La décarbonisation des infrastructures existantes permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’accroître le rendement des investissements.
Décideurs politiques, régulateurs financiers, ONG et organismes professionnels ont tous en ligne de mire les avantages et les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Une pléthore de recommandations, de directives et d’orientations ont été publiées récemment dans le but d’encourager les détenteurs d’actifs à renforcer l’intégration ESG dans leurs processus d’investissement, et pour cause. L’investisseur tirera des rendements plus durables de sociétés habilement gérées qui, grâce à leurs capacités de gestion ESG reconnues, sont moins exposées au risque opérationnel, réglementaire et de réputation.
Pourtant, certains institutionnels ont encore la conviction qu’investir de façon responsable revient à sacrifier une partie du rendement financier et de la diversification de leurs placements. Mais tandis que les études sont de plus en plus nombreuses à confirmer l’impact positif de l’investissement durable sur les rendements corrigés du risque, l’idée de considérer comme irresponsable une entreprise ou une institution qui n’investit pas de manière responsable commence à faire consensus auprès de l’ensemble des parties prenantes. Reste donc à convaincre les investisseurs institutionnels dont la force de frappe financière et le pouvoir de discrétion en matière de gestion d’actifs peuvent faire une réelle différence pour la société et l’environnement.
Les infrastructures tiennent avant tout leur réputation de rendements stables à long terme, d’une volatilité faible et de leurs vertus en termes de protection contre l’inflation. C’est oublier qu’elles peuvent également offrir des avantages considérables sur le plan social et environnemental, l’impact sans doute le plus pérenne d’un investissement dans ce type d’actifs.
Les Objectifs de développement durable des Nations unies (ODD des Nations unies) sont un cadre idéal pour investir dans une optique plus durable, tant pour les investisseurs que pour les gouvernements. Pour répondre aux priorités de développement mondiales définies par ces 17 objectifs, des investissements importants devront être réalisés dans des infrastructures durables.
L’idée d’un permis social d’exploitation fait son chemin et les acteurs du marché des infrastructures sont de plus en plus nombreux à l’adopter. Les investissements dans l’infrastructure peuvent contribuer de manière considérable à réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en renforçant la capacité des pays à faire face aux changements climatiques. Ils trouvent ainsi leur place dans l’agenda climatique et peuvent aider à construire un avenir plus durable.
Les énergies renouvelables ne sont pas la panacée
Si l’énergie verte vient immédiatement à l’esprit comme une solution évidente, elle n’est malheureusement pas un remède universel. Nul ne conteste qu’il est urgent de réorienter les capitaux vers des activités qui soutiennent le développement d’une économie neutre en carbone. Mais le battage médiatique qui tend à élever les technologies de production d’énergie renouvelable au rang de panacée risque de nous faire croire qu’elles pourront à elles seules venir à bout du changement climatique. Pour autant que les risques climatiques soient reconnus comme de véritables risques d’investissement et pris en compte dans toutes les décisions en matière d’infrastructures, l’investissement dans des moyens de transport et des bâtiments plus propres, des systèmes de gestion des eaux plus efficaces ou des infrastructures plus intelligentes et plus résilientes deviendra source de rendements à long terme plus pérennes.
Depuis 2012, la production d’énergie renouvelable a augmenté de 8,6%1 par an (hors hydraulique et nucléaire). Pour l’heure, cette capacité supplémentaire n’a pas permis de compenser la croissance de la consommation d’énergie fossile. Encore jeune et peu développée, la production d’énergie propre pourrait cela dit croître de façon exponentielle. Mais à l’échelle mondiale, l’industrie, les transports et le chauffage des bâtiments reposent encore largement sur les combustibles fossiles, dont la combustion produit un volume total d’émissions de CO2 plus que suffisant pour compromettre les objectifs climatiques de Paris.
La décarbonisation des infrastructures existantes et d’autres secteurs industriels est une nécessité absolue si nous voulons atteindre les ODD d’ici 2030. Elle permettra certainement de réduire l’impact environnemental des actifs et des entreprises, tout en assurant les rendements constants à long terme qui font la réputation de la classe d’actifs.
