Quelles seront les conséquences de la faillite de Silicon Valley Bank ? 

Le 17 Mars 2023 : La récente faillite de Silicon Valley Bank, la 16e banque américaine par total d’actifs, a fait trembler les marchés financiers. Cette situation a autrefois alimenté les craintes d’un nouveau «moment Lehman» !

Par Didier Bouvignies, Associé-Gérant & Directeur des Gestions Chez Rothschild & Co Asset Management

Retour sur les faits

La Silicon Valley Bank (SVB), une banque régionale américaine (16e banque américaine par la taille de son bilan et d’une capitalisation estimée à 18 milliards d’euros à fin février 2023), a enregistré des pertes massives pour honorer des retraits représentant près de 25 % de ses 180 milliards de dollars de dépôts. 

Spécialisée dans les sociétés de capital-risque du secteur de la technologie, cette banque dont la clientèle concentrée est majoritairement composée d’entreprises s’est trouvée dans l’impossibilité d’honorer ces retraits. En effet, SDV s’est vue contrainte de vendre ses obligations d’État de maturité longue acquises au cours des précédentes années afin de profiter de rendements attrayants vis-à-vis d’échéances plus courtes. Compte tenu de la hausse récente des taux d’intérêt, l’Institution a ainsi enregistré une moins-value considérable, la forçant à ajuster son ratio de solvabilité et à lancer une augmentation de capital mal préparée qui, par conséquent, n’a pu aboutir. Une situation qui conduit la Silicon Valley Bank en faillite.

Dès lors, la banque a dû faire face à un « bank run », c’est-à-dire, une fuite des dépôts conduisant la FDIC à intervenir et à garantir les actifs des clients.

Y-a-t-il un risque de contagion ?

Cette faillite de banque, la plus importante depuis celle de Lehman Brothers, a ravivé le souvenir d’un risque de contagion à l’ensemble du système bancaire mondial, similaire à la grande crise financière de 2008-2009. Cet événement illustre également les conséquences d’une hausse rapide et significative des taux de dépôt des banque centrales, notamment de la Fed. En effet, au sein du marché américain, les pertes latentes des portefeuilles obligataires enregistrées par l’ensemble du système bancaire représentent environ 600 milliards de dollars. Précisons que dans un environnement de dépôts stable, les risques de pertes resteraient faibles.


Néanmoins, la comparaison avec 2008 paraît excessive. À l’époque, la crise portait sur les subprimes pour une valeur de 11 trillions de dollars d’actifs, pour lesquels les ménages américains s’étaient endettés à taux variable et faisaient face à l’incapacité de rembourser. Désormais, la solvabilité des banques s’est considérablement améliorée, puisque le ratio de capital moyen, dit « Tier 1 », des banques américaines a augmenté de 40 % depuis 2008 et les crédits représentent actuellement 70 % des dépôts, contre près de 100 % en 2007.


Les conséquences potentielles semblent également d’une ampleur bien plus mesurée, car la Fed est rapidement intervenue pour garantir les dépôts au-delà de la garantie légale de 250 000 dollars et des facilités de prêts. Par ailleurs, cette situation concerne davantage les banques régionales que les grandes banques nationales américaines. La propagation aux banques européennes est à relativiser. Les taux ont, certes, progressé à un rythme similaire en Europe et aux États-Unis, mais restent à des niveaux bien moins élevés. De plus, la Zone comprend majoritairement des banques généralistes d’envergure nationale moins exposées au secteur de la technologie.

Quelles conséquences pour l’économie mondiale ?

Ces derniers temps, les opérateurs de marchés s’étaient inquiétés de la poursuite des hausses de prix, notamment sur les parties core. Cette dynamique avait entraîné des hausses de taux, allant jusqu’à l’inversion des courbes à un niveau non observé depuis 40 ans avec, aux États-Unis, un écart entre les taux 2 ans et 10 ans de -110 points de base. Ce phénomène a depuis lors mis les banques au défi de parvenir à générer des marges sur leurs dépôts.

Ces événements engendrent un mouvement de « flight to quality » sur l’ensemble de la courbe de taux, matérialisé par une réduction de l’inversion quasiment de moitié permettant de limiter les pertes des portefeuilles obligataires. Mais ils peuvent surtout inciter les banques centrales à les intégrer dans la conduite de leur politique monétaire, la baisse spontanée des demandes de crédit, dans un contexte incertain, limitant les besoins de renchérissement du coût de ce même crédit.

À ce stade, il serait prématuré d’estimer l’impact sur l’économie réelle. Néanmoins, cet événement pourrait faire poindre de nouvelles craintes de récession. Par ailleurs, il démontre la complexité inhérente à la définition d’une politique monétaire suite à une période prolongée de taux extrêmement bas. Le retour à la normalité génère des chocs, certes inévitables, mais qui, s’ils sont gérés efficacement, ne seront en mesure de reproduire un séisme similaire à celui survenu lors de la crise d’il y a 15 ans.

Comme souvent, bien qu’indirectement concernés, les marchés européens réagissent vigoureusement à un choc en provenance des États-Unis. Cette réaction doit toutefois être mise en regard de leur forte hausse et de leur surperformance observée depuis six mois, ainsi que leur faible liquidité, en raison de l’absence d’investisseurs structurels de long terme, tels que les fonds de pension.