Début juin, Paris a accueilli la 2ème session des négociations des membres des Nations Unies sur le traité plastique. Ce traité vise à développer un accord international juridiquement contraignant sur la pollution liée au plastique. Les négociations se sont conclues par un optimisme général que l’accord soit finalisé en 2024 puis mis en application en 2025. Les membres se sont accordés pour publier une première ébauche d’ici novembre 2023 avant le 3ème sommet au Kenya en fin d’année. Sur les 180 pays présents, 135 se sont exprimés en faveur d’un accord international juridiquement contraignant qui s’appliquerait de façon uniforme sur tous les pays plutôt qu’un accord volontaire qui laisserait place à des adaptations domestiques. 94 pays soutiennent l’interdiction ou la sortie des polymères problématiques et très polluants comme les plastiques ou produits chimiques qui résistent à l’eau, l’huile et la chaleur et les microplastiques.
Une consommation de plastique galopante qui doit être freinée
Le vortex de plastique du Pacifique Nord, alias le nouveau continent, fait trois fois la taille de la France en superficie. Il est abondé de 9 millions de tonnes de plastique qui finissent dans les océans tous les ans, soit deux ans et demi de consommation de plastique française[1]. Les incidences directes et indirectes de cette pollution sont immesurables : plus d’un million d’organismes marins sont tués chaque année[2], et la pollution amène à des incidences invisibles encore plus large puisque des particules de plastique sont désormais retrouvées dans l’air, l’eau potable et le sang humain[3]. Sans compter les perspectives pour l’avenir encore plus alarmantes…
En effet, la production annuelle de plastique a doublé sur les 20 dernières années. Aujourd’hui, la France produit 450 millions de tonnes de plastique tous les ans, et les deux-tiers de cette production sont à des fins d’usage unique ou rapide, devenant très rapidement la plus grosse source de déchets plastiques polluants[4]. Les études de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) prédisent même qu’au rythme actuel, la production de déchets plastiques pourrait tripler d’ici à 2060 avec la moitié finissant en décharge et seulement 25 % recyclés. En Europe, le taux de recyclage moyen des plastiques d’emballage est de 40 %, avec deux acteurs à la traine : Malte et la France où seulement entre 22 et 27 % des emballages sont recyclés. A 2025, l’objectif de recyclage du plastique est de 50 % en EU et 100 % en France. Le chemin à parcourir reste long tandis que le temps s’écoule à grande vitesse.
Le tri, au cœur de l’économie circulaire
L’économie circulaire impose avant tout aux citoyens et aux industries de réduire leur production et consommation de plastique en se concentrant sur les plastiques qui contaminent le plus, à savoir ceux avec une durée de vie très courte et qui sont fabriqués à 99 % à partir de ressources fossiles. Réutiliser et recycler les plastiques qui ne peuvent pas être éliminés en les gardant dans l’économie à leur maximum potentiel de valorisation est alors une nécessité. Afin de prévenir et remédier aux fuites des micro et macro plastiques dans l’environnement, de meilleures pratiques de gestion des déchets et de la pollution historique sont nécessaires. En effet, le tri, enjeu majeur de l’économie circulaire, est pour l’instant insuffisant. C’est ainsi que le gouvernement Français expérimente avec une nouvelle technique : proposer aux ménages de jeter tous les plastiques dans la poubelle jaune. Le tri, entre les plastiques recyclables et non recyclables serait fait a posteriori, après collecte. Il y a également un problème évident de capacité. Selon l’ADEME, la France ne dispose que de 5,4 millions de tonnes de capacité de recyclage des plastiques, contre 23,3 millions de tonnes en Allemagne et 16,5 millions de tonnes en Italie[5].
L’innovation pour réduire, réutiliser et prévenir
L’un des objectifs de l’économie circulaire est d’augmenter le volume et la qualité du plastique recyclé. C’est dans ce contexte que des sociétés innovent. Une entreprise française a reçu le soutien de la banque européenne d’investissement et recevra une aide totale de 54 millions d’euros de l’Etat via France 2030 et de la Région Grand-Est pour financer la première usine de bio recyclage de polyéthylène téréphtalate (PET) au monde. L’usine se situera à Longlaville, en France.
L’entreprise a développé une enzyme capable de dépolymériser tous types de déchets en PET (clairs, opaques, de couleurs, etc.) afin de les recycler sans perte de qualité. L’innovation tient dans l’enzyme qui vient remplacer les processus thermomécaniques actuels qui engendrent de la perte de matière et qui impliquent de réintroduire de la nouvelle matière au bout de quatre, voir cinq recyclages. Il s’agit de la première approche biologique permettant aux plastiques et textiles PET de maximiser le nombre de cycles de recyclage. Le procédé utilise des solvants organiques et son atout, parmi d’autres, se traduit par une diminution de 51 % des émissions de CO2 en comparaison avec la production du PET vierge.
Sur l’axe de prévention de la contamination de l’environnement par le plastique et notamment les microplastiques, une autre entreprise développe une technologie qui permet de simplifier le traitement de l’eau polluée. Le système de filtration prévoit une membrane de nano filtration, capable de sélectivement retirer de l’eau polluée les micro/nano plastiques, antibiotiques, produits chimiques, bactéries, virus et autres polluants. Ainsi, cette technologie permet de simplifier le traitement de l’eau au travers d’une seule étape, au lieu de plusieurs dans les processus existants, tout en consommant 70 % moins d’énergie, 90 % moins de produits chimiques et en ouvrant les portes à plus de potentiel d’exploitation des eaux usées traitées. Pour rappel, en Europe nous ne réutilisons que 2 % de nos eaux usées traitées. La dynamique de croissance sur le marché de la filtration de l’eau est estimée à 10 % par an jusqu’à 2030 et à 20 % sur la nano filtration.
Repenser nos pratiques de production et de consommation : un passage obligatoire
Actuellement, la plupart des plastiques ne sont pas pensés pour une utilisation circulaire ou ne sont pas réutilisés dans la pratique. Pour autant, les études scientifiques évoquent que la mise en échelle des solutions connues pourrait réduire les volumes de production annuels de plus de 80 % d’ici 2040 par rapport aux tendances actuelles, et pourrait faciliter l’atteinte d’une pollution plastique quasi nulle d’ici 2060[6]. Afin de mettre fin à la pollution plastique et d’accélérer le taux de recyclage, une transformation profonde des pratiques de consommation et de production doit avoir lieu. Le système entier doit prévenir toute nouvelle production de déchets plastiques en utilisant une approche circulaire de réduction, réutilisation et de valorisation à tous les niveaux de la chaîne de valeur. Les secteurs de l’alimentation et des boissons devront repenser leur packaging ; le packaging étant le plus grand producteur de déchets plastiques puisqu’une grande partie est à usage unique. La construction, gros consommateur en termes de volume mais avec une durée d’utilisation long terme, devrait aussi s’adapter à ces changements.
Le défi est grand mais n’est pas insurmontable !
Par Marie Lassegnore, CFA, Head of Sustainable Investments, La Française AM
Notes de bas de page
- ^[1] National Geographic, Que devient le plastique que nous jetons ? (2021)
- ^ [2] L’océan dont nous avons besoin pour l’avenir que nous voulons | UNESCO
- ^[3] Le Monde, Des microplastiques détectés dans le sang humain (2022)
- ^[4] Bilan 2020 de la production de déchets en France, Ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires (2020)
- ^[5] ADEME, Chiffres clés (2022)
- ^[6] ONU Info, Lutte contre la pollution plastique : les nations s’engagent à élaborer un accord juridiquement contraignant (2023)