De l’énergie propre au transport propre : vers plus de durabilité
Penchons-nous un instant sur l’environnement bâti et voyons comment il est chauffé et refroidi. En Europe, les bâtiments génèrent environ 40% des émissions totales de dioxyde de carbone2. Au niveau mondial, les équipements qui fonctionnent à l’énergie fossile représentent plus de 50%3 des ventes liées au chauffage et au refroidissement des bâtiments. Quant au chauffage électrique, moins efficace et plus conventionnel, il compte pour 30% supplémentaires4. Nul doute que les dispositifs écoénergétiques, tels que les pompes à chaleur et des pratiques de construction plus durables viendront changer la donne. Les bâtiments certifiés « Or » en vertu du programme LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) peuvent générer jusqu’à 34%5 d’émissions de gaz à effet de serre en moins par rapport à un immeuble commercial moyen. Côté investissement aussi, l’argument est convaincant : sur un cycle de vie de 20 ans, les économies réalisées sont 12 à 17 fois6 supérieures aux coûts.
L’investissement dans des infrastructures de transport durables est lui aussi vital. A l’échelle mondiale, ce secteur est responsable de près d’un quart7 des émissions dégagées par les combustibles fossiles aux fins de la production d’énergie et de près de 16% de l’ensemble des émissions provenant des activités humaines. Le pétrole est utilisé par une vaste majorité du secteur du transport (92% du mix énergétique8), qui consomme à lui seul 61% des réserves mondiales.
Cela peut sembler paradoxal, mais les axes de développement en termes de transport ne concernent pas tant les « gadgets » technologiques tels que les véhicules autonomes que les sphères traditionnelles, à savoir les aéroports (et l’aviation au sens large) et les installations portuaires. L’aviation représente actuellement entre 2% et 2,5% des émissions de CO2 mondiales et 12%1 de celles produites par le secteur du transport.
Le développement des aéroports a un rôle important à jouer en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, grâce à l’application de redevances visant à encourager des modes de combustion plus efficaces. Le carburant aviation durable permet de réduire de 80% les émissions de CO2 par rapport au carburant standard actuel. Mais ce n’est pas là le seul moyen d’atténuer l’impact environnemental des aéroports. D’autres améliorations sont possibles, avec à la clé des avantages supplémentaires sur le plan financier et social. Pensons par exemple au développement d’un réseau de transport électrique depuis et vers l’aéroport, au transport des passagers à bord de bus électriques entre la porte d’embarquement et l’avion, à l’installation d’un éclairage LED, à l’amélioration des systèmes de mesurage, de surveillance et de contrôle, à l’optimisation des systèmes de chauffage et de refroidissement et à l’introduction de techniques de correction du facteur de puissance. Les aéroports pourraient en outre produire leur propre énergie renouvelable pour alimenter leurs systèmes de récupération et de gestion des déchets et de l’eau. Compte tenu de la vitesse à laquelle le trafic aérien se développe (il double de volume tous les 15 ans1), le potentiel de rendement de ces investissements durables est considérable.
Les infrastructures portuaires sont elles aussi source d’opportunités pour les investisseurs responsables. La part du transport maritime dans les échanges mondiaux tourne autour de 90%1. Bien que représentant un volume d’émissions élevé en termes absolus, le bateau reste un moyen de transport extrêmement efficace sur le plan de l’énergie consommée et des rejets de CO2. Les exigences en matière d’efficacité énergétique – qui visent notamment à limiter la teneur en soufre du carburant – se durcissent à une cadence effrénée. Certains navires réduisent leurs émissions en installant des systèmes de filtrage des gaz d’échappement ou des épurateurs, dont le montage et la maintenance sont assurés à quai. A noter également que de nombreux armateurs se tournent vers le gaz naturel liquéfié comme source d’énergie. Là aussi, des projets d’infrastructure à grande échelle sont nécessaires pour aménager les ports existants ou en développer de nouveaux.
Infrastructures durables : des bienfaits pour l’environnement, mais pas seulement
Il ne faudrait pas oublier que les infrastructures présentent également des avantages considérables sur le plan social. Le MGI estime que chaque livre investie dans les infrastructures rapporte 20 pence en termes d’avantages socioéconomiques. Dans les grands projets d’infrastructure, investir c’est aussi travailler en étroite collaboration avec les gouvernements locaux et les communautés afin de maximiser la dimension sociale d’un investissement (la création d’emplois par exemple). Sans investissement dans des infrastructures durables, ces projets ne peuvent pas exister, ce qui engendre un coût important sur le plan social et économique. Ainsi, si l’on n’agrandit pas les aéroports européens pour satisfaire une demande croissante, ce sont près de 96,7 milliards EUR de retombées économiques qui s’envoleront en fumée.
