Faillite de la Silicon Valley Bank : le secteur financier américain tremble

Le 17 Mars 2023 : Faillite de la Silicon Valley Bank : Aux Etats-Unis, la liquidation de la banque Silvergate et les difficultés de la Silicon Valley Bank ont fait trembler le marché financier américain par crainte de risque systémique et ont alimenté le retour de la volatilité sur les marchés.

Analyse du marché financier américain

La semaine s’annonçait déjà riche en informations entre statistiques majeures sur l’emploi américain et les prises de parole de Jerome Powell, mais la liquidation de la banque Silvergate, très impliquée sur le marché des cryptomonnaies, et les difficultés de la Silicon Valley Bank, spécialisée dans le financement du capital-risque en Californie, ont fait trembler le secteur financier par crainte de risque systémique et ont alimenté le retour de la volatilité sur les marchés.

La BCE a encore davantage ouvert la porte pour des relèvements importants de taux directeurs au printemps et la prochaine réunion du FOMC le 22 mars s’annonce comme déterminante. Nous maintenons notre sous-pondération sur les actions et conservons par ailleurs notre vue constructive sur les obligations d’entreprise et une neutralité sur la duration.

Pourtant, sur le front de l’économie aux Etats-Unis, l’indice d’activité ISM de février a de nouveau rappelé que les tensions sont fortes sur l’emploi et les prix en raison d’un niveau d’activité toujours alimenté par la demande (net rebond des nouvelles commandes). Les bons chiffres d’emploi parus vendredi, au-dessus des attentes, doivent être nuancés par la révision à la baisse du chiffre précédent, la croissance des salaires qui se modère à +0.2% et un taux de chômage qui augmente de façon inattendue à 3.6%.

La prochaine réunion du FOMC le 22 mars s’annonce donc comme déterminante. Après une séquence ininterrompue de hausses de ses taux directeurs, la Fed a ralenti le rythme de hausse en décembre, puis en février. A l’approche du niveau terminal de ces resserrements monétaires américain, elle avait opté pour des hausses modestes afin de minimiser le risque d’erreur de calibrage. Mais le ton du président de la Fed face aux Sénat et à la Chambre des représentants a changé, insistant sur les hausses de prix dans les services hors logement, soutenues par des effets de second tour qui découlent des augmentations de salaires. La Fed estime que l’offre de travail américain a été amputée de 3,5 millions de personnes depuis l’épidémie, s’expliquant par le recul du taux de participation en raison essentiellement des départs à la retraite anticipés (2,1 millions), de la surmortalité liée au Covid (0,5 million) et de la forte réduction des flux migratoires (0,9 million). La Fed est donc contrainte de ralentir les investissements et de réduire la capacité à consommer des ménages. Les effets des premières hausses de taux prennent en effet du temps à se matérialiser au sein de l’économie. 

En Europe, la BCE a encore davantage ouvert la porte pour des relèvements importants de taux directeurs au printemps, le temps que la trajectoire désinflationniste se renforce. Les taux directeurs et souverains devraient donc rester sur un plateau élevé pour plusieurs trimestres. Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a indiqué que l’inflation française devrait atteindre un pic d’ici juin et être divisée ensuite par deux d’ici la fin de l’année.

En Chine, l’inflation ralentit nettement en février. L’absence de changement de cible de croissance, annoncée à 5%, a déçu les marchés après avoir largement échoué en 2022 à atteindre la cible (3% vs une cible à 5,5%). Ceci n’a que légèrement pesé sur le cours des matières premières. La baisse des prix à la production depuis octobre 2022, en raison de la modération des cours des prix des matières premières, constitue aussi un facteur favorable d’atténuation des pressions inflationnistes dans le monde. 

Dans ce contexte d’inflation persistante, la Fed ravive les incertitudes sur le timing et le niveau terminal des taux directeurs. Les actifs risqués ont subi un regain de volatilité, accentué en fin de semaine par les craintes systémiques sur le secteur bancaire américain. Les primes de risques nous semblent à nouveau insuffisamment attractives et nous invitent à maintenir notre sous-pondération sur les actions. Nous conservons par ailleurs notre vue constructive sur les obligations d’entreprise et une neutralité sur la duration qui apporte son soutien face à la volatilité des marchés actions.

ACTIONS EUROPÉENNES

Les marchés européens clôturent la semaine en baisse, tirés par des craintes sur la faiblesse de certaines banques américaines jeudi (Silicon Valley Bank et Silvergate), entraînant dans son sillage le secteur bancaire européen, l’un des pires performeurs de la semaine avec le secteur immobilier. Les marchés redoutent un effet domino de la crise sur le modèle des enchaînements qui avaient précipité la crise financière de 2008. Dans un contexte toujours plus tendu concernant l’inflation et de facto les attentes d’un mouvement des taux directeurs, les discours des différents membres de la BCE suggèrent des indications divergentes : Holzmann, connu comme l’un des membres les plus hawkish, a tenu en début de semaine un discours très offensif quant au taux terminal pouvant atteindre selon lui 4.5%, tandis que son homologue italien Visco a tempéré cette attente, la jugeant excessive.

