On est en guerre !
Tous les jours, on regarde, on partage, on lit, on retweet et parfois on fait … si peu. Nous sommes en guerre et nous faisons comme si de rien n’était ou presque …
Notre société ne se sent pas en guerre, nous ne nous sentons pas en guerre. Notre ventre n’a pas faim et nos sens ne sont pas constamment aux aguets, à redouter le prochain bombardement,
“On a le temps”…
Non, absolument pas ! On a surement plein de choses mais en aucun cas nous n’avons “du temps”. Le temps, ici, joue contre nous.
La guerre climatique fait rage, avec une puissance et une violence inégalées. Notre mutisme et notre inaction, qu’ils soient individuels ou collectifs, ne signifient pas que la guerre n’a pas commencé. Ils ne signifient qu’une chose : nous sommes en train de la perdre … ou plutôt de nous faire laminer…
Et le meilleur moyen d’être complètement certains de perdre une guerre a toujours été de ne pas savoir qu’elle avait lieu.
L ’Australie se transforme en incendie géant. Les habitants de Sydney vivent dans un brouillard constant depuis des semaines. Cela fait plusieurs années que les australiens ne savent même plus quelle couleur inventer pour pouvoir rendre compte des températures qui ne cessent d’établir des records. Après le rouge vif, ils ont opté pour le violet, ensuite ils vont être emmerdés, l’ultra-violet étant indétectable par l’œil humain.
Et au lieu de se rendre à l’ “évidence” et de se dire que le combat de l’humanité pour l’humanité est en cours, que nous devrions réunir toutes nos forces et tout notre courage pour ce qui s’annonce être la guerre la plus difficile et en même temps la plus juste que l’humanité ait connue, nous continuons à fermer les yeux, à laisser faire et même pire nous continuons à ne pas faire le lien.
Il est encore des articles qui parlent d’événements climatiques extrêmes sans évoquer le contexte du changement climatique… Comme si nous parlions des crises financières sans évoquer les banques …
Et s’il nous est si difficile de faire le lien pour quelque chose d’aussi climatiquement évident que ces dantesques incendies, qu’en est-il pour un accord comme le CETA qui devrait être considéré comme un crime climatique et donc comme un crime contre l’humanité ?
Qu’en est-il pour le lien direct entre la poursuite de la croissance du PIB et l’augmentation inexorable des émissions des gaz à effet de serre ?
Qu’en est-il du lien entre les incendies en Russie en 2010 qui ont entraîné l’envolée des prix des céréales et les conséquences géo-politiques sur le bassin méditerranéen qu’on a ensuite joliment appelé le “printemps arabe” ?
Notre monde hyper connecté s’embrase et nous, nous ne connectons toujours pas …
La première étape d’une guerre, c’est la “mobilisation générale” de toutes les forces vives dont on dispose. Hélas, le placardage n’a cette fois-ci pas fonctionné comme on aurait pu s’y attendre.
Nous n’avons pas écouté les scientifiques qui ont eu tort de croire qu’il était possible de susciter la bonne réaction en étant transparents sur les micro-incertitudes et le scepticisme inhérents à la science. Dans ces micro-incertitudes, s’est glissée notre titanesque inertie et notre espoir :
“Tout ira bien sans rien changer !”
Surprise, surprise !!!
Tout n’est pas allé bien
Tout ne va pas bien …
Et tout n’ira pas mieux si nous ne changeons pas RA-DI-CA-LE-MENT !