Et mon portefeuille dans tout ça ?
En matière d’infrastructures, il nous semble essentiel que les investissements soient structurés de manière à ce que les capitaux puissent être déployés de façon flexible au fil du temps. Les grands projets de développement durable tels que l’électrification ou le remplacement de bateaux, par exemple, s’inscrivent dans des délais assez longs, qui cadrent difficilement avec le principe d’une échéance fixe des fonds dits fermés.
Forts de cette conviction, nous avons élaboré la première stratégie d’infrastructure « evergreen » en Europe, qui cible des actifs d’infrastructure européens non cotés de taille moyenne en intégrant des considérations relatives au développement durable. Nous avons conçu une stratégie capable d’acquérir, de détenir et de gérer un portefeuille d’actifs d’infrastructure de base sur le long terme, qui rapproche la durée de vie naturelle des actifs d’infrastructure et les horizons de placement des investisseurs.
Nous adoptons une approche systématique pour évaluer et intégrer les considérations de durabilité à toutes les étapes du processus d’investissement : depuis les premières démarches de recherche et de sélection des actifs, et aussi longtemps que le titre est détenu, dans le cadre d’une gestion active. L’objectif sous-jacent est de développer nos actifs par l’amélioration des pratiques opérationnelles et la maximisation des résultats en termes de développement durable. Ces résultats sont confrontés aux 17 ODD des Nations unies et leurs 169 objectifs sous-jacents.
Nous tenons également compte explicitement de l’incidence financière de tout risque ESG sur les rendements financiers au moyen d’une analyse financière du scénario et de la sensibilité cibles. Un exemple souvent négligé de risque d’investissement lié au climat est celui des dommages matériels ou de la destruction résultant des changements climatiques et des phénomènes météorologiques extrêmes, qui peuvent avoir un impact négatif sur les rendements financiers s’ils ne sont pas correctement évalués et pris en compte. Même la production d’énergie renouvelable est sensible aux aléas climatiques tels que les sécheresses et les vagues de chaleur (système de refroidissement moins efficace, manque d’eau pour le nettoyage, par exemple). L’asphalte des routes peut fondre, les rails de chemins de fer se déformer, ou être endommagés par des inondations. Ces exemples d’impact direct sur les coûts d’entretien et les rendements financiers existent dans tous les secteurs d’infrastructure.
Ajoutons que nous comptons parmi les rares acteurs de l’industrie à associer gouvernance financière et système d’intégration ESG robuste. Nous nous appuyons sur les meilleures pratiques, y compris le cadre de matérialité du SASB et le modèle ESG élaboré par la Banque néerlandaise de développement (FMO). Le modèle de la FMO repose sur les normes de performance établies par l’IFC (Banque mondiale) et l’institution britannique de financement du développement, la CDC.
Notre stratégie d’investissement dans les infrastructures entend fournir une marge de manœuvre suffisante à des fins de diversification et d’ajustement du portefeuille. Notre capacité à investir en permanence dans nos entreprises cibles garantit une grande réactivité face à l’évolution de la technologie, de la législation et des contrats d’exploitation, qui est susceptible de redessiner très rapidement les frontières commerciales.
L’urgence des défis sociaux et climatiques actuels, ainsi que l’importance croissante de la responsabilité sociale des entreprises, changeront à n’en pas douter le visage de l’investissement dans les infrastructures. Nombre d’actifs d’infrastructures ont une durée de vie de 50 ans ou plus, ce qui signifie que toute décision d’investissement prise aujourd’hui aura des répercussions durables, non seulement sur le rendement des investisseurs, mais également sur l’environnement et la société. Par leurs décisions d’allocation et de redéploiement des capitaux, les investisseurs ont un rôle important à jouer dans la protection de notre environnement et le développement de notre société. Si les efforts en faveur d’une énergie plus propre sont à n’en pas douter un axe de développement important, l’investisseur gardera à l’esprit que la décarbonisation des actifs d’infrastructure est source non seulement d’opportunités financières, mais aussi de bienfaits pour la société.