Depuis mars 2021, le règlement SFDR impose aux sociétés de gestion de classer leurs fonds durables entre Article 8 et 9 selon leurs caractéristiques et prévoit qu’à partir du 1er janvier 2023, les fonds Article 9 doivent être conformes à de nouvelles exigences techniques publiées en 2022.
Qu’est ce que la réglementation SFDR?
Ce règlement a pour objectif d’harmoniser et de renforcer les obligations de transparence applicables aux acteurs qui commercialisent certains produits financiers ou qui prodiguent des conseils sur ces produits. Ces derniers doivent publier des informations institutionnelles relatives aux politiques générales adoptées dans leurs processus de décision d’investissement ou dans la fourniture de leurs conseils ainsi que des informations relatives aux produits, notamment pour ceux d’entre eux qui présentent des caractéristiques extra-financières.
L’ACPR observe un développement croissant des produits financiers prenant en compte des caractéristiques extra-financières qu’il s’agisse de caractéristiques liées au facteur environnemental, au facteur social ou des considérations de gouvernance (critères ESG). C’est notamment le cas de l’ensemble des produits d’assurance vie multi-supports français qui, en application de la loi Pacte, ont l’obligation de proposer un support présentant un caractère durable depuis le 1er janvier 2020.
Par ailleurs, en application de l’article 173 de la loi relative à la transition énergétique entrée en vigueur en décembre 2015, la plupart des assureurs et gestionnaires d’actifs français ont établis des publications annuelles fournissant des informations sur l’intégration des critères ESG dans leurs politiques d’investissement. L’article 29 de la loi énergie climat paru en novembre 2019 vise à renforcer et approfondir cet acquis français qui a d’ailleurs largement inspiré les législateurs européens lors de l’élaboration du SFDR.
Ces éléments constituent autant d’enjeux spécifiques au marché français dont il convient de tenir compte lors de l’application de la règlementation européenne tant pour les informations relatives aux politiques que pour les informations relatives aux produits. Après une description générale des exigences de transparence requises par le règlement depuis le 10 mars dernier, il convient d’aborder les aspects plus spécifiques à son application aux produits multi-supports français.
Les informations de nature institutionnelle
Le règlement SFDR crée des obligations d’information institutionnelles qui s’appliquent à deux types d’acteurs :
- pour les informations relatives à leur processus de décision d’investissement, aux acteurs des marchés financiers (notamment les entreprises d’assurance, les institutions de retraite professionnelle, les fournisseurs de PEPP, ainsi que les établissements de crédit et les entreprises d’investissement fournissant des services de gestion de portefeuille) ;
- pour les informations liées à la fourniture de conseils, aux conseillers financiers (notamment les intermédiaires d’assurance et les entreprises d’assurance qui fournissent un service de recommandation personnalisée, ainsi que les établissements de crédit et les entreprises d’investissement qui fournissent des conseils en investissement). Toutefois, il est à noter que les intermédiaires d’assurance et les entreprises d’investissement employant moins de trois personnes ne sont pas soumis aux obligations incombant aux conseillers financiers.
S’agissant des informations relatives aux décisions d’investissement, le règlement SFDR adopte une approche dite de « double matérialité ».
D’une part, il impose aux acteurs des marchés financiers de fournir des informations sur la prise en compte des « risques en matière de durabilité ». Ces risques correspondent à des événements ou situations liés aux facteurs de durabilité qui pourrait avoir une incidence négative sur la valeur des investissements. Les acteurs des marchés financiers ont l’obligation de publier, sur leur site internet, des informations concernant leurs politiques d’intégration des risques en matière de durabilité dans leur processus de prise de décision en matière d’investissement, ainsi que des informations sur la manière dont les politiques de rémunération sont adaptées à l’intégration de ces risques. Il n’est pas prévu de normes techniques d’exécution pour ces dispositions entrées en application le 10 mars dernier. Toutefois, les acteurs français auront également à appliquer les dispositions issues de l’article 29 de la loi énergie climat qui imposent une information particulière sur la prise en compte des risques associés au changement climatique et liés à la biodiversité. Un décret devrait préciser prochainement les modalités d’application de ces dispositions françaises.