Tant que nous ne serons pas tous persuadés que la guerre fait rage,
Tant que chaque incendie, chaque inondation, chaque ouragan aujourd’hui ne résonne pas en nous comme le faisait un bombardement hier,
Tant qu’une décision politique qui ne prend pas en compte les émissions de gaz à effet de serre induites (cf CETA) ne nous révolte pas aujourd’hui comme nous révoltait une trahison hier,
Tant que nous continuons à fermer les yeux sur les crimes contre le climat aujourd’hui comme nous les avons fermés sur les camps d’extermination hier,
Tant qu’un grand nombre d’entre nous ne s’implique pas avec la même intransigeance dans la résistance d’aujourd’hui que certains de nos grands-parents hier,
Tant que nous ne réalisons pas que notre époque exige que nos arbitrages soient rendus au travers d’un prisme climatique forcément imparfait et manichéen mais qui nous donnera, peut-être, la possibilité de vivre demain dans un monde nuancé,
Tant que nous ne réalisons pas que notre inaction, notre mollesse d’aujourd’hui nous condamnent à une barbarie qui demain, n’aura rien de mou,
Tant que nous ne réalisons pas que notre non-guerre d’aujourd’hui est bien plus tragique et criminelle que la très moquée “drôle de guerre” d’hier,
Tant que nous ne réalisons pas que pour l’instant, nous sommes tous les fantassins tétraplégiques d’une guerre en cours,
Tant que nous ne réalisons pas que nos armes, c’est notre capacité à nous révolter, à devenir imprévisibles, à ne RIEN laisser passer, à hurler et à vouloir TOUT transformer,
Tant que nous ne réalisons pas que notre meilleure chance de construire un avenir, c’est de saisir que “par défaut” et sans rien faire, nous n’en avons pas …
Tant que nous ne réalisons pas que chaque instant où nous ne menons pas cette guerre aujourd’hui, nous condamnons ceux qui auront la chance d’être là demain à des atrocités plus inhumaines encore,
Tant que nous ne réalisons pas que le chaos guette, non pas nos enfants, mais nous tous etqu’il n’attendra pas notre retraite illusoire,
Tant que nous ne réalisons pas qu’il ne s’agit pas juste de la préservation des ours polaires, de l’arctique et des états insulaires,
Tant que nous ne réalisons pas que notre confort se base sur un écosystème global et infiniment complexe qu’on mitraille tous les jours de plus en plus violemment,
Tant que nous ne réalisons pas que chacun de nos choix quotidiens constituent une partie de la guerre qui fait rage et que par conséquent on se tire bien trop de balles dans les pieds,
Tant que nous ne réalisons pas que “nous”, membres privilégiés de parties du monde privilégiées allons de notre vivant ressentir dans notre chair le chaos dans lequel le désordre climatique va plonger l’humanité,
Tant que nous ne réalisons pas les conséquences concrètes sur nos existences de ce que les scientifiques clament de plus en plus haut et fort “le cataclysme c’est maintenant”
Tant que nous ne réalisons pas que l’humanité n’a actuellement pas le dixième du millième de la technologie qui pourrait lui permettre d’absorber le choc,
Tant que nous ne réalisons pas qu’une grave contrainte énergétique nous pend au nez et que lorsque nous prendrons sa foudre, ça sera, par définition, au pire des moments,
Tant que nous ne réalisons pas que vouloir gagner la guerre sans les possibilités de la technique aujourd’hui, c’est comme vouloir gagner sans les avions hier,
Tant que nous ne réalisons pas que de la même manière, vouloir gagner la guerre sans la puissance de la sobriété et des changements comportementaux, c’est comme vouloir gagner la guerre sans l’aide de l’URSS hier,
Tant que nous ne réalisons pas que ces batailles climatiques devront envahir tous les instants de nos existences si nous voulons avoir un espoir de vaincre,
Tant que nous ne réalisons pas qu’il est aussi aberrant et immoral d’investir dans les industries fossiles aujourd’hui qu’investir dans une usine de Panzer en 1942
Tant que nous ne réalisons pas que pour la première fois, l’humanité a la « chance » de pouvoir se battre ensemble et que peut-être, pour la première fois, une guerre constitue un progrès,
Tant que nous ne réalisons pas que par demain, on veut littéralement dire “demain” : 2020–2040,
Tant que nous ne réalisons pas qu’on aurait aussi bien pu dire “hier” car tout ça a finalement déjà commencé,
Tant que nous ne réalisons pas que notre laisser faire d’aujourd’hui façonne la barbarie de demain,
Tant que nous ne réalisons pas tout ça,
Fuyons le regard de nos enfants que nous condamnons à devenir au mieux des victimes et au pire des bourreaux,
De la même manière, supprimons tous les miroirs car croiser notre propre regard sera de plus en plus difficile,
Ne prononçons plus le mot avenir. Même Kim Jong Un a la décence de ne pas parler de gouvernance participative…
Acceptons et assumons que nous sommes en train de nous condamner à un suicide dans la torture,
Et sinon,
Si, vraiment, ce n’est pas ce que nous voulons faire,
Si vraiment nous ne voulons pas sombrer dans la bestialité d’un effondrement
Alors révoltons nous !
