Face à l’impératif de réduire les déchets, les collectivités disposent de solutions innovantes. Découvrez comment des stratégies axées sur la tarification incitative et des contrats de performance ouvrent la voie vers une gestion plus responsable des déchets. Tout en favorisant la collaboration entre opérateurs et collectivités.
Minimiser les déchets : un défi de sobriété et d’optimisation financière
L’évolution des habitudes de vie et de consommation a entraîné une multiplication par deux des quantités de déchets générés par les ménages au cours des 40 dernières années. Les déchets, qu’ils proviennent des foyers, des bureaux, des commerces ou des espaces verts. Ils représentent un gaspillage de ressources, et leur gestion, tant en termes de collecte que de traitement, s’avère coûteuse. Afin d’optimiser l’utilisation des matières premières et de réduire les impacts environnementaux tout au long du cycle de vie des produits (de la fabrication à l’élimination). Les collectivités et leurs habitants sont appelés à ajuster leurs comportements vers une consommation plus responsable. Sylvain Waserman, Président-Directeur général de l’ADEME, souligne l’importance cruciale de la réduction des déchets. L’amélioration de leur collecte pour favoriser la transition écologique jouant un rôle essentiel en accompagnant les collectivités dans le déploiement de solutions adaptées à leur territoire.
246kg
Quantité d’OMR produite
par habitant et par an (ADEME)
41 Mt
De déchets ménagers sont produits chaque année (ADEME)
Devant les défis liés à l’impact environnemental de la consommation et à l’élimination des déchets. Les ressources continuent d’être gaspillées en l’absence de valorisation. Tandis que les coûts de collecte et de traitement deviennent de plus en plus onéreux. Cette situation découle notamment de l’augmentation du volume des déchets produits. Egalement de la mise en place de collectes séparées, et des évolutions de la fiscalité. Il devient impératif d’inverser cette tendance.
Légende : Évolution de la gestion des dépenses liées aux déchets de 2000 à 2019, en indice de base 100 (2000) et en millions d’euros.
Depuis le 1er janvier, en conformité avec le droit européen et la loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire de 2020, les collectivités sont tenues de proposer à leurs résidents une solution de tri à la source pour leurs biodéchets. Simultanément, les initiatives visant la réduction et la gestion des déchets se multiplient, s’inscrivant notamment dans la trajectoire définie par la loi AGEC :
- Réduire de 15% les quantités de déchets ménagers et assimilés produits par habitant d’ici 2030 par rapport à 2010 ;
- Réduire le gaspillage alimentaire de 50% d’ici 2025 par rapport au niveau de 2015, tant dans la distribution alimentaire et la restauration collective que dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale.
L’ordonnance de juillet 2020 s’inscrit dans la trajectoire de la loi AGEC en transposant les directives du paquet européen sur l’économie circulaire relatives aux déchets. Elle prévoit notamment d’augmenter la proportion de déchets ménagers et assimilés faisant l’objet d’une préparation en vue de la réutilisation ou du recyclage, avec des objectifs de 55% en 2025, 60% en 2030 et 65% en 2035 mesurés en masse. De plus, elle vise à réduire les quantités de déchets ménagers et assimilés admis en installation de stockage à 10% de la production totale d’ici 2035, mesurée en masse.
En parallèle, la gestion des déchets ménagers et assimilés repose actuellement sur deux logiques en contradiction : d’un côté, les prestataires de collecte et de traitement qui orientent globalement leur activité en fonction du volume de déchets collectés et traités, et de l’autre, les collectivités qui poursuivent depuis de nombreuses années des objectifs de prévention et de réduction des déchets. Pour répondre aux objectifs précédemment énoncés, et compte tenu de l’augmentation de la production de déchets, ce modèle économique doit évoluer.
Afin d’éclairer ces enjeux, l’ADEME publie aujourd’hui trois études :
- Une étude évaluant l’efficacité et l’impact de la tarification incitative : cette analyse, réalisée sur les collectivités ayant adopté la tarification incitative depuis 2013, confirme qu’elle a entraîné une baisse de 30% en moyenne des ordures ménagères résiduelles.
