Le 3ème volet du rapport du Giec met avant le peu de temps qu’il nous reste pour pouvoir contrer certains effets de nos politiques actuelles afin d’envisager de pouvoir lutter efficacement contre la précarité énergétique.
Alix Chosson réagit sur la sortie du rapport du GIEC
Le temps presse
Chaque année, si nous ne prenons pas de mesures appropriées, nous dépensons un peu plus de notre précieux budget carbone. Le temps presse et la fenêtre d’action est désormais très étroite. Si nous n’agissons pas, nous pourrions avoir dépensé ce qui reste du budget carbone cumulé de 1,5°C d’ici 2027-2028. Cela revient à pousser notre monde au-delà des limites planétaires et des doutes croissants pèsent sur notre capacité à nous adapter, même à un monde à 2 °C.
La plupart des mesures et des technologies à faible émission de carbone nécessaires pour que les émissions atteignent un pic d’ici à 2025, puis soient réduites de moitié d’ici à 2030, existent déjà et sont pour la plupart économiquement viables. Ce qu’il faut, c’est une action gouvernementale très claire et décisive, afin de faire d’un monde à faible émission de carbone la seule option viable.
L’éléphant dans la pièce reste notre dépendance aux combustibles fossiles, qui doit diminuer de manière significative, tout en permettant à davantage de personnes sur cette planète d’avoir accès à l’énergie. C’est là l’enjeu de la transition énergétique.
Il est crucial d’insister sur le fait que le zéro net d’ici 2050 n’est pas suffisant en soi. Ce qu’il faut, c’est une trajectoire de décarbonisation, sans dépassement ou avec un dépassement limité de notre budget carbone, qui amène notre monde à des émissions nettes nulles d’ici 2050. D’une certaine manière, la trajectoire est encore plus importante que le point final, et c’est là le véritable enjeu de cette nouvelle sonnette d’alarme tirée par les climatologues.
Lutter efficacement contre la précarité énergétique
Se chauffer au gaz ou à l’électricité, dans des logements peu performants énergétiquement, va devenir un luxe que beaucoup de ménages français ne pourront pas se permettre. Face à la hausse des tarifs des énergies – plus 41 % pour le gaz et plus 3 % pour l’électricité en 2021(selon l’Insee), avant même les conséquences de la guerre en Ukraine – les phénomènes de privations, d’inconfort liés au froid dans les logements et les difficultés à payer les factures augmentent en France.
Une précarité énergétique qui touche déjà 5,8 millions de foyers, ceux-là même qui peinent à chauffer leur logement, malgré les aides reçues sous forme de chèque énergie. Pour beaucoup, ils se retrouvent piégés dans ces passoires énergétiques, faute de moyens suffisants pour les rénover ou déménager.
Une crise qui va s’éterniser
Si rien n’est fait, cette réalité sociale alarmante risque de s’aggraver : la crise énergétique et climatique mondiale à laquelle notre pays est confronté – augmentation de la demande, difficultés d’approvisionnements et hausse des prix – va avoir des répercussions pendant plusieurs années, aggravant toujours plus les restrictions volontaires ou privations que mettent en place les familles en précarité énergétique pour limiter les montants de factures. Ces privations augmentent très fortement les risques liés à la santé des habitants les plus modestes de ces logements sous-chauffés. Giec
Pour un grand nombre de français aux revenus moyens, déjà sur le fil chaque mois pour payer leurs factures, la hausse vertigineuse des prix de l’énergie va inéluctablement les faire basculer dans la précarité énergétique. Déjà en 2021, le nombre de coupures pour impayés s’établit au niveau record de 785 000 ce qui laisse présager du pire pour 2022.
Le “Bouclier Energie” est la seule solution à terme pour protéger les habitants et les entreprises grâce à la réduction des factures d’énergie dans le logement.
Des factures d’énergies diminuées de quatre à six fois leurs montants actuels, des dizaines de milliers d’emplois créés et des filières industrielles préservées en France : tout cela est possible si les forces politiques françaises s’engagent toutes résolument dans le soutien massif et de longue durée aux rénovations globales et performantes des logements des français.