Toutefois, les banquiers centraux ne sont pas les seuls à faire la guerre à l’inflation : Carrefour a annoncé un « panier anti-inflation », tout comme Casino qui va geler les prix de 500 produits pendant les trois prochains mois. Le groupe a d’ailleurs publié des résultats légèrement en dessous des attentes et annonce ne pas verser de dividendes au titre de l’exercice 2022. Perspective pessimiste également du côté du numéro 1 européen de la mode en ligne : Zalando s’attend à souffrir de la conjoncture en 2023 et annonce un plan de licenciement dans l’optique d’améliorer sa rentabilité. Le distributeur allemand HelloFresh a quant à lui fait face à une hausse des coûts marketing pour tenter de garder ses clients qui se montrent plus regardants sur leurs dépenses de consommation. D’autres groupes ont fait état de hausse des salaires, ce qui est notamment le cas dans l’automobile avec Stellantis, Ferrari et CNH qui annoncent une augmentation de salaire entre 4,5 et 6,5%. 

En ce qui concerne la réouverture du marché chinois, chacun n’y voit pas le même intérêt. Dans le luxe, Prada considère le pays comme son principal moteur de croissance alors qu’Hugo Boss se montre plus prudent et table sur un ralentissement de la croissance des ventes après une année 2022 exceptionnelle (l’Asie pacifique représente moins de 20% du chiffre d’affaires du groupe). JC Decaux, le spécialiste de la publicité en extérieur, voit l’exposition à la Chine comme un vent contraire dans le contexte actuel et prévoit un recul à deux chiffres des ventes pour le premier trimestre de 2023 en Chine. Enfin, le géant de la logistique Deutsche Post se veut prudent pour 2023 en raison du ralentissement de la dynamique de croissance, mais rassure quant au programme de versement de dividendes et de rachat d’actions.

ACTIONS AMÉRICAINES

Les actions américaines ont connu un nouvel épisode de volatilité au cours de la semaine, la plupart des indices clôturant en territoire négatif (le S&P 500 accusait un repli de 3.2% jeudi à la clôture), alors que la déclaration de Jerome Powell à la Commission bancaire de la Chambre des représentants en début de semaine confirmait la fermeté du ton de la Fed. Les récents commentaires de la banque centrale ont laissé entrevoir un possible relèvement de 50 points de base des taux plus tard ce mois-ci, si les données continuent de dépasser les niveaux souhaités. Selon le Livre beige de la Fed, les pressions inflationnistes demeurent généralisées. 

L’actualité qui a entouré jeudi SVB Financial Group, qui a annoncé avoir essuyé une perte de 2 milliards de dollars sur la vente d’actifs, après une baisse plus forte que prévu de ses dépôts, a provoqué une correction généralisée du marché qui n’a offert quasiment aucun refuge. Tous les secteurs ont clôturé la semaine dans le rouge, les valeurs financières cotées sur le S&P ayant le plus souffert avec un plongeon de 6.9% sur la semaine. Dans un contexte où la hausse des taux d’intérêt met la pression sur les marchés cotés et non cotés, les craintes de fortes pertes latentes dans les portefeuilles de titres ont terni le sentiment du marché vis-à-vis des établissements bancaires. Les banques ont été confrontées aux craintes liées à la hausse du bêta des dépôts, qui a contraint des banques régionales comme KeyCorp à réviser à la baisse leurs prévisions de revenus nets d’intérêts au début de la semaine. Bien que la tendance du crédit demeure favorable, cette dynamique reste éclipsée par les craintes d’un cycle de resserrement plus musclé de la part de la Fed.  

Du côté des entreprises, Meta a continué de pointer la volatilité du marché de la publicité et le PDG de Disney, Bob Ige, a confirmé que le plan de la société visant à réduire ses coûts de 1 milliard de dollars était en bonne voie, reflétant la plus grande prudence des grandes entreprises américaines à l’égard des perspectives économiques.

ACTIONS JAPONAISES

Le Nikkei 225 et le TOPIX se sont de nouveau inscrits en hausse de 4.09% et 3.84% respectivement. Les places boursières japonaises ont progressé pendant cinq jours consécutifs malgré la faiblesse affichée par les marchés actions américains, qui ont été pénalisés par les anticipations d’une nouvelle accélération des hausses de taux d’intérêt. La solidité des actions japonaises s’explique notamment par les attentes d’une reprise des économies chinoise et occidentales et de la dépréciation du yen, principalement en raison du creusement de l’écart de taux d’intérêt entre le Japon et les États-Unis. 