- Une étude qualifiant le risque d’incivilités découlant de la mise en place d’une Tarification Incitative : basée sur un échantillon de collectivités, elle montre que bien que le risque de dépôt sauvage augmente pour celles passées à la TI, les quantités de déchets en jeu restent modérées par rapport aux avantages de la tarification incitative sur la diminution des ordures ménagères résiduelles. Les dépôts sauvages représentent environ 1% des tonnages d’ordures ménagères résiduelles (environ 2kg/an/hab) alors que la TI permet de les réduire de 30% (environ -80kg/an/hab).
- Une étude explorant de nouveaux modèles contractuels encourageant les collectivités et les opérateurs de collecte et traitement des déchets à collaborer pour trouver des solutions de réduction des déchets. Une partie de la rémunération des opérateurs inclut une part variable de bonus/malus liée à la diminution des déchets.
La tarification incitative au service de l’accélération de la réduction des déchets
La tarification incitative, ou TI, constitue un modèle de financement de la gestion des déchets basé sur les quantités générées par les usagers du service. Cette approche comprend une part fixe, payée par tous les usagers, englobant un certain nombre d’accès au service, ainsi qu’une part variable, réglée en complément en fonction du niveau d’utilisation du service par chaque usager. En facturant les ménages en fonction de la quantité de déchets ultimes produits (la “poubelle grise”), la tarification incitative encourage ces derniers à limiter la production de déchets et à améliorer le tri des matériaux valorisables tels que les emballages ou les biodéchets.
L’incitatif peut être introduit par le biais de la Redevance d’Enlèvement des Ordures Ménagères (REOM), également appelée redevance incitative (RI), ou par le biais de la Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM) sous une forme incitative, appelée TEOMi. La première est facturée directement par la collectivité aux usagers, tandis que la seconde reste adossée à la taxe foncière due par les propriétaires. En conformité avec la loi sur la transition énergétique pour une croissance verte de 2015, la France vise à couvrir 25 millions de personnes par la tarification incitative d’ici 2025.
En moyenne, la tarification incitative permet de réduire de 30% les ordures ménagères résiduelles collectées et de 5% les déchets ménagers et assimilés. Cela revêt une importance particulière étant donné que 80% des ordures ménagères résiduelles sont potentiellement valorisables. Au 1er janvier 2021, 200 collectivités finançaient leur service public de gestion des déchets à travers ce modèle, avec 175 collectivités optant pour la redevance incitative (RI) et 25 pour la taxe d’enlèvement des ordures ménagères incitative (TEOMi). Ces solutions, initialement adoptées majoritairement dans des zones à habitat pavillonnaire, gagnent également en popularité au sein des agglomérations moyennes, témoignant d’une augmentation de 44% de la population concernée entre 2016 et 2021, passant de 4,6 millions à 6,6 millions.
Légende : évolution de 1997 à 2021 de la population en tarification incitative
Les collectivités en tarification incitative plus performantes que la moyenne nationale
L’ADEME dévoile les résultats de son étude intitulée « Bilan des collectivités en tarification incitative au 1er janvier 2021 », axée sur le déploiement des politiques de tarification incitative et leurs répercussions sur les flux de déchets. Cette analyse, portant sur les collectivités ayant adopté la tarification incitative depuis 2013, confirme une baisse moyenne de 30% des ordures ménagères résiduelles. En ce qui concerne l’ensemble des flux collectés, une diminution moyenne de 5% est observée, avec une augmentation des tonnages dirigés vers la valorisation matière.
En comparant les données de 2019 des collectivités en tarification incitative avec celles de collectivités de typologies similaires, l’étude de l’ADEME indique que la tarification incitative permet de :
- Réduire la production d’ordures ménagères résiduelles, atteignant 132 kg/hab/an pour les collectivités en TI, contre des moyennes nationales de 194 kg/hab/an en milieu rural et de 213 kg/hab/an en milieu mixte à dominante rurale.
- Favoriser un meilleur tri, avec une collecte plus importante d’emballages, papier et verre, atteignant 105 kg, comparé à une moyenne nationale de 93 kg/hab/an en milieu rural et de 89 kg/hab/an en milieu mixte à dominante rurale.
- Équilibrer les ratios collectés en déchèterie, se rapprochant de ceux des typologies rurales et mixtes à dominante rurale. L’impact moindre sur les flux de déchèterie s’explique par la possibilité de détourner certains déchets d’un bac individuel d’ordures ménagères résiduelles vers la déchèterie, notamment les petits encombrants, ayant un impact limité sur les tonnages collectés en déchèteries.