Selon le scénario Rénovons 2020 : la rénovation des 7 millions de passoires énergétiques en France dans les dix prochaines années permet de faire économiser plus de 10 milliards d’euros par an aux Français sur leurs factures de chauffage, soit près de 1100 euros par foyer/ an. Giec
Pour la France cela permettrait de réduire de plus de 2 milliards d’euros / an le déficit commercial énergétique soit autant d’argent supplémentaire à consacrer à la rénovation performante des logements.
Ni fiction, ni exagération
À moins que des mesures ne soient prises rapidement, certaines grandes villes seront sous les eaux, a déclaré M. Guterres dans un message vidéo. Il a mis en garde également contre « des vagues de chaleur sans précédent, des tempêtes terrifiantes, des pénuries d’eau généralisées et l’extinction d’un million d’espèces de plantes et d’animaux ».
« Ce n’est ni une fiction ni une exagération. C’est ce qui résultera de nos politiques énergétiques actuelles, nous dit la science. Nous sommes sur la voie d’un réchauffement climatique de plus du double de la limite de 1,5 degré (Celsius) » qui a été convenue à Paris en 2015, a ajouté le chef de l’ONU.
Fournissant la preuve scientifique pour étayer cette évaluation accablante, le rapport du GIEC – rédigé par des centaines d’éminents scientifiques et approuvé par 195 pays – note que les émissions de gaz à effet de serre générées par l’activité humaine ont augmenté depuis 2010 « dans tous les principaux secteurs du monde ».
Le rôle des villes
Une part croissante des émissions peut être attribuée aux villes, selon les auteurs du rapport, ajoutant de manière tout aussi inquiétante que les réductions d’émissions au cours de la dernière décennie « ont été inférieures à l’augmentation des émissions, en raison de la hausse des niveaux d’activité mondiaux dans l’industrie, l’approvisionnement en énergie, les transports, l’agriculture et les bâtiments ».
Dans une note plus positive – et insistant sur le fait qu’il est encore possible de réduire de moitié les émissions d’ici 2030 – le GIEC exhorte les gouvernements à intensifier leurs actions pour réduire les émissions.
Le groupe d’experts salue également la baisse significative du coût des sources d’énergie renouvelables depuis 2010, jusqu’à 85% pour l’énergie solaire et éolienne, et les batteries.
Encourager l’action climatique
Nous sommes à la croisée des chemins. Les décisions que nous prenons maintenant peuvent garantir un avenir viable », a déclaré le Président du GIEC, Hoesung Lee. « Je suis encouragé par les mesures climatiques prises dans de nombreux pays. Il existe des politiques, des réglementations et des instruments de marché qui s’avèrent efficaces. Si ceux-ci sont étendus et appliqués plus largement et équitablement, ils peuvent soutenir des réductions importantes des émissions et stimuler l’innovation ».
Repenser les villes
Parmi les solutions durables et anti-émissions à la disposition des gouvernements, le rapport du GIEC souligne que repenser le fonctionnement futur des villes et autres zones urbaines pourrait contribuer de manière significative à atténuer les pires effets du changement climatique.
« Ces (réductions) peuvent être obtenues grâce à une consommation d’énergie réduite (par exemple en créant des villes compactes et piétonnes), à l’électrification des transports en combinaison avec des sources d’énergie à faibles émissions et à une meilleure absorption et stockage du carbone en utilisant la nature », suggère le rapport.
Faisant écho à ce message, le coprésident du groupe de travail III du GIEC, Priyadarshi Shukla, a insisté sur le fait que « les bonnes politiques, infrastructures et technologies… pour permettre des changements dans nos modes de vie et nos comportements, peuvent entraîner une réduction de 40 à 70% des émissions de gaz à effet de serre en 2050 ». « Les preuves montrent également que ces changements de mode de vie peuvent améliorer notre santé et notre bien-être », a-t-il ajouté.