Aucun secteur ne s’est replié au cours de la période. Les secteurs des instruments de précision ainsi que du fer et de l’acier ont progressé de 6.35% et 5.54% respectivement, les valeurs cycliques ayant fait l’objet d’un courant acheteur sur fond d’attentes d’une solide croissance économique à l’échelle mondiale. Le commerce de détail a gagné 5.74% à la faveur des anticipations d’une augmentation du nombre de visiteurs en provenance de Chine. 

La banque Resona a grimpé de 8.48%, alors que les titres des établissements financiers ont globalement été achetés compte tenu de la hausse des taux d’intérêt aux États-Unis, qui leur permettra d’accroître leurs performances d’investissement. Fast Retailing, une société de prêt-à-porter, a progressé de 7.68%, ses ventes à périmètre constant ayant augmenté de 21.3% sur un an en février, contre une hausse de 10.9% en glissement annuel le mois précédent. Marubeni, une société de commerce général, a gagné 7.13%, alors que les investisseurs ont apprécié l’acquisition de l’ensemble des actions et des droits de marque de Meiji Sangyo Co., Ltd., un fabricant de confiserie, sous le nom de Meiji.

À l’inverse, Otsuka, une société pharmaceutique, a cédé 0.97% en raison de transactions croisées de gré à gré à une décote avant l’ouverture. Toray Industries, un fabricant de textile et de fibre en carbone, a reculé de 0.63%, pénalisé par les prises de bénéfices des investisseurs suite à une forte hausse, en raison de l’annonce de l’ouverture d’un centre de recherche et de développement spécialisé dans les fibres de carbone pour les « voitures volantes ». Sumitomo Metal Mining s’est replié de 0.43%, du fait de prises de bénéfices après avoir progressé sur fond de reprise de l’économie chinoise. 

Sur le marché des changes, la paire USD/JPY a fluctué entre 136 yens pour un dollar américain à un peu plus de 137 yens. Le dollar américain a été acheté compte tenu des attentes de creusement de l’écart de taux d’intérêt entre les États-Unis et le Japon, avant de retomber à environ 136 yens en raison de la clôture des positions avant la publication des chiffres américains sur l’emploi et la réunion de politique monétaire de la Banque du Japon le lendemain.

MARCHÉS EMERGENTS

L’indice MSCI EM s’est replié cette semaine (-1,96%, cours de jeudi à la clôture), plombé par la Chine et le Chili qui ont reculé respectivement de 5,34% et 2,52%. L’Inde a affiché une performance relativement stable et le Mexique a cédé 1,4%, tandis que le Brésil et Taïwan ont progressé de 1,94% et 0,95%.   

En Chine, l’Assemblée nationale populaire a dévoilé un objectif de croissance du PIB proche de 5% pour 2023, alors que les analystes tablaient sur un objectif supérieur à 5%. La politique macroéconomique est largement conforme aux conclusions de la Central Economic Work Conference, avec un déficit budgétaire (3% du PIB) et un quota d’obligations spéciales des collectivités locales (3 800 milliards de yuans) légèrement plus importants, ainsi qu’une politique monétaire quelque peu accommodante. Le gouvernement central n’a pas annoncé d’importantes mesures de relance dans les secteurs de la consommation et de la construction. Les autorités centrales ont en revanche fait part du licenciement de 5% des employés dans le cadre de leur restructuration. Les importations chinoises se sont inscrites en baisse de 10,2% en janvier-février, un chiffre inférieur aux attentes. La catégorie « Importations pour transformation » (c’est-à-dire la transformation en biens à exporter, soit 20% de l’ensemble des importations) a affiché un repli de 25% sur un an. Les données relatives au crédit de février ont indiqué une hausse des financements, de l’agrégat monétaire M2 et des nouveaux prêts en yuans, tous supérieurs aux prévisions du marché, tandis que l’inflation reste faible, les indices des prix à la consommation et à la production s’inscrivant respectivement à 1% et -1,4%.

Ping An Bank a rendu compte de résultats inférieurs aux attentes au 4ème trimestre 2022 en raison de la marge nette d’intérêt et de la qualité des actifs. JD.com a fait part de résultats en dessous des estimations à la même période avec des perspectives moins bonnes que prévu. Trip.com a publié des résultats supérieurs aux attentes, avec des marges de nouveau à leur niveau de 2019, confirmant ainsi la reprise progressive qui devrait être observée en 2023. 

