Depuis la crise de 2008-2011, l’évolution réglementaire et le pilotage serré des banques par la BCE rendaient le secteur financier favorable aux créanciers tandis que nous ne voyions pas vraiment de valeur pour les actionnaires, toujours compressés entre la hausse des coûts réglementaires, la faiblesse des taux et donc de la marge de transformation, et le pilotage par le risque plutôt que par la recherche de profits.
Si les résultats de ce trimestre, et probablement de cette année, avec un RoE (Return on Equity) de 0.01% pour le secteur bancaire, continuent d’aller dans cette direction et de plomber le moral des actionnaires, à juste titre, il faudra cette fois noter que les créanciers pourraient eux aussi avoir quelque raison de s’inquiéter…
En effet, qui dit rentabilité nulle pendant quelques trimestres d’affilée, assortie d’une tutelle martiale et quasi permanente de la BCE, dit probablement suppression des dividendes…
Et qui dit suppression probable des dividendes pourrait dire aussi suppression des coupons sur certains titres subordonnés bancaires…
Une suppression de coupon jetterait inutilement le discrédit sur le secteur
La question avait été vite évincée par les analystes en début d’année sur les titres de type ‘AT1’ ou ‘coco’, ceux-ci arguant que la mécanicité de ces titres venait des ratios de fonds propres et que ceux-ci étaient suffisamment élevés pour soutenir quasiment toutes les banques à l’orée de cette crise pour payer les coupons jusqu’à sa sortie. Ils notaient également souvent qu’une suppression de coupon jetterait inutilement le discrédit sur le secteur…
Si le raisonnement peut se tenir, en théorie, il oublie quelques points pratiques et l’empirisme de certains cas d’école issus de la crise de 2008-2011 :
1. Les AT1 ne sont pas les seuls titres subordonnés pouvant voir leur coupon supprimé.
2. La crise du covid et ses effets sur l’économie sont plus longs qu’anticipés en début de crise et elle pourrait affecter plus significativement les ratios bancaires qu’anticipé au T2 2020.
3. Or, dans un environnement où les ventes d’actifs ou les fusions sont difficiles (environnement politique et social complexe, crise économique, activités sans aucune rentabilité) et après avoir déjà supprimé les dividendes, les sureffectifs et les bonus des employés, les coupons des créanciers subordonnés sont la suite naturelle pour économiser les coûts.
4. Les rendements ont massivement chuté en cours d’année et la politique de la BCE risque de les maintenir bas pendant de longues années, ce qui va affecter la rentabilité des banques pendant longtemps. Or le compte de résultat d’aujourd’hui est le bilan de demain et tout créancier obligataire se doit d’anticiper les risques plusieurs années en avance, surtout sur des titres perpétuels, très sensibles…
5. En face de ces taux bas, certains secteurs traditionnellement très présents dans les prêts bancaires comportent aujourd’hui un risque majeur, comme le pétrole ou l’aviation.
6. Il est à noter également que le secteur bancaire est très disparate en termes de robustesse avec d’un côté quelques banques très solides comme Rabobank ou BNP et de l’autre des banques aux fragilités récurrentes comme Deutsche Bank (faible profitabilité), AIB (stock d’actifs de mauvaise qualité) ou Barclays (exposition au crédit consommation aux USA et Royaume Uni).
7. On soutient souvent que la suppression des coupons créerait une défiance et un risque ‘réputationnel’ pour les banques… C’est oublier la courte mémoire des marchés et son appétit immodéré pour les primes, si ténues soient-elles, en particulier dans un environnement de taux zéro…
A Propos d’Octo AM
Créée en 2011 à l’initiative d’Octo Finances et adossée au groupe Amplegest depuis 2018, Octo AM est spécialiste de la gestion obligataire ‘value’. S’adressant essentiellement aux investisseurs professionnels, qu’ils soient institutionnels ou patrimoniaux, Octo AM décline sa gestion au travers de fonds ouverts, fonds dédiés ou mandats avec un objectif permanent : rechercher les obligations offrant, selon le gérant, un rendement supérieur à son risque de crédit sur un horizon donné.