à ce stade que “l’écrasante majorité (90%) des émissions de TotalEnergies se situe“, lit-on dans Alternatives Economiques. L’empreinte carbone serait ainsi presque 10 fois supérieure à celle annoncée par le groupe, avoisinant les 400 millions de tonnes de CO2 en 2021, de l’aveu plus discret de TotalEnergies.
Le gaz, figure de proue des renouvelables pour TotalEnergies
Dernière méthode, et pas des moindres, pour afficher un bilan “vert” positif : faire passer le gaz pour “une énergie de la transition”.
Etant donné que le gaz émet moins de CO2 que le pétrole, la firme mise sur son développement pour diminuer son impact carbone tout en continuant à augmenter le volume d’énergies fossiles qu’elle vend.
Cela est clair lorsque l’on regarde les investissements programmés pour 2022-2025 : la moitié d’entre eux seront alloués à l’exploration et à la maintenance des puits de pétrole, tandis que l’autre moitié sera dédiée à “la croissance”.
Sauf qu’en allant dans le détail de ces investissements dits “de croissance”, 20% d’entre eux seront consacrés au gaz et 5% à des nouvelles molécules. “Le gaz, c’est plus facile : il s’agit d’une énergie abondante” souligne Brice Lalonde, président de l’association Equilibre des énergies interviewé dans La Croix, qui poursuit : “en remplaçant toutes les centrales à charbon par des centrales à gaz, une grande partie du problème serait résolue, à condition d’arrêter les fuites de méthane“.
Pourtant, les experts du Giec sont formels : il faut remplacer les énergies fossiles, dont fait partie le gaz, par des sources d’énergie bas carbone ou neutres pour espérer limiter la hausse mondiale des températures.
“TotalEnergies a longtemps minimisé l’importance du changement climatique. Maxime Combes, économiste à l’Observatoire des multinationales
In fine, seul 25% du budget de TotalEnergies sera finalement investi dans les énergies renouvelables et l’électricité entre 2022 et 2025, soit quasiment autant que celui dédié aux nouveaux gisements. “Ce n’est pas à la hauteur des enjeux, estime Maxime Combes, économiste à l’Observatoire des multinationales interviewé dans La Croix, qui ajoute que “ces investissements dans les énergies propres sont une façon de donner le change à l’opinion, après que l’entreprise a longtemps minimisé l’importance du changement climatique“.
Sans compter que les énergies renouvelables et l’électricité ne sont pas non plus neutres en carbone. “Le gaz s’y niche aussi, via les centrales électriques utilisant ce combustible“, lit-on dans Alternatives Economiques (voir leur graphique ci-dessous dont les données proviennent de TotalEnergies).
Maxime Combes dans La Croix déplore que “dans la stratégie de TotalEnergies, la production de renouvelables ne fait que s’ajouter à celles des fossiles”, alors qu’elle devrait les remplacer.
Pour l’économiste français, “le plus grave est que, au regard de la logique financière dans laquelle TotalEnergies est imbriqué, le groupe n’a pas d’autre choix que d’investir massivement dans le pétrole et le gaz, au risque de voir sa valorisation boursière s’effondrer”.
C’est bien là tout l’enjeu. Pour Brice Lalonde dans La Croix, les Etats ne sont pas encore prêts, a fortiori les plus riches, et on ne peut pas leur imposer d’accélérer dans la transition énergétique. “Il n’est pas possible de sortir tout de suite des énergies fossiles, ce n’est pas sérieux“, avance-t-il. “On ne peut pas dire aux pays riches d’aller plus vite dans la décarbonation. Mais comment dire aux pays pauvres qu’ils n’ont plus le droit au gaz et au pétrole ? C’est totalement injuste” s’interroge l’ancien ministre français.
TotalEnergies devant la justice pour “greenwashing”
Depuis décembre 2021, la multinationale pétrolière TotalEnergies est visée par une enquête pour “pratiques commerciales trompeuses” dans le domaine de l’environnement. Selon Mediapart, les critiques visent non seulement une stratégie de “greenwashing” mensongère ainsi que des dégradations de l’environnement dues aux activités extractives de la firme.