En Inde, le forum dédié aux directeurs exécutifs d’Inde et d’Australie a été marqué par la présence du Premier ministre australien Anthony Albanese et du sénateur Don Farrell. Une prolongation de 4 ans du protocole d’accord a été signée entre la Confederation of Indian Industry et le Business Council of Australia en présence du Premier ministre australien. Les États-Unis et l’Inde s’apprêtent à signer un accord de collaboration pour la fabrication de semi-conducteurs. La Secrétaire au Commerce des États-Unis Gina Raimondo a déclaré à l’occasion de sa visite du forum dédié au dialogue commercial et aux directeurs exécutifs entre les États-Unis et l’Inde que « le protocole d’accord portait sur le partage d’informations et le dialogue politique ».

Au Brésil, une nouvelle loi propose de plafonner le taux d’intérêt renouvelable des cartes de crédit à un maximum de 8,0% par mois, un taux largement inférieur à la moyenne du système actuel de 14,5% par mois. Le ministère de l’Éducation a annoncé la création d’un groupe de travail qui aura pour objectif d’étudier le programme FIES (financement pour les étudiants) et de proposer un nouveau format. Toute l’attention s’est tournée vers le nouveau cadre budgétaire, alors que le gouvernement devrait le dévoiler ce mois-ci.

Au Mexique, la saison de publications des résultats du 4ème trimestre 2022 s’est terminée avec des résultats légèrement supérieurs aux attentes. Les investissements bruts en capital fixe ont augmenté de 9,4% sur un an en décembre, un chiffre largement au-delà des estimations de Bloomberg (6,4% en glissement annuel) et du niveau affiché en novembre (7,4% sur un an). Par ailleurs, les investissements dans les machines et les équipements se sont inscrits en hausse de 15,4% en glissement annuel (3,1% sur un mois).

Au Chili, Itau Unibanco, une banque brésilienne spécialisée dans les prêts, prévoit de présenter une offre de rachat aux actionnaires minoritaires de sa filiale chilienne Itau Corpbanca à une prime de 12% par rapport au prix du marché.

DETTES D’ENTREPRISES

CRÉDIT

Le début du mois de mars reste volatil sur les taux, avec au cours de la semaine une baisse de 20 points de base du taux 10 ans allemand retrouvant 2,53%. Du côté des primes de crédit, sur le segment de l’Investment Grade, les primes sont restées stables autour de 140-145 points de base, et proche de 410 points de base sur les obligations de Haut Rendement. A contrario, les indices CDS (Crossover) se sont écartés de 15/20 points de base à 415 points de base dans la semaine, gage d’un certain regain de volatilité. 

Au cours de la semaine, les obligations privées Investment Grade ont gagné 0.28% amenant la performance depuis début janvier à +0,37%. Dans le même temps, le marché des obligations de Haut Rendement reste positif depuis début janvier à 3,18% après une contribution positive de 0,27% au cours de la semaine. A ce jour, le rendement actuariel des marchés obligataires Investment grade s’établit à 4.4% et 7,25% pour le marché obligataire du Haut Rendement, ce qui reste de bons points d’entrée en terme de portage.
Sur le front des financières, les primes sur les coco Euro se sont de nouveau écartées pour repasser au-delà des 700 points de base (soit +50 points de base au cours de la semaine). La banque Crédit Suisse reste sous vigilance, tandis que les résultats des banques irlandaises (AIB and BKIR) sont largement positifs avec toutes deux des CET1 au-delà de 14%.

CONVERTIBLES 

Les obligations convertibles mondiales ont clôturé la semaine dans le rouge, plombées par le repli des places boursières lié au ton des banquiers centraux et l’annonce de demandes d’allocations chômage plus élevées que prévu. 

Le marché secondaire a été impulsé par l’actualité liée aux différents émetteurs. En Europe, LEG Immobilien a subi la plus forte baisse avec une chute de 11.4% du cours de ses actions qui a entraîné un recul de ses obligations convertibles. L’annulation du dividende est une bonne nouvelle pour le crédit à première vue, mais elle fait planer un doute sur les perspectives et soulève la question d’une possible augmentation de capital pour réduire la dette. Les obligations convertibles affichent désormais un rendement à l’échéance d’environ 5%, ce qui est intéressant compte tenu de la note BBB+ de l’entreprise. 

En Asie, le marché s’est replié sous l’impulsion de Tencent, Alibaba et Meituan. Les obligations convertibles restent globalement bon marché dans la région. Aux États-Unis, Rivian Automotive a émis une obligation verte convertible pour un montant de 1.3 milliard de dollars. Le produit de cette nouvelle émission à échéance 2028 assortie d’un coupon de 4.625% sera consacré au financement de besoins accrus en capital découlant de la lente montée en puissance de sa production de véhicules électriques. 

Par edmond de rothschild