Swiss Life Asset Managers : Le ralentissement économique mondial, les pressions inflationnistes, la hausse des taux d’intérêt et le renchérissement du dollar font figure de défis pour les marchés émergents. Il est toutefois essentiel de distinguer des disparités : les économies les plus dépendantes des exportations sont les plus fragilisées. En matière d’allocation d’actifs obligataires, ce contexte milite en faveur d’une haute sélectivité des titres.
Une approche constructive des marchés
L’affaiblissement de la demande mondiale, notamment celle des Etats-Unis et de la zone euro, pénalise mécaniquement les économies les plus dépendantes aux exportations. C’est le cas par exemple de la Corée du Sud, leader mondial à l’export de technologies, du Mexique, « atelier manufacturier » des Etats-Unis et donc très sensible à la consommation nord-américaine, ou encore de l’Europe de l’est. A contrario, l’Inde et l’Indonésie sont moins exposées à ce facteur, leur modèle de croissance étant principalement tourné vers leur marché intérieur.
Vulnérabilité des marchés frontières, résilience de l’Asie
De la même manière, l’impact conjugué de l’inflation, de la hausse des taux d’intérêt et de l’appréciation du dollar US est assez hétérogène. « Les pays au déficit budgétaire et au déficit de la balance commerciale significatifs y sont les plus vulnérables. Les marchés frontières en Afrique (Sénégal, Ghana, Egypte), au Moyen-Orient (Jordanie) ou en Amérique latine (Salvador), sont particulièrement exposés aux difficultés de refinancement nourries par la remontée des taux. Le risque potentiel de défaut augmente dans ces économies non matures et cela pourrait renforcer l’aversion au risque des investisseurs » analyse Josipa Markovic, Economiste marchés émergents chez Swiss Life Asset Managers.
De son côté, l’Asie semble être la région la mieux armée à l’épreuve du ralentissement de l’activité. Le continent devrait continuer d’afficher la croissance du PIB la plus élevée au monde dans les prochaines années, de l’ordre de 5% par an. Avec une nouvelle donne de taille : pour la première fois depuis les années 90, la Chine ne devrait plus jouer son rôle de locomotive, sa croissance étant attendue inférieure à celle de l’ensemble de l’Asie. « Cela peut s’expliquer par l’affaiblissement du marché immobilier chinois, un moteur jusqu’ici important pour l’économie nationale, autant que par l’effet d’une politique stricte de confinement face à l’épidémie de Covid, ce qui pèse sur le moral des agents économiques. Or, sur ce second facteur il est peu probable que les règles s’assouplissent de manière significative avant le troisième trimestre 2023 » précise Josipa Markovic.
Aussi, les stratégies de relocalisation des chaînes d’appro- visionnement de la part des économies occidentales sont en train de rebattre les cartes à l’échelle de l’Asie, au bénéfice d’une diversification des pays fournisseurs. « La réévaluation des chaînes d’approvisionnement occidentales conduit à une stratégie d’importation commerciale ‘Chine +1’ : la Chine conserve un rôle cœur, mais avec désormais une plus grande diversification via le recours à d’autres exportateurs. Cette évolution devrait être favorable aux économies vietnamienne, thaïlandaise, indienne ou philippine » ajoute Josipa Markovic.
Quelle approche sur les marchés obligataires émergents ?
En termes d’allocation d’actifs, ces perspectives différenciées militent en faveur d’une stratégie d’investissement prudente. Cela se traduit par une approche hautement sélective des titres obligataires : « nous privilégions les obligations d’entreprises de notation investment-grade et libellées en devise forte. En comparaison aux obligations souveraines, ces titres permettent une plus grande diversification et affichent un risque de taux inférieur. Les émetteurs que nous sélectionnons sont de grandes entre- prises au bilan jugé solide » résume Gabriele Bartoletti, Gérant de portefeuille dette émergente. Sur le segment investment-grade émergent, le levier d’endettement est le plus robuste depuis 10 ans et ressort même inférieur à celui du segment investment-grade des marchés développés − avec un levier de 1 pour l’investment-grade émergent, contre 2,5 à 3 pour l’investment-grade américain et européen. « Les émetteurs investment-grade émergents ont des besoins de refinancement relativement faibles ce qui explique la raréfaction des volumes d’émission en 2022 » ajoute Gabriele Bartoletti.
A l’horizon 2023, l’équipe de gestion conserve sa préférence pour les émetteurs aux fondamentaux solides, affichant une forte résilience face à d’éventuelles sorties de capitaux et, enfin, une faible sensibilité au risque de taux. Pour ces raisons, certains marchés d’Asie et du Golfe persique recèlent les opportunités d’investissement les plus crédibles. « Nous apprécions certains émetteurs indonésiens ou indiens, favorablement exposés à la demande intérieure, ou du Moyen-Orient, soutenus par la hausse des prix énergétiques mais aussi des balances courantes et fiscales excédentaires qui en font des valeurs refuges » détaille Gabriele Bartoletti. Sur le plan sectoriel, les émetteurs bancaires bénéficient de taux d’intérêt plus élevés que par le passé, tandis que ceux issus des services publics présentent des cashflows stables et prévisibles, leur permettant de mieux résister au ralentissement économique mondial.
En somme, comme 2022, l’année 2023 devrait être marquée par de fortes incertitudes macroéconomiques et géopolitiques. Pour autant, la fin probable du cycle de relèvement des taux directeurs américains, dont on mesure l’influence sur les économies en développement, ainsi que des niveaux de valorisation à nouveau attrayants, permettent d’aborder le crédit émergent de façon constructive.