Parmi les collectivités ayant adopté la tarification incitative, l’étude a identifié plusieurs leviers contribuant aux meilleures performances en matière d’ordures ménagères résiduelles, notamment :
- Un tarif suffisamment élevé, dépassant les 3€ par levée, pour inciter la participation des usagers.
- La mise en place d’une collecte séparée des biodéchets.
- La réduction de la fréquence de collecte, avec le passage à une collecte toutes les 2 semaines.
Par ailleurs, les collectivités utilisant la redevance incitative affichent de meilleures performances que celles optant pour la taxe d’enlèvement des ordures ménagères incitative :
- Elles produisent 31% d’ordures ménagères résiduelles en moins que celles en TEOMi.
- Elles génèrent une collecte sélective supplémentaire de +9% et produisent environ +15% de tonnage supplémentaire en déchetterie par rapport à celles en TEOMi.
La quantité totale de déchets ménagers et assimilés, hors gravats, demeure toutefois similaire (3% de moins pour les collectivités en redevance incitative).
Les collectivités en tarification incitative présentent un coût médian de gestion des déchets inférieur de 18%. En effet, elles enregistrent un coût médian de 81,8 €/hab/an, comparé à 99,2 €/hab/an pour les collectivités sans tarification incitative. L’analyse des coûts par flux révèle que cette différence est principalement due à un coût des ordures ménagères résiduelles nettement inférieur pour les collectivités en tarification incitative, soit 37,4 €/hab/an contre 52,4 €/hab/an dans les collectivités sans tarification incitative. Cette disparité s’explique par le ratio d’ordures ménagères résiduelles significativement inférieur des collectivités en tarification incitative, leur permettant de réduire les coûts de traitement de ce flux tout en ajustant la fréquence de collecte.
L’émergence de dépôts de déchets sauvages ne se produit pas systématiquement avec l’instauration de la tarification incitative.
Pour continuer à soutenir les collectivités dans l’adoption de la tarification incitative, l’ADEME présente son étude “Tarification Incitative et Incivilités”. Cette analyse évalue l’ampleur des dépôts sauvages dans les collectivités appliquant la tarification incitative, comparativement à des territoires de référence. La majorité des dépôts sauvages examinés ont été observés près des équipements urbains de collecte des déchets. Bien que l’impact environnemental de ces dépôts sauvages soit limité, leur gestion engendre des coûts et une charge de travail supplémentaires pour les collectivités.
L’étude révèle que, dans les collectivités en tarification incitative, la quantité de dépôts sauvages d’ordures ménagères résiduelles est inférieure à 2 kg/hab/an, comparativement à moins de 0,6 kg/hab/an dans les territoires témoins. Toutefois, elle souligne que l’instauration de la tarification incitative ne conduit pas systématiquement à une augmentation des dépôts sauvages, et qu’un nombre significatif de collectivités ayant adopté ce modèle présente des niveaux de dépôts équivalents à ceux des territoires témoins (sans tarification incitative).
Trois critères principaux contribuent à l’augmentation des dépôts sauvages :
- La présence de Points d’Apport Volontaire (PAV), en particulier si ceux-ci sont sous-dimensionnés, multiplie par trois les quantités de dépôts sauvages d’ordures ménagères résiduelles.
- Les modalités de mise en œuvre de la tarification incitative, notamment un nombre de levées incluses dans la part fixe inférieur ou égal à 12 par an, semblent accroître la présence de dépôts sauvages.
- Un défaut de communication adaptée aux nouvelles modalités de collecte.
Ainsi, certains territoires en tarification incitative ont réussi à maintenir la présence de dépôts sauvages d’ordures ménagères résiduelles à des niveaux comparables à ceux des collectivités témoins. Cette maîtrise dépend notamment des modalités de gestion des déchets, telles que la collecte en porte-à-porte par rapport à la collecte en apport volontaire, ou un nombre de levées minimum supérieur à 12 par an. Malgré tout, il est crucial de rester vigilant face aux incivilités lors de la mise en place de la tarification incitative, en particulier lors de l’augmentation de la desserte en apport volontaire ou lors de la détermination du nombre minimum de levées pour la collecte en porte à porte.