D’autre part, le règlement SFDR crée des exigences de transparence sur les « incidences négatives en matière de durabilité ». Inversement aux risques de durabilité, il s’agit de fournir des informations quant aux conséquences négatives des investissements sur les facteurs durabilité. Les acteurs des marchés financiers comptant moins de 500 salariés dans leur effectif1 disposent de la possibilité de ne pas publier d’information à cet égard mais doivent rendre public les raisons pour lesquelles ils ne le font pas .La publication d’informations relatives aux incidences négatives doit faire l’objet de normes techniques d’exécution (RTS). Le projet de normes remis par les ESA à la Commission prévoit une information relativement normée tant dans sa forme que dans son contenu notamment par l’usage de divers indicateurs dont certains revêtent un caractère obligatoire.
S’agissant des informations liées à la fourniture de conseils, les conseillers financiers ont l’obligation de publier sur leur site internet des informations sur l’intégration des risques de durabilité dans leurs conseils et sur la manière dont leurs politiques de rémunération sont adaptées à cette intégration. En outre, ils doivent indiquer s’ils prennent en considération les incidences négatives dans leurs conseils ou se justifier dans le cas contraire. De surcroît, ils doivent introduire dans les informations précontractuelles relatives à leur activité, la manière dont les risques de durabilité sont intégrés dans leurs conseils ainsi que l’évaluation de l’impact de ces risques sur le rendement des produits financiers sur lesquels porte leur conseil. À défaut d’introduire de telles informations, les conseillers financiers fournissent dans leurs informations précontractuelles une explication claire et concise des raisons les conduisant à estimer que les risques de durabilité ne sont pas pertinents.
Les informations liées aux produits
Pour tous les produits financiers soumis au règlement, les acteurs des marchés financiers ont l’obligation, en application de l’article 6 du SFDR, de fournir au sein de la documentation précontractuelle une information sur la prise en compte des risques en matière de durabilité et leur impact éventuel sur la rentabilité du produit. Lorsqu’ils estiment que ces risques ne sont pas pertinents pour le produit considéré, les acteurs des marchés financiers introduisent dans leur documentation précontractuelle une explication claire et concise des raisons les conduisant à cette estimation.
Au plus tard le 30 décembre 2022, en application de l’article 7 du SFDR, les acteurs des marchés financiers qui publient des informations institutionnelles sur les incidences négatives dans leur décision d’investissement devront indiquer dans les informations précontractuelles si leurs produits prennent en compte les principales incidences négatives et la manière dont ils le font.
Par ailleurs, le règlement SFDR distingue deux types de produits présentant des caractéristiques extra-financières :
– Les produits faisant la promotion des caractéristiques environnementales ou sociales (produits dits « Article 8 ») ;
– Les produits poursuivant un objectif d’investissement durable (produits dits « Article 9 »).
À ce stade, l’ACPR ne prévoit pas de préciser son interprétation de cette classification des produits introduite par le règlement. En effet, des clarifications pourraient être apportées ultérieurement au niveau européen par la Commission européenne ou les Autorités européennes de supervision.
Pour ces deux types de produits, le règlement oblige les acteurs des marchés financiers à introduire dans la documentation précontractuelle des informations quant à la manière dont les caractéristiques ou l’objectif seront respectés, dans la documentation périodique des informations sur la manière dont ces caractéristiques ou cet objectif ont été atteints et sur leur site internet, outre de la publication des informations précédentes, des informations complémentaires, ayant trait à la méthodologie utilisée pour définir et mesurer l’atteinte de la caractéristique ou de l’objectif poursuivi. Les obligations d’informations spécifiques à ces deux types de produits seront également précisées dans les normes techniques d’exécution à venir. Le projet soumis à la Commission propose pour la délivrance de ces informations un cadre très standardisé recourant à des template.