Nous qui sommes convaincus de la possibilité de l’effondrement et de la barbarie qu’il impliquerait, nous devons tous nous enflammer tel un bush australien. Notre vie doit être toute entière, consacrée à cette guerre d’un nouveau genre.
Arrêtons de nous plier pour que nos discours soient acceptables par les gens qui ne veulent pas se sentir en guerre. Nos observations se veulent être une peinture fidèle de la réalité et ils ne sont intéressés ni par la peinture, ni par la réalité.
Intégrons à nos stratégies et à nos actions que la meilleure raison de continuer à refuser l’évidence de la guerre climatique en 2020, c’est simplement de “ne pas vouloir” la voir :
“Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir”
Cessons par conséquent de consacrer notre énergie aux aveugles en voulant les convaincre avec de nouvelles études et de nouvelles données, eux qui n’ont pas daigné regarder les précédentes.
Arrêtons d’être ébranlés par notre soi-disant extrêmisme, les mêmes qui nous qualifient de la sorte seront les premiers à réagir bestialement quand ils commenceront à entendre les balles siffler et nous savons que ce temps viendra.
Renonçons à convaincre tout le monde. Une société n’a jamais eu besoin que “tout le monde” soit convaincu pour faire basculer ses croyances et ses paradigmes. Concentrons nos actions pour atteindre la masse critique dans un environnement qui, hélas, nous rappellera de plus en plus clairement et violemment qu’une guerre globale est en cours et ceux bien que nous en détournions le regard.
Certes nous n’avons pas choisi notre époque, mais nous choisissons par contre de ne pas réagir aux événements qui la composent.
Cette guerre contre le changement climatique peut nous rassembler tous d’une manière aussi belle qu’évidente.
Pour continuer la route de l’humanité, nous devons franchir un obstacle tel que jamais nous n’en avons rencontré. Jamais au cours de l’humanité un obstacle ne fut aussi “éco-systémique”, “global” et “larvé dans les comportements de chacun” que le changement climatique. Pour vaincre, nous devons, plus que jamais, nous mettre en état de guerre totale et unilatérale.
Il s’agit d’une guerre contre un effondrement aussi global que barbare,
Mais il s’agit surtout,
D’une guerre pour parvenir à accéder à la prochaine étape de l’humanité,
Une guerre pour que notre société mondiale devienne assez mature pour prendre soin des éco-systèmes dont elle dépend,
Une guerre pour une science qui soit au service de visions sociétales long terme plutôt qu’à la production de bandages éphémères,
Que faire alors ? Par où commencer ?
Quelles que soient les batailles que nous choisirons, nous devons avant tout amplifier la mobilisation mondiale.
Nous devons rappeler en permanence, dans les discussions, sous les articles, sous les tweets, à chacune de nos actions, à chacune de nos respirations, le contexte de la guerre climatique.
La IIIème guerre mondiale ne sera pas celle qui poussera sur la mésentente entre les USA et l’Iran car la IIIème guerre mondiale a déjà commencé depuis longtemps. Elle est partout et pousse sur le terreau incroyablement plus fertile qu’est le changement climatique.
A nous de dénoncer l’enrichissement de ce terreau avec force, rage et intransigeance. Rassemblons nous et mobilisons nous sous cette cette certitude que la guerre climatique en cours n’est rien d’autre que la 3ème guerre mondiale. #ClimateIsWWIII