L’Union européenne, réunie en sommet à Bruxelles, a confirmé ce jeudi 23 juin la candidature de l’Ukraine. Une étape symbolique près de quatre mois après l’invasion lancée par l’armée russe. L’annonce de la validation de la candidature de Kiev, et de celle de la Moldavie, a été faite par le président du Conseil européen, Charles Michel. Scénario, inimaginable encore récemment, s’est imposé aux Vingt-Sept avec la guerre menée par la Russie depuis près de quatre mois contre l’Ukraine.
Une décision la plus importante pour l’Ukraine depuis son indépendance
L’Ukraine a entamé le processus d’adhésion le 7 mars 2022, quelques jours après que Volodymyr Zelensky a réclamé une « procédure spéciale ». Il n’existe pas de procédure accélérée, mais l’acceptation de la demande de Kiev par la Commission, le Parlement, le Conseil et ensuite la validation officielle à l’unanimité par le Conseil européen a pris seulement trois mois.
« L’Ukraine a déjà adopté environ 70% des règles, normes et standards européens », a affirmé la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le 17 juin. Kiev a en effet signé avec l’UE un accord de coopération en 2014, entré en vigueur en 2017. Ce texte visant à réformer les institutions et l’économie ukrainiennes, est considéré comme un préalable à une adhésion.
Le président du Conseil européen, Charles Michel, a salué un « moment historique », qui intervient en pleine offensive russe sur l’Ukraine. Cette décision très attendue par l’Ukraine marque le début d’un processus long et complexe en vue d’une adhésion.
« C’est un moment unique et historique dans les relations Ukraine-UE », s’est félicité très rapidement sur Twitter le président ukrainien Volodymyr Zelensky, affirmant que, « l’avenir de l’Ukraine se trouve au sein de l’UE ». « C’est le point de départ d’une nouvelle histoire pour l’Europe », a réagi le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui est apparu en visioconférence devant les chefs d’Etat et de gouvernement européens. « Aujourd’hui, vous avez pris l’une des décisions les plus importantes pour l’Ukraine depuis son indépendance il y a trente ans », a-t-il ajouté. Son homologue moldave, Maia Sandu, a, elle aussi, jugé qu’il s’agissait là d’« une journée historique ».
« Le pays devra procéder à un certain nombre de réformes importantes », a précisé Ursula von der Leyen, ajoutant que des progrès restent à faire sur « l’État de droit, les oligarques, la lutte contre la corruption et les droits fondamentaux ».
La stratégie de pré-adhésion
Kiev doit désormais établir avec la Commission européenne une stratégie de préadhésion. « Il s’agit d’un programme de soutien et d’aides financières permettant au candidat de mener les réformes administratives, politiques, économiques nécessaires pour intégrer le corpus législatif européen » révèle l’Institut Montaigne.
Le candidat doit se mettre en adéquation avec les « critères de Copenhague », fixés en 1993. Au nombre de trois, ils portent sur la stabilité des institutions (qui doivent garantir « la démocratie, l’état de droit, les droits humains, et le respect des minorités »), la garantie d’une économie de marché (qui doit être « suffisamment forte » pour faire face à la pression concurrentielle), et enfin la capacité de l’État à intégrer dans son droit national l’ensemble des normes européennes existantes.
Le bonheur des uns fait le malheur des autres
Les six pays des Balkans occidentaux qui souhaitent rejoindre l’UE ont exprimé leur frustration sur la lenteur de leur processus d’adhésion. Alors qu’ils espéraient des gages (une libéralisation des visas pour le Kosovo, une avancée sur les négociations de la Macédoine du Nord et l’octroi du statut de candidat à la Bosnie-Herzégovine dans les mêmes conditions que l’Ukraine et la Moldavie), ils sont repartis bredouille.
« Nous n’avons rien obtenu », a sèchement résumé le président serbe Aleksandar Vucic, au cours d’une électrique conférence de presse commune avec ses homologues albanais et macédonien. Parmi les plus forts irritants : le maintien du veto de la Bulgarie à l’ouverture des négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord, pour des raisons de contentieux historiques et culturels.
La Macédoine du Nord est candidate depuis 2005, le Monténégro depuis 2010, la Serbie depuis 2012 et l’Albanie depuis 2014. La Bosnie-Herzégovine et le Kosovo, qui n’est pas reconnu par cinq membres de l’UE, ne sont encore que des « candidats potentiels ».
La Turquie, candidate depuis 1999, a démarré des négociations pour son adhésion en 2005. Mais depuis 2016, ses relations avec l’UE se sont fortement dégradées notamment en raison de la répression implacable du président Erdogan après une tentative de coup d’Etat. En 2019, le Conseil de l’UE déclarait qu’elles étaient au « point mort ».
« Nous partageons la même histoire (…) également le même destin », déclarait en octobre 2021 la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, assurant que « l’UE n’est pas pleinement achevée sans les Balkans occidentaux ».
Plusieurs élargissements et un départ
L’Europe, créée en 1957 par six pays, a connu plusieurs élargissements, la plupart depuis 1995.
- 1995: l’Union est rejointe par l’Autriche, la Suède et la Finlande. Avec la Finlande, l’UE dispose ainsi pour la première fois d’une frontière avec la Russie.
- 2004: dix nouvelles adhésions, dont plusieurs pays de l’ancien bloc de l’Est: Chypre, Hongrie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie.
- 2007: Bulgarie et Roumanie.
- 2013: Croatie.
- 2020: après un référendum en 2016, le Royaume-Uni devient le premier Etat membre à quitter l’Union, qui compte désormais 27 membres.
Des négociations longues et compliquées
L’examen express de la candidature de Kiev, déposée en février, est d’une rapidité inédite, une urgence due à la guerre menée par la Russie depuis le 24 février et qui s’inscrit dans le soutien apporté par les Européens à l’Ukraine.
L’adhésion obéit à un processus complexe, qui prend en général plusieurs années. Si la Finlande a été intégrée en moins de quatre ans, les trois pays Baltes ont dû patienter près de neuf ans. Le président français Emmanuel Macron avait estimé en mai qu’une adhésion de l’Ukraine prendrait « des décennies ».
Le pays doit d’abord se voir reconnaître le statut d’Etat candidat. Ensuite, l’ouverture de négociations officielles doit elle aussi être approuvée à l’unanimité des 27: elles ne sont toujours pas ouvertes pour l’Albanie ni la Macédoine du Nord.
Ces négociations entre le pays concerné et la Commission portent sur 35 chapitres (libre circulation des biens, des travailleurs, des capitaux, justice, liberté, sécurité, union douanière, fiscalité, agriculture, environnement…).
Lorsque la Commission recommande la clôture d’un chapitre, c’est le Conseil européen qui décide, toujours à l’unanimité, d’ouvrir ou non de nouveaux chapitres.