L’entrée en application différée des normes techniques d’exécution
Le règlement SFDR est entré en application le 10 mars 2021. Les normes techniques d’exécution (RTS) qui lui sont liées sont en cours d’élaboration – leur adoption par la Commission européenne est attendue d’ici à la fin du second trimestre 2021 – et n’entreront en application qu’au 1er janvier 2022.
Dans l’attente de l’entrée en application de ces RTS, en vue de limiter les risques liés à une application divergente des obligations concernées, les acteurs soumis au règlement sont invités à se référer au projet de RTS qui a été soumis à la Commission européenne le 4 Février 2021 (https://www.eiopa.europa.eu/content/final-report-draft-regulatory-technical-standards_en).
L’application du règlement au cas des contrats d’assurance vie multi-supports
L’intégralité des produits d’assurance vie multi-supports français est a priori soumise aux obligations d’information spécifiques prévues par le règlement SFDR pour les produits présentant un caractère extra-financier. Aussi, le projet de RTS remis par les ESA à la Commission européenne prévoit des dispositions spécifiques pour les produits multi-options obligeant les assureurs à remettre une information au niveau de l’option d’investissement s’agissant des obligations dues au titre du caractère extra-financier du produit. Lorsque cette option d’investissement est constituée d’une unité de compte dont l’actif de référence est lui-même soumis au SFDR, l’assureur doit utiliser l’information établie par le gestionnaire de l’actif et correspondant à l’information établie en cas de commercialisation directe. Il devra néanmoins élaborer une information au niveau du produit multi- supports, notamment une liste des options d’investissement offertes par son produit et présentant un caractère de durabilité ainsi qu’une information spécifique aux options d’investissement présentant un caractère durable mais dont l’actif de référence n’est pas soumis au SFDR (par exemple des obligations vertes).
Pour l’application des dispositions des articles 6(1) et 7(1) du règlement créant des obligations pour tous les produits, l’assureurs doit adopter une approche similaire et fournir une information au niveau des supports d’investissement. Pour les supports d’investissement dont il assume la gestion financière, cette information reflètera les politiques et diligences qu’il a mises en œuvre dans ses processus de décision d’investissement. Pour les autres options d’investissement constituées d’unités de compte dont l’actif de référence est lui-même soumis au SFDR, l’assureur pourra fournir ces informations par un renvoi vers les documentations précontractuelles des gestionnaires des options qu’il propose au sein de son produit multi-supports.
Les interactions entre le règlement SFDR et le règlement européen dit taxonomie
En juin 2020 a été publié le règlement UE 2020/852 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables (dit règlement Taxonomie). Ce règlement vise à établir un système européen de classification des activités économiques au vu de leur caractère durable – i.e. en ce qu’elles contribuent à l’un des objectifs environnementaux définis par ce règlement. Pour ce faire, des critères d’examens techniques permettant de définir les conditions requises pour chaque type d’activités sont en cours d’élaboration. Il sera applicable au 1er Janvier 2022 pour les activités poursuivant les objectifs de limitation et d’adaptation au changement climatique et en 2023 pour les activités poursuivant un autre objectif environnemental.
Le règlement Taxonomie vient modifier le règlement SFDR de manière à préciser les obligations de transparence requises pour les produits présentant un caractère de durabilité (i.e. les produits relevant des articles 8 ou 9 du SFDR) les conduisant à investir dans des activités économiques durables au sens du règlement Taxonomie. Il s’agira notamment d’informer sur la façon et la mesure dans laquelle les investissements sous-jacents au produit financier sont effectués dans des activités économiques pouvant être considérées comme durables. Une consultation publique6 des ESA est ouverte jusqu’au 12 mai 2021 s’agissant des modifications à apporter aux normes techniques d’exécution du SFDR pour mettre en œuvre cette exigence de transparence supplémentaire.