l’innovation dans la gestion des déchets : une évolution collaborative des opérateurs et des collectivités pour limiter la production des déchets
Actuellement, les opérateurs en charge de la collecte et du traitement des déchets sont principalement rétribués en fonction du volume total de déchets qu’ils gèrent pour le compte des collectivités. Leur rémunération est donc proportionnelle à l’ampleur des déchets traités. Les contrats de performance pour la gestion des déchets ménagers et assimilés, qui lient ces acteurs, doivent désormais intégrer deux aspects cruciaux : les objectifs de prévention et une collaboration effective entre toutes les parties impliquées. Ces contrats, incluant pour la première fois la prévention, jouent un rôle clé dans la réalisation des objectifs de réduction. Cette transformation des contrats vise à redéfinir les rôles entre collectivités et opérateurs, notamment en ce qui concerne les objectifs de prévention, favorisant ainsi une relation contractuelle plus étroite. Pour Pierre Galio, chef du service Consommation Responsable à l’ADEME, cette transition vers un modèle de Contrat de Performance et de Développement de la Maîtrise des Déchets (CPDMA) implique un changement fondamental dans le fonctionnement. Les contrats de collecte traditionnels doivent évoluer vers une coopération continue, intégrant les objectifs de prévention, avec une implication élargie d’acteurs pour favoriser une réduction des déchets, tout en préservant les intérêts économiques et en évitant l’accroissement des déchets.
Le contrat de performance des déchets ménagers et assimilés (CPDMA) : qu’est-ce que c’est ?
Le CPDMA a pour objectif d’instaurer un modèle contractuel novateur en incorporant des objectifs de prévention dans la gestion des déchets. Il vise à transformer les modalités contractuelles classiques de la gestion des déchets, en orientant les acteurs locaux vers des buts tels que la réduction des déchets, la préservation des ressources, et l’exploration d’impacts sociaux positifs tels que l’insertion. Cette initiative cherche à remplacer les contrats centrés principalement sur le volume de déchets collectés et traités par des contrats intégrant ces objectifs environnementaux et sociaux.
L’ADEME présente une étude basée sur une expérimentation de plus de trois ans avec quatre collectivités.
- Communauté d’agglomération du Grand Montauban (78 000 habitants, mixte urbain) : CPDMA en cours depuis le 1er janvier 2022.
- Communauté de communes du Bassin de Pompey (40 000 habitants, mixte urbain) : CPDMA en cours depuis le 1er janvier 2023.
- Valence Romans Agglomération (222 000 habitants, urbain) : CPDMA en cours depuis le 1er janvier 2023.
- SIVED Nouvelle Génération (100 000 habitants, mixte rural).
Cette expérimentation met en lumière plusieurs enseignements majeurs pour une mise en place réussie des CPDMA :
- Une phase préparatoire essentielle impliquant l’identification des parties prenantes, le partage des objectifs et des expertises respectives.
- L’utilisation d’une procédure de dialogue compétitif, basée sur un cahier des charges clair intégrant les attentes et objectifs de la collectivité, notamment la réduction des déchets.
- L’introduction d’un bonus-malus financier comme accélérateur, en impliquant la coconstruction des objectifs à atteindre lors du dialogue compétitif. Le plafonnement des bonus-malus dépend également de leur impact sur le montant des prestations.
- L’engagement croissant des opérateurs dans la prévention, traditionnellement sous la responsabilité des collectivités, favorisant ainsi le partage de bonnes pratiques et d’expériences.
Zoom sur le projet de la communauté d’agglomération du grand montauban
La communauté a initié un dialogue compétitif pour collaborer avec les candidats à la création du nouveau contrat, en se basant sur un programme fonctionnel des besoins ouvert aux solutions envisageables. Le Grand Montauban s’est fixé l’objectif de réduire son ratio de déchets de 607 kg/hab. en 2019 à 532 kg/hab. d’ici 2028. Ces objectifs de diminution des tonnages visent à assurer une maîtrise durable des coûts de gestion des déchets ménagers et assimilés.
Ainsi, d’ici 2028 au plus tard, en cas d’atteinte des performances prévues, le Grand Montauban aura réduit son ratio de déchets ménagers et assimilés d’au moins 10% par rapport à 2018.
À noter que les résultats après un an d’expérimentation sont significatifs, s’inscrivant dans un contexte national de baisse générale de la production de déchets :
- Diminution de 8% des ordures ménagères résiduelles ;
- Réduction de 5% dans la collecte sélective ;
- Baisse de 15% des déchets verts ;
- Diminution de 33% des encombrants.
L’énergie du changement, un thème à surveiller de près : BNY Mellon.